Faire des réserves de nourriture chez soi, ce n'est pas seulement se préparer à la fin du monde. Pour Maxence, c’est se faciliter la vie. Pour Céline, c’est pallier la distance qui la sépare des grandes surfaces. Quant à Ange, il fait des économies chaque mois. Ils nous ont ouvert leurs portes. C'est le premier volet de notre enquête consacrée à la fracture alimentaire.
Ecrit par Agathe Alabouvette et Romain Blanchard
Ce reportage a été réalisé dans le cadre d'une enquête, en partenariat avec le master de journalisme de Sciences Po Rennes.
[Article initialement publié le 11 mai 2023]
"Bon ben voilà, on y est ! Le grand retour des courses du mois de mars." Dans le garage d’Ange Liautard, des sacs pleins à craquer s’entassent sur le sol. Brioches, pancakes, pizzas, packs de bouteilles d’eau par dizaines…
Pas de temps à perdre, un rangement méthodique s’impose. Première étape, le congélateur. Ici sont stockés "les lardons, les quiches, les colins d’Alaska, les steaks hachés par un, deux, trois, quatre et cinq". Les Danettes, yaourts nature, petits-suisses et tiramisus seront mis au frigo ; pour le reste, ce sera "chez ma grand-mère". Les trois packs de Coca-Cola, quatre paquets de brioches et douze paquets de petits pains rejoindront les bouteilles, bocaux et conserves soigneusement empilés au cellier.
Bilan des courses : 677,96 euros pour cinq personnes, dépensés à Aldi, Lidl et Super U. "On n’a pas payé grand-chose ce mois-ci, on était vraiment contents !"
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Nous ne sommes pas dans le garage d’Ange Liautard, mais devant une vidéo sur Internet. Pour mesurer l’ampleur des réserves de nourriture de cet employé de parc aquatique, nul besoin de se rendre à son domicile dans le sud de la France. Ce jeune brun pétillant de 28 ans, à l’accent chantant et au débit mitraillette, documente depuis trois ans son quotidien de stockeur alimentaire sur TikTok, réseau social sur lequel il compte plus de 158 300 abonnés.
Des vidéos courtes, la plupart face caméra, dans lesquelles Ange Liautard dresse l’inventaire de ses courses chaque mois. Il y partage ses trucs et astuces sur des thèmes aussi variés que "l’organisation, le rangement et l’optimisation du cellier", "comment bien démarrer son cellier" ou une "petite astuce pour la péremption des œufs". Certaines de ses vidéos cumulent plus d’un million de vues.
Un garde-manger minutieusement organisé
Tout a commencé lorsqu’Ange Liautard a emménagé dans la maison qu’il loue à Saint-Hippolyte-du-Fort, une bourgade de quatre mille habitants près de Nîmes (Gard). "On avait une pièce centrale, une vraie chambre noire sans fenêtre, dont on ne savait pas trop quoi faire", rembobine-t-il.
Ses arrière-grands-parents étaient déjà adeptes du stockage de nourriture en grande quantité. "Ils habitaient à l’écart des grandes villes, dans l’arrière-pays. À l’époque, le but, c’était de faire des économies en achetant en quantité et de se faciliter la vie, en ayant toujours tout sous la main. Ils avaient deux grands congélateurs, plus une armoire, un congélateur en coffre et deux grands placards."
Ce mode de vie, l’influenceur du web, féru de pâtisserie, a décidé de le perpétuer, en transformant la pièce inutilisée en cellier. Un véritable garde-manger de quatorze mètres carrés, "bien aéré. On a deux VMC (dispositif assurant le renouvellement de l’air à l'intérieur d'une pièce) au niveau du sol, car il faut que la température reste fraîche, à 18°C", explique-t-il. Salé d’un côté, sucré de l’autre ; une étagère pour les produits frais : rien n’a été laissé au hasard.
Les boîtes de conserve ? On les prend en neuf exemplaires.
Ange Liautard,stockeur et influenceur du web
Sur la porte d’entrée, on trouve même un code. "Ce n’est qu’un décor", s’amuse l’influenceur, qui vit avec sa mère, sa grand-mère et son frère. "À l’origine, on fermait à clé. On ne voulait pas que tout le monde puisse accéder à cette pièce, car on reçoit beaucoup, et on n’a pas envie d’être tenté. Il ne faut pas rentrer dans la surconsommation, le but, c’est de consommer uniquement ce dont on a besoin."
Il faut dire qu’il y a de quoi faire des envieux, dans ce cellier. "La quantité qu’on va acheter dépend des produits, détaille Ange Liautard. La farine, les pâtes, on en trouve de grandes quantités en promotion. Même si on n’en a pas besoin tout de suite, les produits secs, ça ne périme pas, on s’en fiche. À une époque, sur Amazon, on avait accès à une centaine de paquets de pâtes à 55 centimes l’unité, contre 1,20 euro aujourd’hui." Les boîtes de conserve, "on les prend en neuf exemplaires, jamais au-delà, parce que ça occupe de la place". Les produits sucrés, "avec une date de péremption de six à huit mois, en six exemplaires".
