Initialement prévue ce mercredi 29 mai en visioconférence, l’audition d’un ex-collaborateur de justice qui met en cause Jacques Mariani dans le dossier du double assassinat de Bastia-Poretta a été reportée de 24 heures. Ce témoin, qui bénéficie d'une identité d'emprunt, viendra donc à l'audience ce jeudi matin pour être entendu à la barre, conformément à une demande des avocats de la défense. Les débats se dérouleront à huis clos.
Selon le calendrier du procès du double assassinat de Bastia-Poretta, Jérôme Tousaint devait être auditionné ce mercredi 29 mai par visioconférence. Finalement, cet ex-repenti âgé de 49 ans se présentera ce jeudi 30 mai à la barre de la salle des assises du Palais Monclar d’Aix-en-Provence.
Ainsi en a statué la cour, ce mercredi en début d’après-midi, accédant à une demande de la défense de Jacques Mariani. Ce dernier, qui est désormais le seul des accusés détenus à comparaître dans le box, pourra donc s'adresser à son principal accusateur dans ce dossier. L'audition de ce témoin se déroulera à huis clos, sans la présence du public, ni celle des journalistes.
"Nous avons présenté une demande à la cour afin que Monsieur Tousaint soit présent, explique Maître Jean-Sébastien de Casalta, l’un des défenseurs de Jacques Mariani. Le parquet général s'y est opposé, la cour a arbitré et a considéré que c'était la mesure à privilégier. Pour notre part, nous avons toujours considéré qu’il valait mieux un témoignage physique qu'un témoignage télévisuel. La difficulté, c'était de s’assurer la sécurité des conditions dans lesquelles ce témoin serait présent à la cour d'assises et qu'il témoignerait. Il y avait deux solutions : soit le floutage (en visioconférence, ndlr), soit tout simplement le huis clos. La cour, souverainement, a décidé de retenir cette seconde solution, dont acte."
Le reportage de Marie-Françoise Stefani et Marion Fiamma :
Qualifié de "témoin capital" et de "clé de voûte de l’accusation" par les conseils de Jacques Mariani, Jérôme Tousaint avait été exclu du programme de protection des collaborateurs de justice, notamment pour avoir menti sur sa situation personnelle et pour avoir été condamné dans une affaire de mœurs. Cependant, il bénéficie toujours de son identité d’emprunt. Raison pour laquelle son avocate avait écrit au président Martorano afin de demander que son client soit entendu en visioconférence avec la mise en place d’un dispositif permettant de garantir son anonymat. La cour en a finalement décidé autrement, optant pour le huis clos.
Conversations
Ce jeudi matin, aux abords du palais de justice, le dispositif de sécurité pourrait être renforcé avec la venue de celui qui s’apprête à déposer "physiquement" en tant que témoin devant la cour et Jacques Mariani, revenu dans le box mardi dernier. Les deux hommes s’étaient rencontrés et avaient sympathisé en février 2017, à La Baule (Loire-Atlantique). Alors sous bracelet électronique, le Corse travaillait dans la station balnéaire comme veilleur de nuit dans un hôtel fréquenté par ce consultant en affaires internationales.
Auditionné le 20 décembre 2017 à la suite de son placement en garde à vue dans un dossier distinct relatif à des faits "d’extorsions en bande organisée", l’ex-repenti avait dit aux enquêteurs avoir assisté "à de nombreuses reprises" à des conversations entre Jacques Mariani et Christophe Guazzelli concernant le "projet de vengeance" ayant visé Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni le 5 décembre 2017 sur le parvis de l’aérogare de Poretta. Les deux victimes étaient présentées par les services de police comme des figures du grand banditisme insulaire, proches de Jean-Luc Germani.
Dans d’autres dépositions face aux enquêteurs, notamment en mars 2021 où il était entendu comme témoin dans l’affaire de Poretta, Jérôme Tousaint avait déclaré :
"Christophe Guazzelli était prêt à tuer les assassins de son père quel qu'en soit le prix, d'où mon expression quand je disais qu'il était en mode commando. Christophe Guazzelli était, à un moment donné, contre Jacques Mariani car il voulait que Jacques l'accompagne sur le chemin de la Vendetta. Et jusqu'en août 2017, il considérait que Jacques n'était pas suffisamment motivé par cet objectif. J'ajoute que Jacques Mariani m'a confié qu'il hésitait à suivre Christophe Guazzelli dans son projet d'assassinats." Ce dernier, qui refuse de comparaître depuis la semaine dernière avec sept autres coaccusés, est renvoyé pour "assassinats en bande organisée".
Lors de cette même audition de mars 2021, Jérôme Tousaint avait rapporté que Jacques Mariani l'avait sollicité pour "s'approvisionner en matériel paramilitaire en Belgique". Face aux enquêteurs, il faisait également état de la "joie qui habitait" ce dernier lorsqu'il lui "avait parlé des assassinats à l'aéroport de Poretta" le lendemain des faits.
Toutes ces déclarations, la défense de Jacques Mariani les réfute et les conteste fermement. Certains des conseils de l'homme de 58 ans - poursuivi ici pour "récidive d'association de malfaiteurs" - l’avaient déjà fait savoir en octobre dernier lors du procès de l’évasion de Rédoine Faïd. Jérôme Tousaint et Jacques Mariani avaient tous deux comparu sur le banc des accusés. Dans cette affaire concernant un projet d'évasion avorté, le premier précité avait mis en cause le second qui l'avait qualifié de "menteur" devant la cour d'assises de Paris.
Un procès au cours duquel le visage de l’ex-repenti, dissimulé derrière un paravent, avait été diffusé pendant quelques minutes par inadvertance sur les écrans de la salle d’audience où se trouvait un public nombreux.
Ce jeudi, à Aix, le témoin viendra déposer à la barre, uniquement devant la cour, les avocats et les quelques accusés présents, dont Jacques Mariani. Sa défense a fait savoir au président Martorano qu'elle "avait beaucoup de questions à poser" à Jérôme Tousaint. La confrontation s'annonce longue et électrique.