Le réseau Linggo de transport à la demande en pays de Langres (Haute-Marne) est l'une des premières initiatives mises en avant par la "Fédération Fédération Française des trucs qui marchent". Deux autres projets champardennais ont été distingués.
Elle a ouvert le bal, sur la scène du théâtre de la Madeleine de Paris, devant 600 spectateurs. Mercredi 23 novembre, un peu stressée, Sylvie Baudot est venue présenter le réseau de transport à la demande Linggo. La maire du petit village de Cohons (Haute-Marne) et vice-présidente du Pays de Langres en charge des mobilités, a répondu à l'invitation de la toute récente et insolite Fédération Française des Trucs qui marchent.
« J'ai essayé de faire abstraction de toute ce monde, raconte Sylvie Baudot, mais on est tellement habité par ce projet, j'ai parlé avec mon cœur. Ça fait presque vingt ans qu'on travaille sur ce réseau. Quand on récolte les fruits semés et qu'on a la possibilité de le partager avec d'autres élus, c'est extraordinaire. »
Trois euros le trajet
Linggo est un réseau de transport à la demande ouvert aux habitants du pays de Langres. Le principe consiste tout simplement à réserver, au plus tard la veille de son départ, un trajet entre son village et une destination desservie par le réseau. « Le fait de réserver à l'avance nous permet de faire une feuille de route optimisée pour que les passagers passent le moins de temps possible dans les transports – une heure au maximum – et que les véhicules soient rentabilisés et ne tournent pas à vide. » Avant la crise sanitaire du Covid et ses confinements, le réseau a enregistré jusqu'à 8 000 réservations par an. Le tout pour un coût moyen de 3 euros par trajet.
Les principales destinations depuis le lancement de Linggo sont Langres, la zone commerciale de Saints-Geosmes ainsi que la gare de Culmont-Chalindrey. Depuis septembre, il est également possible pour les passagers de rejoindre le bourg-centre le plus proche de leur village de résidence. Au total, neuf petites villes comme Fayl-Billot, Bourbonne-les-Bains ou Prauthoy ont été ajoutées au réseau. Un nouveau service pour se rendre à sa pharmacie ou sa maison de santé et faire ses courses plus près de chez soi.
Le service Linggo est ouvert à tous. Des clients demandent ainsi régulièrement à installer des sièges autos pour transporter des jeunes enfants mais la principale réussite de ce réseau est d'offrir une nouvelle autonomie à des personnes âgées isolées. « Une de nos clientes régulières vient de fêter ses 101 ans. Elle utilise nos services pour aller faire ses courses et aussi pour aller chez le coiffeur. Elle va se faire une beauté comme ça tous les quinze jours et pour une centenaire, c'est énorme d'avoir la possibilité de décider elle-même quand elle a envie de sortir. Elle garde toute son autonomie. »
Une de nos clientes régulières vient de fêter ses 101 ans. Elle utilise nos services pour aller faire ses courses et aussi pour aller chez le coiffeur.
Sylvie Baudotmaire de Cohons en Haute-Marne
La mise en lumière apportée par la "Fédération des trucs qui marchent" donne maintenant aux fondateurs de Linggo des envies d'ailleurs. « On a vraiment envie d'aider les autres élus intéressés à mettre en place ce type de réseau. On a été aidé il y a quinze ans et on veut maintenant aider d'autres territoires à mettre en place un réseau de transport adapté à leurs besoins. » Déjà, des élus de Vendée, du Sud-Ouest et même de région parisienne se sont montrés intéressés par le dispositif.
Des "trucs" aboutis et duplicables
Cette capacité à être dupliquée dans d'autres territoires, c'est justement tout l'intérêt de ces "trucs qui marchent" tels que Raphaël Ruegger les a imaginés. Jeune élu local, de 21 ans, étudiant et consultant dans un cabinet de conseil, il se lance dans un tour de France des initiatives locales. « Mon premier rendez-vous, c'était le 10 février à Toulouse. Ensuite l'Île-de-France, le Centre-Val-de-Loire, je suis descendu en Occitanie puis en Nouvelle-Aquitaine, je suis remonté... Au total, je suis parti à la rencontre de 200 élus locaux. » Un périple pour découvrir des dizaines de projets recensés par la Fédération française des Trucs qui marchent.
Les bonnes idées récoltées se trouvent dans des domaines très variés tels que la mobilité, le logement, l'éducation, la culture ou l'écologie, que ce soit dans des zones rurales ou dans des métropoles.
Un truc qui marche, c'est une initiative issue d'un territoire et d'élus locaux qui a un impact avéré et positif sur ce territoire et ses habitants. Il faut aussi que cette idée soit duplicable. Ce n'est pas forcément une innovation spectaculaire, ça relève souvent du bon sens avec des coûts financiers et humains plutôt faibles
Raphaël Ruegger, fondateur de la Fédération française des trucs qui marchent
Sylvie Baudot avait rencontré Raphaël Ruegger lors de sa visite en Haute-Marne. Une rencontre et une démarche qui l'ont tout de suite convaincue. « Cette idée de la Fédération Française des Trucs qui marchent, c'est génial. En tant qu'élus locaux, on a tous nos problématiques et on reste parfois trop dans notre bulle. Avec les idées réunies par la Fédération, on a devant nous un laboratoire d'idées qui fonctionnent. Ce sont des projets qui ont fait leur preuve, qui ont abouti. Il y a donc de fortes chances qu'elles puissent réussir ailleurs, sur d'autres territoires. »
"C'est assez dingue, ce département"
Dans ce panorama des bonnes idées, la Champagne-Ardenne s'est particulièrement bien distinguée lors de la soirée de lancement de la Fédération à Paris. La ville de Reims s'est ainsi illustrée avec son projet de Magasin Libre installé dans la friche industrielle des anciens magasins généraux. En Haute-Marne, outre le réseau de mobilité à la demande Linggo, la ville de Saint-Dizier et son maire Quentin Brière ont été mis à l'honneur pour La Beauté sauvera le monde, cette initiative qui a transformé les habituels panneaux publicitaires disséminés sur l'espace public en cadre pour des œuvres d'art.
Lors de sa visite en Haute-Marne l'été dernier, Raphaël Ruegger a été très séduit par le département et la passion des ses habitants pour leur territoire. « J'ai ressenti en Haute-Marne une énergie et un attachement au territoire que j'ai rencontrées dans peu d'autres territoires en France. J'ai notamment été guidée par l'auteur du Tour du Monde de la Haute-Marne Théo Caviezel et j'ai passé pas mal de temps avec les Haut-Marnais. C'est assez dingue ce département, assez peu connu, qu'on a du mal à situer sur une carte et pourtant, c'est magnifique, il y a un superbe patrimoine et les gens sont très fiers de leur territoire. »
La Haute-Marne reste méconnue, elle continue à perdre chaque année des habitants mais elle peut compter sur de belles initiatives et de nombreux « trucs qui marchent ». De quoi garder espoir en son avenir.