Tout comme les agriculteurs, Philippe Remy a décidé de retourner le panneau de sa commune. Maire de Grandfontaine dans le Bas-Rhin, il souhaite alerter sur la charge de travail grandissante qui touche sa profession.
Et si les maires de France s'ajoutaient à la colère des agriculteurs ? C'est en tout cas le souhait de l'un d'entre eux, Philippe Remy, à la tête de Grandfontaine et de ses 400 habitants. En place depuis 2008, l'élu a fait parler de lui début février en retournant le panneau de sa commune. À travers ce geste symbolique, il dénonce la surcharge administrative dont lui et ses confrères font l'objet.
Père d'une agricultrice, Philippe Remy n'a pas choisi cette action par hasard. "On s'est vite rendu compte qu'on partageait, elle et moi, la même revendication concernant la charge de travail, explique-t-il. On marche sur la tête, c'est exactement le constat qui nous unit."
Entre découragement et inquiétudes pour la suite, le maire espère faire entendre sa voix auprès de la Région, mais également du côté de ses propres habitants.
"Être maire, c'est devenu un sacerdoce"
Litige d'assainissement des eaux, demande d'enquête pour les forêts, création d'un poste d'Atsem... Quand il dresse la liste des dossiers à traiter pour le mois de février, Philippe Remy peine à croire qu'il gère une commune de seulement 400 habitants. À Grandfontaine, non loin de Strasbourg, les charges administratives sont légion. S'il ne compte plus le temps passé à la mairie, sa "deuxième maison", l'élu observe l'inquiétante évolution des conditions de travail de sa secrétaire. "Elle n'y arrive plus, confie-t-il. Quand je suis arrivé en 2008, elle faisait 20 heures par semaine. Aujourd'hui, elle est à 28 heures, mais cela ne lui permet même pas de réaliser toutes les tâches qu'on nous impose."
Ancien producteur de travaux, Philippe Remy a décidé il y a quelques années de se consacrer pleinement à sa fonction de maire. Entre réunions incessantes et montagne de documents à signer, le cinquantenaire n'avait pas vraiment le choix. "Il faut aimer son village pour rester. Être maire, c’est devenu un sacerdoce." Comme les agriculteurs, mobilisés dans toute la France, l'élu a l'impression de ne plus pouvoir exercer sa profession librement. "On remplit trente fois les mêmes documents, parfois pour la même chose", peste-t-il.
Un message aussi adressé... à ses habitants
Comme beaucoup de confrères, à la tête de petites communes, il se fait le relais des moindres incidents de voisinage, bien malgré lui. "Les gens viennent parfois me voir parce qu’un chien les empêche de dormir, raconte l'élu, qui appelle ses habitants à plus de tempérance dans les protestations. Les habitants ne supportent plus rien. Dès qu’ils ont un problème, c'est vers la mairie qu’ils se tournent. On est dans une société américaine ou on porte plainte pour n’importe quoi."
Ces plaintes, qu'il qualifie d'"intempestives", créent logiquement de nouveaux dossiers qui viennent s'ajouter à ceux imposés par les institutions. Philippe Remy regrette d'ailleurs une perte de pouvoir décisionnel, comme pour la gestion des eaux, confiée récemment à l'intercommunalité. "Je n'ai plus mon mot à dire. Seulement, quand il y a des coupures d’eau, c’est moi que les gens viennent voir dans la nuit."
On le sent que ça n’attire plus grand monde
Philippe Remy, maire de Grandfontaine
Ces problèmes soulèvent une autre interrogation, elle aussi partagée par les agriculteurs : celle de la succession. À l'aube de ses 60 ans, et après trois mandats, Philippe Remy ne se voit pas poursuivre en tant que maire de Grandfontaine. Mais pour lui succéder, les candidatures se font rares. "On le sent que ça n’attire plus grand monde. Personne ne se précipite pour prendre la relève. Je suis allé voir les jeunes du conseil administratif, mais toute la charge de travail les rebute." Le temps est néanmoins compté pour l'élu, qui devra attirer un remplaçant avant 2026, date des prochaines élections municipales.