En résumé, "tout est calculé de manière que la péremption ne pose pas de problème". L’organisation est quasi militaire, mais l’homme sait y faire. "Je suis quelqu'un de minutieux. Ma mère était comme ça, je tiens ça d’elle. Même si, quand j’ai commencé, il m’est arrivé de jeter un peu", confesse-t-il.
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Plus de deux mille euros d’économies par an
L’intérêt d’un tel stock ? "Ça nous a sauvés. Avant, avec ma mère, on allait constamment en magasin. Le problème des grandes surfaces, c’est que tout est agencé pour donner envie au client d’acheter. Résultat, on ressortait avec beaucoup plus que ce dont on avait besoin." Et le porte-monnaie en pâtissait.
Aujourd’hui, la famille ne se rend au supermarché qu’une fois par mois. Et cela se ressent sur ses finances. "Tous les mois, je garde les tickets de caisse, explique Ange Liautard. Entre ce qu’on payait en 2019 et aujourd’hui, on a fait plus de deux mille euros d’économies par an. Par personne, on est à cent cinquante euros par mois, et on mange équilibré." Il n’y a pas que sur la nourriture que ce stockeur invétéré réalise des économies. "En termes de carburant aussi, on y gagne, puisqu’on est à dix kilomètres d’Intermarché, Aldi et Super U."
Grâce à moi, un père de famille a pu partir en vacances.
Ange Liautard,stockeur et influenceur du web
L’histoire aurait pu s’arrêter là, si un ami ne lui avait pas suggéré de se lancer sur les réseaux sociaux. "Au début, je ne voulais pas parler de mon cellier, pour ne pas attiser la jalousie. Mais il m’a dit : c’est incroyable ce que tu fais, ça pourrait aider les gens." Une première vidéo sur TikTok atteint un million et demi de vues en quelques jours. Et le jeune Gardois se retrouve "assailli de questions, de mauvais commentaires aussi parfois".
Au fur et à mesure, il fédère une communauté de plusieurs centaines de milliers de personnes. "Je pense que je suis arrivé au moment où les gens étaient confrontés aux pénuries, à l’inflation, analyse-t-il. Je me suis rendu compte que certaines personnes ont créé un cellier après s’être inspirées de mes vidéos. Un père de famille m’a dit un jour que, depuis, il fait des économies et a pu partir en vacances."
Alors Ange Liautard répond à ses abonnés, compose avec la haine de certains "qui ne m’ont jamais vu, qui ne savent pas ce que je fais, qui vont se dire : c’est un malade". Il accepte rarement les collaborations commerciales et les partenariats, "uniquement si je suis contacté par une marque de produits que je consomme et qui est alignée avec mes valeurs, sinon je trouve ça hypocrite". L’étiquette d’"influenceur cellier" que lui ont assignée certains médias ? Très peu pour lui, même s’il reconnaît que "si les gens regardent mes vidéos et sont influencés, il y a bien un truc d’influenceur. Mais pour moi, je ne fais rien d’exceptionnel".
En temps de crise, les rayons se vident
Le stockage intrigue, fascine et régulièrement, s'invite dans l'actualité. Au printemps 2020, dans les premiers mois du confinement, des images de rayons vides et de queues devant les supermarchés circulent.
Sur la semaine du 2 au 8 mars 2020, celle d'avant le confinement, les ventes de produits d'épicerie (pâtes, riz, conserves...) bondissent de plus de 20%. Comme le note Richard Girardot, président de l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania), dans l’Est républicain du 6 mars 2020 : "C’est le vieux réflexe français de stockage, on sent une volonté claire des consommateurs de stocker."
Deux ans plus tard, le déclenchement de la guerre en Ukraine fige les échanges commerciaux. Devant le spectre de la pénurie, les pratiques de sur-stockage réapparaissent. "Les gens font des stocks et c'est ce qui peut vider les rayons actuellement, mais il y aura de nouveau de la marchandise. Pas forcément toutes les marques, mais il y aura des produits, pas de panique", explique alors Dominique Schelcher, le PDG de Système U.
À Lorient (Morbihan), le magasin Lyophilise and Co est formel : il y a eu un engouement pour le stockage à la suite de la pandémie. L’enseigne, ouverte en 2010, spécialisée dans les produits stérilisés et lyophilisés à destination des sportifs, humanitaires ou marins du Vendée Globe, a également développé une gamme de conserves qui peuvent être gardées pendant vingt-cinq ans. Et la demande ne faiblit pas. "La tendance s’est accentuée depuis la crise du Covid, précise Marie Dollé, commerciale pour l’enseigne. Dans cette période de guerre en Ukraine, avec la peur des pénuries et des coupures de courant, les gens ont plus tendance à anticiper."
