Le secteur agroalimentaire a été très sollicité durant la crise sanitaire. Après deux ans d'efforts, les salariés s'attendaient à une reconnaissance sur la fiche de paie, mais elle se fait attendre.
Devant un centre commercial, Tatiana Fournier, employée depuis 11 ans par le groupe Bigard, est venue manifester pour réclamer des augmentations, à l'appel de la CFDT : "Ce qu'on veut aujourd'hui, c'est que nos salaires soient vraiment revalorisés, parce que les salariés ont répondu présent, même s'ils sont venus travailler avec la boule au ventre", explique-t-elle, en dépit des inconnues sur l'évolution de l'épidémie.
Une situation d'autant plus difficile à vivre que les conditions de travail sont souvent pénibles : "Dans un abattoir, on travaille dans le froid, c'est physique, c'est un port de charges énormes, et avec des heures de nuit, des heures en décalé", raconte Mme Fournier.
"Les salariés ont répondu présent, même s'ils sont venus travailler avec la boule au ventre"
"Dans toutes les industries agroalimentaires, on a des salaires qui sont très, très bas", explique Richard Roze, secrétaire fédéral FO qui défend les travailleurs de la viande. La ministre de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher elle-même reconnaissait, fin 2021, que "la question des salaires est un point bloquant" pour les embauches, d'autant que les conditions de travail sont "plus dures" que dans d'autres secteurs de l'industrie.
La charge de travail a augmenté lors de la pandémie, cela s'est encore fait ressentir lors de la vague du variant Omicron : "Cela a créé des absences, dues à des contaminations ou des cas contacts. Les entreprises demandent forcément à des collaborateurs de faire des heures supplémentaires pour compenser", explique Jean-Bernard Guyot, chef de projet pour l'Association bretonne des entreprises agroalimentaires (Abea).
Mais en 2022, les négociations commerciales patinent. Elles sont envenimées par la hausse des matières premières et de l'énergie, provoquée par la reprise économique et désormais alimentée par l'invasion russe en Ukraine.
40.000 postes vacants
À quelques jours de la fin de ces négociations, les entreprises bataillent encore face à des enseignes qui ne sont prêtes à n'accepter que 50% des hausses réclamées, rapporte Jean-Philippe André, président de l'Ania, principale association des industriels de l'alimentation : "Il y a incontestablement un problème de revalorisation de nos métiers, y compris par le salaire."
L'enjeu est crucial dans un secteur qui a créé 20.000 emplois ces dix dernières années, à rebours de la tendance générale dans l'industrie, mais peine à pourvoir ces offres. Selon un dernier recensement effectué à l'automne : "on devait être à 40.000 postes vacants", glisse M. André.