Un loup a été tiré ce mercredi 3 mai vers 23 heures sur la commune de Fontenay, en Saône-et-Loire. Les éleveurs du secteur se disent rassurés, les défenseurs de l'animal estiment que l'abattage n'est pas une solution pérenne.
La préfecture de Saône-et-Loire l'a confirmé ce jeudi matin : un loup a été abattu la nuit précédente, mercredi 3 mai peu avant 23 heures, sur la commune de Fontenay voisine de Charolles. Deux semaines plus tôt, un loup avait été formellement identifié sur un piège photographique dans le secteur, à Dompierre-les-Ormes. Un individu avait également été filmé le 15 janvier aux portes de Chalon-sur-Saône, et mi-avril à la Vineuse-sur-Frégande.
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"Ne pas revivre le cauchemar" de 2020
"C'est une belle chose que le loup ait été tiré assez rapidement, surtout vu la période, alors que les brebis sont au pré avec les petits", réagit ce matin Pascal Chaponneau, président de l'Organisme de sélection du mouton charollais.
"Ce qui rassure les éleveurs, c'est qu'on est plus réactif et plus efficace."
Pascal ChaponneauOS du mouton charollais
En effet, il ne s'est écoulé que deux semaines depuis la réunion convoquée par le préfet Yves Séguy, au cours de laquelle les éleveurs avaient réclamé plus de moyens de lutte contre le loup. Le préfet avait alors annoncé l'arrivée imminente de la brigade nationale "loup".
"Le préfet, les élus et la branche agricole ont pris conscience qu'on ne pouvait pas revivre ce qu'on a eu il y a deux ans dans le Charolais, c'était un cauchemar", poursuit Pascal Chaponneau. En 2020 en effet, les attaques imputables au loup avaient causé la mort de plus de 100 moutons. "Avant, on passait un temps fou à réagir. Maintenant, tout le monde a pris un peu d'expérience."
Les éleveurs veulent pouvoir tirer davantage de loups
"C'est une bonne nouvelle, mais on n'est pas totalement à l'abri", nuance Pascal Chaponneau. "Il n'y a pas que ce loup-là." Le président de l'OS du mouton charollais continue, comme nombre de ses confrères, à réclamer davantage de tirs de loups pour arriver au nombre d'individus fixé à la base par le "plan loup" national : "On était censé avoir 450 individus sur toute la France, maintenant on est à plus de 1000 selon l'OFB."
"On ne veut pas éradiquer le loup, mais il y en a plus du double de ce qui avait été fixé !"
Pascal ChaponneauOS du mouton charollais
Lors de la réunion le 19 avril entre la préfecture, les services de l'État et le monde agricole, le préfet Yves Séguy avait lui-même reconnu : "la présence du loup est plus fréquente que précédemment, en 2017-2018, moment où le plan loup a été arrêté".
Au total pour 2023, la préfecture recense "une quarantaine" d'attaques pour lesquelles la responsabilité du loup est "non écartée" en Saône-et-Loire.
"Le loup solitaire va au plus simple, le cheptel non gardé"
De son côté, l'association de défense du loup Férus estime que l'abattage des loups ne fait que désorganiser les clans. Joint par France 3, Pierre Metin, animateur Férus en Bourgogne, détaille : "L'abattage des loups ne constitue pas à nos yeux une solution pérenne." L'association milite pour des solutions "non-violentes" de cohabitation.
"Dans les bassins alpins, les tirs désorganisent les meutes, engendrant des loups solitaires qui n'ont de solution que "l'émigration". C'est pourquoi ils gagnent nos régions."
Pierre MetinFerus Nord-Bourgogne
"Seuls, les loups ont du mal à se nourrir. Dès lors, le loup solitaire va au plus simple, le cheptel non gardé. Le loup est intelligent", rappelle Pierre Metin. En meute, les loups s'en prennent aussi à de grands animaux sauvages, comme en témoigne cette vidéo, diffusée par France 3 Franche-Comté cette semaine : on y voit plusieurs loups chasser ensemble un cerf, dans le Jura.
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L'animateur de la Férus ajoute : "En revanche, le loup reculera si l'éleveur utilise les moyens financés par l'État : clôtures électrifiées, regroupement des bêtes la nuit, présence de patous en nombre suffisant..." Pierre Metin regrette l'abattage des loups "avec encouragements de l'État qui estime nécessaire une régulation" en cédant aux "lobbies chasse/éleveurs". Il ajoute qu'à l'état sauvage, comme dans le parc américain de Yellowstone, les meutes de loups se régulent d'elles-mêmes.
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Les éleveurs, eux, demandent notamment :
- L'évolution du statut d'animal protégé du loup pour assouplir les autorisations de tir : par exemple, autoriser des tirs de défense pour des troupeaux voisins de ceux qui ont été victimes d'attaque. Actuellement, seuls les propriétaires de troupeaux directement visés par des attaques sont autorisés à des tirs de défense.
- Une meilleure indemnisation des attaques : les agriculteurs regrettent notamment que les élevages "bio" ou "label" soient parfois indemnisés au barème classique, un barème moins élevé.
- Une meilleure prise en charge des moyens de protection : par exemple, prendre en charge la main-d'oeuvre pour l'installation et l'entretien des clôtures électriques, et être conseillé sur le matériel à acheter.
- Un meilleur accompagnement des éleveurs, avec les services sociaux.
- Du matériel plus perfectionné pour les tirs de défense : autoriser le matériel de vision nocturne, les lunettes thermiques, les jumelles thermiques.