Si la pandémie ou la guerre en Ukraine ont intensifié ce comportement, le stockage ne se limite pas aux crises, assure Doriane Guennoc. Doctorante en droit et sciences politiques à l'université de Nantes, elle prépare une thèse sur le stockage alimentaire domestique. Elle est la première chercheuse en France à s’intéresser à ce sujet. Tout est à défricher. Pour comprendre cette pratique, les données manquent.
Pour Doriane Guennoc, le stockage va de pair avec la planification et la consommation différée. Pendant les guerres mondiales, il traduisait une peur de manquer. "Aujourd'hui, on est davantage dans une logique commerciale. On peut plus facilement se déplacer pour acheter des produits dans les magasins. De ce fait, le stockage est plutôt associé à une logique d’organisation du quotidien, plus qu’à la crainte des pénuries."
On achète en gros parce qu'on est loin de tout.
Céline Rothé, 43 ans, ancienne chercheuse actuellement en reconversion
Cette logique-là, Céline Rothé la connaît bien. En ce vendredi après-midi de février venteux, elle nous accueille dans sa maison, en bordure de Guipry-Messac, commune de deux mille habitants à cinquante kilomètres au sud de Rennes (Ille-et-Vilaine). Un feu de cheminée crépite dans un coin du salon. Des dessins d’enfants sont éparpillés sur une table. Mais cette ancienne chercheuse, experte en politiques sociales, enfile déjà ses bottes pour nous emmener voir l'objet de toutes ses attentions : son jardin.
Depuis presque cinq ans, elle parvient à nourrir sa famille presque exclusivement des légumes de son potager. La liste est longue : courges, poireaux, haricots, oignons, tomates, concombres, céleri, courgettes. Sans oublier le verger où poussent des pommes, des figues et des poires.
À 43 ans, Céline ne s’est jamais considérée comme une stockeuse. Elle l’est devenue par la force des choses. "Cela fait partie de mon organisation domestique", observe-t-elle. Il a fallu trouver la place d’entreposer les légumes de son jardin, lorsqu’il n’était pas possible de tous les cuisiner tout de suite. En l’absence de cellier ou de cave, ses récoltes sont réparties entre des paniers, un gros buffet et les placards de la cuisine. "Le mois dernier, j’avais des courges dans mon salon", confie-t-elle en souriant. Céline stocke aussi de la viande, des pâtes, du riz, de l’huile, de la farine, des noix ou des céréales.
Voilà quatorze ans que Céline et son compagnon se sont installés à Guipry-Messac. Ils recherchaient la campagne, mais plus près de Rennes. Contraints de s’éloigner de la capitale bretonne, dans une commune de moins de trois mille habitants, où l'immobilier est plus abordable, "on achète en gros, parce qu’on est loin de tout. On est obligés d’utiliser la voiture énormément. Si on veut aller à la Biocoop, il faut qu’on fasse trente kilomètres aller-retour, soit quinze minutes de voiture. Ne serait-ce que pour se rendre au Super U, c’est dix minutes. Notre logique, c’est d’acheter en gros pour avoir moins de trajet et moins d’emballages". Elle s’approvisionne aussi auprès de producteurs de proximité, pour faire fonctionner l’économie locale.
Ce mode de vie a du sens pour Céline. "C’est une économie domestique qui se met en place, selon nos convictions : préserver la planète, essayer d’avoir un positionnement sobre, réduire les déchets." Avec ses réserves, elle estime pouvoir tenir un à deux mois.
Du cellier des parents au placard des enfants
Chez Maxence Bouillon, 19 ans, ce serait plutôt "deux à trois semaines". Originaire d’Orléans (Loiret), elle est étudiante à Sciences Po Rennes depuis deux ans. Elle vit en colocation avec deux de ses camarades de promotion dans un appartement d’environ soixante mètres carrés, au sud de la gare. Dans le placard de sa cuisine, beaucoup d'aliments secs (riz, pâtes), des conserves (ratatouille, compote) et de quoi mitonner des gâteaux (farine, sucre, levure).
Pour la jeune femme aux boucles brunes, coprésidente d’une association écologiste, cheffe scoute et qui pratique la guitare ainsi que la natation à côté de ses études, avoir toujours des réserves lui permet de gagner du temps. "Je stocke surtout pendant les examens partiels, pour éviter de me rajouter un stress supplémentaire, explique-t-elle. C’est aussi confortable lorsque je tombe malade, comme la semaine dernière : j’aurais pu aller faire les courses, mais j’étais contente de ne pas avoir à sortir."
Des réserves de confort donc, fournies en grande partie par sa mère, enseignante. "Elle a un cellier qui contient de quoi se nourrir pendant super longtemps. L’année dernière, quand je suis arrivée à Rennes, elle a rempli mon placard pour que je ne manque de rien. Et ce stock, je ne l’ai toujours pas fini !" L’étudiante le reconnaît, ses habitudes de stockage sont directement influencées par celles de sa famille : "Depuis le confinement, ma maman stocke davantage. Ça m’a poussée à le faire plus. J’étais confinée avec mes parents, et on avait acheté un kilo de riz et de pois chiches. Qui mange tout ça ?", s’interroge-t-elle en riant.
