48% des personnels soignants en Ehpad n'ont pas reçu de dose de vaccin en Bourgogne-Franche-Comté. Pour contrer cette tendance nationale, Olivier Véran souhaite rendre leur vaccination obligatoire. La proposition est accueillie positivement.
La vaccination pourrait-elle devenir obligatoire pour les personnels soignants en Ehpad ? En France, 50% des équipes médicales qui évoluent dans ces établissements dédiés auraient reçu leur première dose de vaccin selon des statistiques du ministère de la Santé. En Bourgogne-Franche-Comté, ils sont 52% d'aprés des chiffres fournis par l'Agence Régionale de Santé (ARS) ce vendredi 16 juin.
Un pourcentage inférieur à l’ensemble de la population alors que la vaccination pour ces personnels est ouverte depuis le 6 février 2021. 60% des Français ont au moins eu une dose de sérum contre le Covid-19. Dans la région, plusieurs directeurs de résidence pour personnes âgées dépendantes souhaitent rendre obligatoire la vaccination de leurs équipes soignantes.
La frilosité des équipes soignantes
Au sein de la maison départementale de retraite de l'Yonne, près de 70 % du personnel est vacciné. "Il y a peut-être eu un manque sur le plan pédagogique. C'est possible qu'il y ait un problème au niveau de la formation avec un défaut de culture scientifique. C'est dommage de ne pas être arrivé à persuader une partie des équipes soignantes", regrette Valérie Lafon, médecin coordinatrice de l'établissement. Dans l'ensemble de la région, seuls 38% des équipes médicales en Ehpad ont reçu deux doses de sérum contre le Covid-19.
La résidence Saint-Vincent de Paul à Vignoles (Côte-d'Or) fait office de bonne élève avec 97% de ses équipes vaccinées. Mais son directeur James Bontemps confie une certaine frilosité de la part des membres de l'équipe médicale au début de la campagne de vaccination. "On a beaucoup communiqué pour rassurer le personnel et on a fait venir un médecin qui a expliqué la notion de bénéfice-risque de ce vaccin", détaille-t-il.
Un devoir éthique pour le personnel soignant
Face à ce constat généralisé à l'échelle nationale, Olivier Véran a annoncé que l'exécutif pourrait rendre obligatoire la vaccination pour les équipes médicales en Ehpad. "J’appelle les employeurs et les salariés de ces Ehpad à se faire vacciner. D’ici la fin de l’été, si ça ne devait pas s’améliorer, nous nous poserions la question d’une obligation vaccinale pour ces publics particuliers", a avancé le ministre de la Santé.
James Bontemps soutient la solution proposée. "Je suis très favorable à rendre la vaccination obligatoire. On tourne en rond depuis un an. Si on veut s’en sortir, il faut vacciner", estime-t-il. Patrick Deville, directeur du Cercle des Aînés à Nevers (Nièvre), va plus loin et aurait souhaité rendre la vaccination obligatoire pour les personnels soignants le plus tôt possible. "On a trop tergiversé. On n’aurait pas pris ce qu’on a pris dans la figure !".
Selon lui, se faire vacciner quand on est un personnel soignant est une question d’éthique. "Nous sommes des professionnels de la santé en lien avec des personnes dépendantes. Il faut se faire vacciner. On va continuer comme ça pendant 5 ans ? Il n’y a pas de débat. C’est scandaleux de voir que certains refusent la vaccination !".
Olivier Véran a raison. C’est une belle erreur de ne pas la rendre obligatoire depuis le début de la vaccination. C’est une faute politique
La médecin coordinatrice de la maison départementale de retraite de l’Yonne estime elle-aussi que la vaccination des professionnels de santé est un devoir en lien avec la nature même de leur mission. "Protéger nos résidents, ça fait partie de notre travail. Et puis ça nous permet de nous protéger nous-mêmes. Le personnel soignant est une population à risque. Se faire vacciner, ça permet de limiter la transmission".
Pourquoi cette crainte des professionnels de santé en Ehpad ?
Pour rappel, certains vaccins sont déjà obligatoires pour les équipes médicales en Ehpad. C’est le cas de celui contre l’Hépatite B. Mais la campagne de vaccination contre le coronavirus a suscité une véritable appréhension de la part de certains professionnels de santé. "La vaccination a toujours été un sujet très sensible. Pour l’Hépatite B, il y avait eu une polémique sur les risques de sclérose en plaque. C’était une donnée qui a été infirmée scientifiquement, mais ça a induit une défiance sur le long terme", présente Valérie Lafon.
C’est dommage d’obliger un vaccin. Ça signifie qu’on a raté quelque chose.
Pour James Bontemps, les réseaux sociaux jouent également un rôle dans le renforcement d’un climat de défiance vis-à-vis du vaccin. "Certains messages postés font beaucoup de mal. Et il y a une certaine frilosité sur la question de l’élaboration du vaccin. Certains se disent que d’habitude créer un vaccin c’est très long et pourtant, celui contre le coronavirus est allé très vite".
Á l’Ehpad de Nevers, les résistants à la vaccination sont rares. 4 sur une équipe de 50. "C’est idéologique, c'est un geste de contestation ! Ils décident de leurs corps. C’est parfait, mais tous ces gens n’ont pas été touchés par le Covid. Ceux qui assistent à un décès savent que la vaccination est essentielle", souffle Patrick Deville.
Masques, tests, distanciation sociale, les Ehpad s'adaptent
Les personnels soignants qui ne sont pas encore vaccinés sont-ils alors astreints à des tâches différentes ? Leurs directions prennent-elles la décision de les mettre moins souvent en contact avec les patients ? Pas forcément. "Il n’y a pas de discrimination à cause du statut vaccinal", assure Valérie Lafon. Mais dans la maison départementale de retraite de l’Yonne, les professionnels de santé non-vaccinés doivent réaliser des tests toutes les semaines.
Du côté de la résidence Saint Vincent de Paul, la direction a fait appel à un médecin pour communiquer sur le vaccin et évoquer avec les équipes soignantes la notion de bénéfice-risque. Si l’ensemble du personnel est vacciné, le reste est soumis aux règles sanitaires habituelles, à savoir port du masque et respect des distanciations sociales.
Les différences de statut vaccinal peuvent créer des tensions dans les équipes. Il peut y avoir un effet bénéfique si tout le monde est vacciné.
Des mesures qui sont également appliquées au Cercle des Aînés de Nevers. Mais malgré les précautions, l’établissement constate une méfiance des patients, avec 20% de ses lits inoccupés et l’annulation de 5 hébergements temporaires pour l’été. "Les gens n’ont plus confiance. Ils ont peur. Vous inscririez un proche dans un Ehpad en sachant que des médecins ou infirmiers ne sont pas vaccinés ?", s’interroge Patrick Deville.
Pour parvenir à l'immunité collective en Ehpad, le Synerpa, le syndicat national des établissements et résidences privées, estime qu'il faut atteindre les 80% de personnes vaccinés.