Mourir par suicide assisté. À La Chaux de Fonds en Suisse, Françoise, 70 ans citoyenne franco-suisse, a pris ses dispositions. Membre de l’association Exit, elle veut se réserver cette possibilité quand l’heure sera venue.
Choisir l’heure, le jour de sa mort. Quitter ce monde et les siens dans la dignité. Ne pas souffrir, ne pas voir les autres souffrir face à une personne diminuée, condamnée par la maladie. Ce fut le choix de Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d’Etat aux personnes âgées du gouvernement Jospin. Elle est décédée le 4 mars dernier par suicide assisté en Suisse, l’élue du Doubs âgée de 71 ans souffrait d’une maladie évolutive qui la condamnait. Une mort qui relance le débat sur la fin de vie.
En Suisse, un décès sur 50 est un suicide assisté
La législation du pays le permet, plusieurs associations proposent le suicide assisté. Parmi elles, Exit Suisse Romande qui regroupe 32.000 membres.
“L’association Exit s’est saisie d’une disposition du Code Pénal, l’article 115 qui dit que si une personne aide une autre personne à se suicider, et qu’elle le fait avec un mobile altruiste, la loi dit “non égoïste”, alors cette personne ne sera pas punie” explique Jean-Jacques Bise , co-président d'Exit Suisse Romande.
En 2020, Exit a ainsi accompagné 369 personnes par suicide assisté. 223 femmes, 146 hommes, 4 couples y ont eu recours l’an passé. L'association prend en charge les résidents suisses, mais ils peuvent être de nationalité étrangère.
Des critères médicaux bien précis pour bénéficier du suicide assisté
“Il n’est pas question d’aider n’importe qui, dans n’importe quelle situation. Il a été décidé de respecter un certain nombre de critères médicaux. D’abord les critères de fin, d’une souffrance insupportable. Depuis 2014, nous aidons aussi les personnes victimes de polypathologies invalidantes, des personnes qui ne sont véritablement en fin de vie, mais qui vivent de telles souffrances, qu’elles estiment leur vie, être dans des conditions qui ne méritent pas d’être vécues” ajoute Jean-Jacques Bise.
Pour formuler une demande de suicide assisté, il faut une lettre et un rapport médical établissant la capacité de discernement de la personne. Un médecin conseil étudie ensuite le dossier, il est suivi d’un entretien et si les critères sont tous remplis, une date de suicide peut être fixée. La plupart des personnes qui ont sollicité l’association Exit sont décédées à leur domicile accompagnées par leurs familles et un bénévole.
Suicide assisté, un choix que Françoise a préparé
Non, je ne vais pas choisir de mourir, mais vraiment si la vie est trop pénible, je choisirai oui.
Le choix de Françoise Jeandroz originaire du Doubs, est né après avoir accompagné durant des années son beau-père atteint de la maladie d’Alzheimer. Le suicide assisté est un geste qu’elle envisage, elle a donc fait les démarches. “Pour moi, c’est déjà d’avoir cette solution-là. Me dire que quand je ne serai pas en mesure de m’assumer, de me dire que j’ai la possibilité d’Exit, cela ne veut pas dire que je vais l’utiliser, mais je sais que j’ai cette possibilité-là” explique Françoise. En parfaite santé, cette Suissesse a expliqué sa démarche à ses proches. Il a fallu rassurer les plus jeunes. “J’ai mes petits enfants qui m’ont dit : tu vas choisir de mourir ?! J’ai dit, non, je ne vais pas choisir de mourir, mais vraiment si la vie est trop pénible, je choisirai oui. Je ne vais pas mourir demain” lance cette Franco-Suisse avec le sourire.
Un consensus large autour du suicide assisté en Suisse
L’article 115 du Code pénal suisse remonte à 1937. Cette pratique du suicide assisté est entrée au fil des ans dans les mœurs. “Si on demande à différentes personnes, on voit que d’un certain côté, il y a des divisions sur les conditions qui devraient rendre le suicide assisté légitime ou non” éclaire Samia Hurst , directrice de l'Institut Éthique Histoire Humanités de la Faculté de médecine de l'Université de Genève. “Mais en même temps, il y a eu plusieurs tentatives de changer notre législation, et la conclusion de chacune de ces tentatives a été, au fond, on aime bien le statuquo. Donc, on peut dire qu’il n’y a pas un consensus total, mais un consensus large sur le fait que c’est une bonne chose d’avoir la possibilité légale du suicide assisté” ajoute Samia Hurst.
Un suicide assisté par administration de Pentobarbital
En Suisse, l’acte de suicide assisté est réalisé avec une dose de 15 g de pentobarbital, un puissant barbiturique non autorisé à la vente en France. La personne doit être capable de le boire ou de déclencher la perfusion, avant de s'endormir paisiblement. C’est ce produit qui a été utilisé en France en 2003 pour la mort de Vincent Humbert, jeune homme devenu tétraplégique, aveugle et muet, après un grave accident de la route. C’est aussi le produit ingéré par Chantal Sébire en 2008. Cette Bourguignonne de 52 ans avait fait le choix de mourir chez elle. Elle était atteinte d'une tumeur incurable qui lui déformait le visage.
En France, le suicide médicalement assisté n’est pas autorisé. Il l’est en revanche dans d’autres pays européens dont la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Canada, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et l'Autriche. En Suisse voisine, plusieurs associations épaulent les demandeurs dont Exit, Lifecircle et Dignitas qui acceptent de recevoir des étrangers.
Lexique de la fin de vie
Suicide assisté
C’est un processus encadré qui conduit la personne malade à ingérer ou s’injecter elle-même le produit létal. Le médecin fournit ce produit au patient dans un cadre strict.
Euthanasie active
L’euthanasie est une pratique visant à autoriser un médecin à abréger les souffrances phyisques et morales, psychologiques d’un patient atteint d’une maladie incurable. Elle est légalisée en Belgique, Pays-Bas, Luxembourg
Euthanasie passive
C’est l’interruption des traitements ou appareils qui maintiennent une personne en vie. Elle est légale en France.
Soins palliatifs
Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d'une maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychique, sociale et spirituelle, écrit la société française d’accompagnement et de soins palliatifs.
La loi Leonetti, ce que permet cette loi du 22 avril 2005
Cette loi a pour objet d'éviter les pratiques d'euthanasie, et d'empêcher également l'acharnement thérapeutique.Le texte de loi permet au patient de demander, dans un cadre défini, l'arrêt d'un traitement médical trop lourd. Le principe du « laisser mourir » est ainsi appliqué par la France depuis le vote de la loi Leonetti. Il consiste à refuser l'acharnement thérapeutique sur un patient incurable et à permettre, après l'arrêt des traitements curatifs, de soulager la douleur grâce à des sédatifs jusqu'à l'arrêt cardiaque. Le patient s'éteint peu à peu, inconscient.