Et quid de l’inflation ? Même si elle reconnaît qu’ "acheter en grande quantité, ça permet de dépenser moins", Maxence affirme que l’augmentation des prix n’a rien changé à ce qu’elle consomme. L’étudiante bénéficie du soutien financier de ses parents et est une adepte du panier de légumes frais proposé par une association de son école. Elle s’approvisionne également à la Biocoop une fois par semaine. "Ce qui me tient à cœur, c’est de manger bio et éthique."
Pour Jean-Philippe Debos aussi, le stockage est une affaire de famille. Dans ses placards et sur ses étagères, il possède une belle collection de bocaux. Ce développeur informatique de 32 ans, crâne rasé comme Fabien Barthez et lunettes rondes sur le nez, vit au troisième étage d’un immeuble du quartier de Bréquigny, au sud de Rennes. Il n’est pas peu fier de nous ouvrir ses placards. "Ici, j’ai du pot-au-feu. Là, je garde des haricots verts. Et là, ce sont les réserves de soupe pour l’hiver", détaille-t-il, tandis que son chat se glisse entre les étagères.
La mise en bocal, c'est un peu le système D.
Jean-Philippe Debos,
32 ans, développeur informatique
Si cela fait une dizaine d’années qu’il vit dans la capitale bretonne, le trentenaire, propriétaire de son appartement, n’est pas un habitué des grandes villes. C’est à Pleine-Fougères, deux mille habitants nichés entre Rennes, Saint-Malo et le Mont-Saint-Michel (Manche), qu’il a grandi. Un père employé polyvalent de mairie, une mère aide-soignante en Ehpad, avec quatre enfants à la maison. Et le supermarché le plus proche "à vingt minutes en voiture".
Pour contrer la peur du manque, il fallait s’organiser. Mettre en bocal, cultiver le jardin d’environ cinq cents mètres carrés. Une manière aussi de maîtriser ses dépenses. "Comme on est une famille de six, issue d’un milieu modeste, la mise en bocal, c’était un peu le système D", analyse l’informaticien.
Depuis, le temps a passé, la fratrie a quitté le nid. Mais l’habitude est restée. "Chez mes parents actuellement, il y a trois congélateurs, deux frigos pleins au sous-sol et des étagères remplies de bocaux sur toute la longueur du mur, décrit Jean-Philippe. Je pense que ça s’ancre aussi dans la façon dont ils ont été éduqués. Ma maman vient d’une famille de trois enfants, mon père aussi ; tous les deux sont issus d'un milieu agricole. Toute leur vie, ils l’ont passée à la campagne, loin de tout. Ils étaient conditionnés à stocker."
À chaque visite auprès d’eux, Jean-Philippe repart les bras chargés. Outre les bocaux qui ornent ses étagères, il rapporte ainsi des légumes du jardin, en fonction de la saison. "Dernièrement, par exemple, j’ai ramené des bottes de carottes." Le reste, il l’achète dans les grandes surfaces de proximité, l’ "Intermarché du coin" mais aussi la Biocoop. Même s’il reconnaît que "les grandes surfaces proposent du bio qui est OK".
J’étais en surpoids et j’ai décidé de changer mes habitudes.
Jean-Philippe Debos,
32 ans, développeur informatique
Ses pratiques ont évolué en même temps que son rapport à l’alimentation. "Au départ, pour moi, la nourriture, c’était juste une denrée, raconte-t-il. Comme je n’aime pas cuisiner, j’achetais beaucoup de plats tout faits. Et puis avant le Covid, j’ai eu une remise en question : j’étais en surpoids et j’ai décidé de changer mes habitudes. Je passais beaucoup de temps à la Biocoop, je ne me fournissais plus qu'en vrac, pour perdre du poids et prendre de la force. Depuis deux ans, je me laisse un peu plus de marge, mais j'essaie de garder mes bonnes habitudes."
"Mettre du temps en bocal"
Dans les témoignages de Cécile, Maxence ou Jean-Philippe, un dénominateur commun : un désir de maîtriser ce que l'on mange et d'aménager un quotidien chargé. Selon le sociologue Benjamin Pradel, le stockage alimentaire domestique, c’est "mettre du temps en bocal".
Pour ce chercheur, auteur d’une étude intitulée Les usages du garage ou la domestication du mouvement dans l’habitat (2018), "la question du stockage, c’est celle de la désynchronisation et de la resynchronisation de nos modes de vie. Avec le développement de technologies comme le congélateur, on n’est plus obligé de consommer tout de suite ce qu’on achète. Cela reflète l’évolution de notre rapport au temps, entre la soumission au rythme de la nature et la volonté de s’en affranchir".
Sécuriser et maîtriser : la préoccupation n’est pas nouvelle. On retrouve des formes de stockage dès l'époque paléolithique. Dans leur Histoire de l’alimentation, les historiens Jean-Pierre Williot et Gilles Fumey montrent qu'"outre la conservation par le froid, le séchage, le salage et le fumage étaient pratiqués. De multiples nécessités ont engagé très tôt l’être humain à préserver ses ressources alimentaires. D’abord conçues comme un moyen d’empêcher la putréfaction des aliments, les techniques ont assuré des réserves en différant la consommation. Parer aux récoltes insuffisantes, affronter des temps de guerre, emporter ses nourritures sur de longs itinéraires nomades engendrait des besoins similaires", écrivent-ils.
La peur alimentaire en Occident n’est pas négative.
Madeleine Ferrières, historienne
L’histoire du stockage est aussi celle de nos peurs. De manquer, de la disette. Pour l’historienne Madeleine Ferrières, autrice de l’ouvrage Histoire des peurs alimentaires, "la peur alimentaire en Occident n’est pas négative, ni paralysante. Elle pousse à l’action. L’histoire des peurs alimentaires est celle des efforts des hommes pour évaluer, si possible réduire, maîtriser les risques".
Au cours du temps, les modes de conservation et de stockage ont évolué, transformés par le progrès technique. L’appertisation, une technique de chauffage des aliments à 100°C qui permet de tuer les divers ferments et bactéries qui détériorent la nourriture, ainsi que l’apparition du réfrigérateur et du congélateur, facilitent le stockage de denrées alimentaires. En 1960, 27% des Français possédaient un réfrigérateur. En 1980, ils étaient 95%.
La voiture cohabite avec les boîtes de conserve
Est-ce à dire que chacun est un stockeur en puissance ? Pas si simple. Car pour y parvenir, il faut de la place. En la matière, un espace de la maison semble tout trouvé : le garage. Ce lieu s’éloigne de plus en plus de sa fonction première : d’après l’étude du sociologue Benjamin Pradel sur les usages domestiques du garage, 35% des Français qui en possèdent un n’y rangeraient pas leur véhicule.
"Le garage fermé comme dépendance de la maison est apparu dans le pavillonnaire urbain des Etats-Unis durant les années 1930, pour protéger une mécanique auto alors fragile. Comme elle devenait plus robuste et s'érigeait en objet statutaire de valorisation sociale, la voiture est sortie s'exposer devant la maison", expliquait-il dans un entretien au Monde en 2023.
Dans le même temps, le cellier, lieu privilégié pour le stockage des denrées alimentaires, a progressivement disparu des maisons. Le garage s’y est alors substitué. "Il représente les coulisses du quotidien. C’est aussi un lieu de stockage car c’est devenu une entrée de la maison, un sas de décontamination. On y entre avec les courses que l’on vient de décharger de la voiture", résume le chercheur.
Depuis quelques années, le cellier semble cependant faire son retour en grâce. "On voit revenir cet espace car lorsque les commerces de proximité sont rares, ce qui est surtout le cas à la campagne, on ne va au supermarché qu’une fois par semaine. On revient alors avec le coffre plein et il faut un endroit où ranger tous ces achats."
Mais tout le monde ne peut pas se permettre une telle organisation. "Pour ceux qui n’ont pas les moyens, une partie des caves va accueillir des denrées non périssables. Souvent, dans les grandes villes, on voit de la nourriture sur les bords de fenêtres, sur lesquels les gens stockent du semi-frais", souligne Benjamin Pradel.
Ranger vos boîtes, elle s'en occupe pour vous
Optimiser l’espace, ranger, gérer les quantités… Tout cela exige des compétences qui ne sont pas à la portée de tous. Alors certains décident de transmettre leur savoir-faire.
C’est le cas de Marine Lenfant. Son métier ? Home organizer. Traduisez : professionnelle de l’organisation de l’espace. Dans une autre vie, elle a travaillé chez Ikea, en tant qu’agenceuse décoratrice, à Paris. Depuis juillet 2023, la trentenaire s’est lancée dans une nouvelle activité à Nantes (Loire-Atlantique) : le rangement et l’organisation de l’espace de vie des particuliers. Un métier dans le prolongement du développement personnel et du coaching de vie, qui a le vent en poupe outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, la home organizer la plus célèbre s’appelle Marie Kondo.
En France, la pratique est encore émergente et peu réglementée. La fédération francophone des professionnels de l’organisation (FFPO), fondée en 2017, recense 187 membres. Ce n’est pas encore l’activité principale de Marine Lenfant, mais elle espère que ça le deviendra d’ici à quelques années. Parmi les prestations proposées, le rangement des pièces de vie comme la cuisine, la buanderie ou le garage. "Ce sont des pièces dites techniques et de passage, auxquelles on attribue plusieurs fonctions. Elles deviennent d’autant plus essentielles à organiser."
Pouvoir facilement voir ce que l’on possède pour éviter de surconsommer.
Marine Lenfant, home organizer
Le stockage alimentaire fait partie de son champ d’intervention. "L’idée est de limiter les espaces où on va ranger tel ou tel produit, pour ne pas en racheter inutilement si on manque de place. Pouvoir facilement voir ce que l’on possède pour éviter de surconsommer et de gaspiller. On essaie aussi de laisser des espaces vides, que l’on ne va pas chercher à remplir."
Depuis l’ouverture de son agence, Marine Lenfant a accompagné une dizaine de clients. Pour la plupart, il s’agit de mères de famille. "C’est surtout pour ce public que la question se pose, selon la professionnelle. Les femmes restent en charge du planning alimentaire à 80%. Elles ont envie de s'épanouir pas seulement dans leur foyer mais sur le plan professionnel, de pouvoir faire du bricolage, du sport. Par l’organisation de l’espace, on va libérer du temps dans leur quotidien, en créant des systèmes de stockage accessibles à tous, qui favorisent l’autonomie des enfants."
Deux cent soixante bocaux par jour
Dénicher le moindre recoin pour aligner des boîtes est une chose. Maîtriser des techniques de conservation innovantes et respectueuses de l’environnement en est une autre. À Saint-Symphorien, à vingt-cinq kilomètres au nord de Rennes, une intrigante machine a pris place au milieu des champs et des longères en pierre du lieu-dit la Thébaudais. Son nom : concentrateur solaire.
Trois rangées de quinze miroirs qui captent la lumière du soleil afin de chauffer une plaque, sur laquelle "on peut faire bouillir des marmites de cinquante centimètres de haut et de diamètre", vante Quentin Feutren. Ingénieur de formation, il est aux manettes de ce drôle d’engin, conçu pour stériliser des conserves élaborées à partir de récoltes locales.
Il aura fallu quatre jours pour le monter, à partir des plans de l’entreprise finlandaise Lytefire, spécialisée dans les fours solaires, avec l’aide d’une métalliste rennaise. "Avec ça, on peut produire deux cent soixante bocaux par jour. Cela représente cent kilos de matière transformée !"
Ce concentrateur, unique en Bretagne, est la première pierre du projet dans lequel Quentin Feutren, diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de Géologie, s’est lancé depuis quatre ans, avec sa compagne Manon Robert. Objectif : ouvrir une conserverie végétale itinérante dans le pays de Rennes pour "développer et transmettre des modes de conservation plus économes en ressources, facilement utilisables et réparables permettant à tous de conserver fruits, légumes et légumineuses de saison", vante son site Internet.
"Avec Manon, on est très sensibles à la souveraineté alimentaire", assure Quentin Feutren, qui confesse une tendance à "faire des réserves comme une fourmi". "J’ai lu une étude de l’association Les Greniers d’abondance (celle-ci a notamment créé une application, CRATer, permettant de mesurer le niveau de résilience alimentaire d’un territoire donné), qui fait une analyse du système alimentaire et de la manière de le rendre le plus résistant possible aux crises", se remémore le trentenaire aux lunettes rondes et à la barbe de dix jours.
Le couple s’est positionné sur la conserve "par appétence : la conserve, c’est stocker l’abondance quand on l’a pour l’utiliser quand on en a moins. On en faisait avant de se lancer dans le projet. Aujourd’hui, on a tendance à essayer de maximiser les achats, à acheter en vrac, et à remplir les bocaux. On n’aime pas le gâchis".
L'originalité de cette conserverie, c'est qu'elle repose sur des procédés low tech. "Cela consiste en trois principes : l'utilité, l'accessibilité et la durabilité. L’idée n’est pas de revenir à l’âge des cavernes, mais de faire preuve de discernement dans l'usage des technologies", détaille Quentin Feutren. Concrètement, cela se traduit par de l’"innovation technique et organisationnelle", dont le concentrateur solaire est un exemple. Avec un leitmotiv : utiliser le moins de matériel possible.
C’est satisfaisant de pouvoir dire : c’est moi qui l’ai fait !
Quentin Feutren,fondateur d'une conserverie itinérante
Ces savoir-faire, les particuliers pourront les découvrir grâce à des ateliers qui débuteront dans le courant du printemps 2024. "On fera avec ce qu’on trouve chez les gens", note Quentin Feutren. L’objectif, c’est aussi de réhabiliter une compétence qui a disparu avec le temps : celle de valoriser les aliments que l’on cultive soi-même. "Nos grands-parents savent presque tous faire des conserves, et entre leur génération et la nôtre, ce savoir s’est perdu, à cause de l’accès à des produits peu chers et aux supermarchés", regrette l’ingénieur, non sans une pointe de nostalgie.
Pourtant, il en est convaincu, les techniques de conservation sont accessibles à tous. "C’est un peu dans la mouvance du do-it-yourself (“faites-le vous-même”). Une fois qu’on voit qu’on est capable de faire un potager et qu’on a quelques dizaines de kilos de tomates à l’année, l’étape d’après, c’est de mettre en conserve, comme d’autres cherchent à faire leur rhum arrangé ou leur bière. Il y a une certaine satisfaction de pouvoir dire : c’est moi qui l’ai fait !"
Le prix de ces ateliers (de 50 euros à 150 euros) n’effraie visiblement pas les potentiels participants. 550 personnes ont répondu à l’enquête en ligne lancée par Quentin et Manon en octobre. Un mois auparavant, ces derniers avaient organisé une "Fête du champ à l’assiette" à Rennes, qui a connu un franc succès. "On a eu des échanges de plus d'une heure avec certains participants !"
La conserverie s’adresse aussi aux professionnels, répondant là encore à une demande insuffisamment satisfaite. "Politiquement, la métropole essaie, avec le Plan alimentaire territorial, de réinstaller une ceinture maraîchère autour de Rennes. Les installations sont souvent des petites structures sur de petites surfaces, en circuit court, qui ont besoin d’être formées aux techniques de conservation."
Quand le stockage devient une affaire d’Etats
Apprendre aux citoyens à faire leur stock, certains Etats européens en font déjà une réalité. En 2018, la Suède a envoyé à tous ses foyers une brochure, intitulée If Crisis or War Comes (Si une crise ou une guerre arrive) , par l’intermédiaire de l'Agence nationale pour les urgences civiles. Vingt pages de conseils pratiques et de recommandations alimentaires pour se préparer au pire. Ce guide avait déjà été distribué à toute la population entre 1943 et 1991.
Les autorités conseillent de stocker suffisamment de nourriture pour quelques jours en cas de coupure d'électricité ou d'autres situations affectant la distribution des denrées alimentaires. Le document incite chaque ménage à pouvoir subvenir à ses besoins pendant au moins une semaine.
À l'échelle européenne, le Covid semble avoir fait bouger les lignes. Le 13 septembre 2023, le Parlement et le Conseil de l’Union européenne adoptaient un "instrument du marché unique pour les situations d’urgence". Celui-ci prévoit la mise en place d’une politique harmonisée de prévention des crises entre les Etats membres, à travers des dispositifs d’alerte, de formation et de constitution de stocks stratégiques. Mais il ne comporte aucune mesure d’incitation au stockage alimentaire pour les particuliers.
Pour Doriane Guennoc, la doctorante à l'université de Nantes, difficile d’envisager une telle politique publique en France dans les prochaines décennies. "C’est une question de culture et de mentalité. Dans les pays du Nord, on fait le choix d’inclure le citoyen dans la gestion de la pénurie, dans une logique d’autonomie et de responsabilité individuelle. En France, on préfère déléguer ça à l’Etat ou aux entreprises privées. Il y a une forte croyance dans la capacité de notre système agroalimentaire à nous nourrir."
L'autosuffisance, ça s'apprend !
En attendant un éventuel signal de l’Etat, certains font du stockage alimentaire domestique le rouage d’une philosophie de vie plus large : l’autosuffisance. Sur Internet, de nombreux blogs fleurissent, qui donnent des conseils pour produire son énergie, pour se former aux techniques de survie… ou bien pour constituer des réserves alimentaires. Parmi les nombreux résultats de recherche proposés, un nom moins radical attire notre attention : "Fourmi résiliente".
Ce blog se définit comme "la référence pour apprendre à être autosuffisant". Ici, on nous propose de retrouver des "infos gratuites sur la permaculture, la gestion de l’eau et des énergies, la van-life (vivre dans un véhicule aménagé) et bien plus encore..."
Parmi les neuf domaines à maîtriser pour mener une vie autonome, l’autosuffisance alimentaire s’affiche en première position dans le menu déroulant. Sur cette page du blog, on peut, au choix, s’informer sur "les meilleures races de poules pondeuses pour l’autonomie alimentaire", optimiser ses stocks de nourriture grâce à "dix astuces pour économiser de l’argent qui font vraiment la différence" - en deux parties -, ou encore apprendre "comment conserver ses aliments".
Derrière ce site, Toussain*, 24 ans. Titulaire d’un diplôme d’infirmier, il suit actuellement une formation dans l’humanitaire à Paris. Mais c’est dans le Limousin qu’il a passé une enfance loin d’être ordinaire : il a grandi dans un éco-lieu avec seize personnes.
"C’est un grand terrain d’environ vingt-cinq hectares, avec des habitats séparés mais des lieux communs, des salles communes, décrit le jeune homme au regard doux et à la barbe taillée en bouc. L’ambition, c’est de vivre de manière respectueuse de la planète, d’exister confortablement. Souvent, quand on parle d’autonomie, les gens pensent aux mormons, aux communautés hippies ostracisées, ou alors à un mode de vie inaccessible, du style : il faut une villa de millionnaire. Rien à voir avec le cadre dans lequel j’ai grandi."
Si aujourd’hui tout coupait, on ne serait pas morts de faim.
Toussain,créateur du blog "Fourmi résiliente"
La vie dans un éco-lieu de ce genre permet l’expérimentation de nouvelles techniques pour produire soi-même de quoi se nourrir. Comme l’aquaponie, un procédé qui consiste à mêler culture de plantes et élevage de poissons. Les excréments des animaux servent de nourriture aux végétaux. "L’éco-lieu, c’est un laboratoire de nouvelles techniques, où chaque membre essaie de nouvelles choses. C’est un art vivant et qui évolue", souligne l’étudiant.
Produire sa nourriture implique, là encore, de pouvoir la stocker. Innovation et inventivité sont les mots d’ordre. "On va par exemple utiliser le pickling : on place les aliments dans de la saumure, du sel, du vinaigre, pour les imbiber. C’est ce qui est fait pour les pots de cornichons dans le commerce. Niveau nutritif, c’est intéressant, car la lacto-fermentation développe plein de micro-bactéries."
Les aliments ainsi conservés sont stockés dans un grand cellier, où rien n’est laissé au hasard. "L’important, c’est de séparer les espèces. Ce que va dégager une pomme peut provoquer une pourriture beaucoup plus rapide du reste des aliments. On fait une rotation d’inventaire : à chaque fois qu’on rajoute quelque chose, on le met derrière. Ainsi, les aliments devant sont ceux qui se périment le plus vite."
Si Toussain a décidé de partager son expérience sur un blog, c’est parce que "beaucoup de gens sont intéressés par ce mode de vie là, ils ont besoin d’être guidés. Même en ville, c’est facile de faire pousser des choses. Il faut juste se lancer."
D’abord pour se préparer au pire ! "Si aujourd’hui tout coupait, on ne serait pas morts de faim. Notre stock peut durer entre deux et quatre mois sans être réalimenté", estime le jeune homme.
Mais en creux, c’est aussi la remise en question de tout un modèle économique et social qui se dessine. "Il est hors de question de jouer le jeu qu’on nous propose aujourd’hui. C’est-à-dire, aller à l’école, faire des études puis avoir un travail où tu fais minimum trente-cinq heures par semaine. Et puis il y a aussi l’avenir potentiellement compliqué, le réchauffement climatique et les mouvements de population qu’il va provoquer. Face à ça, est-ce qu’on met nos besoins vitaux dans les mains du système, et si ça part en steak, on est à sa merci ? Le fait de ne pas en dépendre à 100%, c’est un espace mental incroyable."
*Seul le prénom a été gardé à la demande de l'interviewé.
Agathe Alabouvette et Romain Blanchard
Ce reportage a été réalisé dans le cadre d'une enquête, en partenariat avec le master de journalisme de Sciences Po Rennes.
Nos sources
L'ensemble des entretiens a été réalisé entre janvier et avril 2024.
L’objectif premier de notre enquête était de rencontrer des stockeurs à leur domicile. Pour ce faire, nous avons élaboré un questionnaire diffusé en ligne au sein de Sciences Po Rennes, ainsi qu’en version papier dans plusieurs lieux de Rennes accueillant du public (les Champs Libres, le TNB, le cinéma l’Arvor et le supermarché Carrefour City de la rue de Fougères).
Les questions visaient à connaître les habitudes de stockage des répondants. Nos coordonnées étaient inscrites à la fin du questionnaire pour que les personnes intéressées puissent nous recontacter.
C’est par ce moyen que nous sommes rentrés en contact avec Maxence, Jean-Philippe et Céline. Nous avons rencontré Maxence à la bibliothèque universitaire en février, puis à son domicile en avril. Nous avons échangé avec Jean-Philippe et Céline à leurs domiciles respectifs courant mars.
Ange Liautard a été contacté via Facebook et l’entretien s’est déroulé par téléphone fin mars.
Nous avons échangé avec deux experts : Benjamin Pradel, sociologue, et Doriane Guennoc, doctorante à l’université de Nantes. Cette dernière a été rencontrée pour la première fois à l’occasion d’un colloque organisé à Sciences Po Rennes sur le thème de la souveraineté alimentaire. Trois entretiens ont suivi, l’un à Sciences Po en novembre, les autres par téléphone en février et avril. Concernant Benjamin Pradel, nous l’avons interviewé par visioconférence en février après avoir lu son étude, Les usages du garage ou la domestication du mouvement dans l’habitat. Les autres experts cités dans l’article n’ont pas pu être interviewés ; les citations sont extraites de leurs travaux.
Marine Lenfant, home organizer, a été contactée via Instagram puis interviewée par téléphone en février.
Quentin Feutren, cofondateur de la conserverie, a été interviewé par téléphone en mars puis rencontré à Saint-Symphorien en avril.
Toussain, créateur du blog “Fourmi résiliente”, a été interviewé par téléphone en mars.