Elections régionales 2021 dans le Grand Est : la désillusion de Laurent Jacobelli du Rassemblement national (RN)

Lors du premier tour des élections régionales dans le Grand Est, le dimanche 20 juin, le Rassemblement national (RN, ex-FN) est arrivé en deuxième position. Sa tête de liste, Laurent Jacobelli, a recueilli 21.1% des voix. Il aurait souhaité plus, et pointe l'abstention très forte (70.8%).

Le premier tour des élections régionales dans le Grand Est s'est déroulé le dimanche 20 juin 2021. Il a été marqué par un record : 70.8% d'abstention pour ce scrutin notoirement boudé par les électeurs et électrices, surtout les jeunes. Le Rassemblement national (RN, ex-FN) n'y a pas percé.

À l'issue de ce premier tour, une quadrangulaire se dessine. Le président sortant Jean Rottner (LR) s'est bien défendu : il arrive en tête avec 31.1% des voix. Laurent Jacobelli (RN) est deuxième avec 21.12% : les sondages donnaient un écart beaucoup plus serré.

Éliane Romani (EELV) les suit avec 14.6%. La ministre Brigitte Klinkert (LREM) suit ce trio avec 10.77%, juste au-dessus de la limite pour se maintenir au second tour (ensemble des résultats à consulter dans l'infographie ci-dessous).
 


Les dernières semaines avant le scrutin, les actualités et les sondages ont beaucoup mis le Rassemblement national au centre de l'attention. De très bons scores frontistes étaient prédits dans les Hauts-de-France (Chenu), en Grand Est (Jacobelli), en Bourgogne-Franche-Comté (Odoul), et surtout en Provence-Alpes-Côte-d'Azur (Mariani). 

Au final, les résultats ont été moindres qu'espérés (y compris aux départementales où le RN a "perdu des plumes"), et le Grand Est n'y fait pas exception. La liste de droite emmenée par Jean Rottner devance de dix points celle de Laurent Jacobelli. Il avait fait de la sécurité son argument majeur - c'était même un des éléments discutés lors du débat des régionales du 10 juin sur France 3 Alsace - mais cette stratégie ne semble pas avoir fonctionné.
 


Lors de ce débat, Laurent Jacobelli avait apprécié "ce message de fol espoir" porté par ces sondages, mais était resté prudent. "Un sondage qui vous donne gagnant, ça vous fait toujours plaisir. Mais un sondage reste un sondage. La seule chose qui compte, c'est le vote des électrices et des électeurs."

Un vote qui a fait défaut, et handicapé le parti frontiste. C'est l'avis du politologue François Laval sur cette abstention qui a atteint des records (chiffres précis régionaux dans l'infographie ci-dessous). "Il est vrai que d'élection en élection, on bat des records d'abstention. Déjà, lors des municipales [de 2020], on ne s'attendait pas à un taux aussi élevé. Et on a constaté à ces dernières municipales, notamment au premier tour, que ça avait favorisé les sortants. Il est probable que ce sera aussi le cas ici. Ordinairement [présidentielle surtout], ça favorise le vote RN car c'est un vote de rejet."
 


Au cours de la soirée électorale organisée par France 3 Grand Est le dimanche 20 juin, Laurent Jacobelli a regretté ce défaut de participation. "[C'est] une douche froide. On est tous sidérés qu'un peu plus de deux électeurs sur dix sont allés aux urnes. Je pense qu'il y a un enseignement à tirer, c'est que nos citoyens ne veulent pas du Grand Est : c'est difficile de voter pour quelque chose qu'on ne comprend pas."

Malgré un score moindre qu'aux régionales de 2015 - Florian Philippot (alors FN) avait obtenu 36% des voix - Laurent Jacobelli voit dans son parti "la première force d'alternance. Il y a un deuxième tour, il y a un réservoir de voix; les compteurs sont remis à zéro. Les électeurs auront le choix entre le système Rottner et l'alternance que nous représentons." Justement, les 7% de voix recueillis par Philippot (Liberté) ont pu manquer au RN. Ce dernier n'a pas donné de consigne de vote, ce qui n'a pas empêché Laurent Jacobelli d'appeler les électeurs et électrices philippotistes à se rallier à la liste RN.
 


Plus généralement, il appelle "tout le monde à voter", car "ne pas voter, ce n'est pas contester. C'est laisser la majorité gagner." Il ajoute encore que "si on ne va pas voter, on laisse les mêmes au pouvoir. Si demain on se mobilise, tout est possible." Un message porté au national avec force par Marine Le Pen, présidente du parti accusée par le magazine Marianne d'"engueuler ses électeurs"
 

Les électeurs auront le choix entre le système Rottner et l'alternance que nous représentons.

Laurent Jacobelli, tête de liste du Rassemblement national aux régionales 2021


La majeure partie de la grande région est couverte de communes ayant placé la liste de Jean Rottner en tête du premier tour (avec une "poche" de votes pour la macroniste Brigitte Klinkert dans le Haut-Rhin). Les communes ayant préféré Laurent Jacobelli sont notamment Wittelsheim (30.9% contre 22.4%, Haut-Rhin), Lachapelle (45.7% contre 15.2%, Meurthe-et-Moselle), ou encore Binarville (53.8% contre 15.4%, Marne).

En Lorraine, le vote RN qui a mis Jacobelli en tête du premier tour s'est concentré dans les secteurs de Hayange, Forbach, Baccarat, Toul : marqués par une brutale désindustrialisation. Phénomène également observé en Champagne autour de Saint-Dizier. 
 

Avec un écart de presque 10%, ça semble très difficile.

Richard Kleinschmager, politologue


Le politologue Richard Kleinschmager constate toutefois un "reflux" du vote frontiste, en Alsace notamment. "C'est étonnant. L'Alsace a longtemps été ce qu'on appelait le coeur noir de l'Europe, là où Jean-Marie Le Pen faisait ses meilleurs scores. Incontestablement, il y a un affaiblissement qui est peut-être lié au fait que le Front national, ou Rassemblement national pour être exact, a fait une campagne qui n'était pas vraiment régionale, mais qui était présidentielle, de préparation du terrain. On l'a vu sur les affiches." 

Et il ne croit pas en une "mobilisation" de l'électorat en faveur de Laurent Jacobelli. "Avec un écart de presque 10%, ça semble très difficile. Même s'il est probable que les électeurs de Florian Philippot rejoignent le candidat officiel du Rassemblement national. Et des électeurs de madame Klinkert vont voter utile, et rejoindre le président actuel de la région [peut-être aussi l'électorat d'Aurélie Filippetti, qui ne s'est pas alliée avec Éliane Romani; ndlr]. On ne peut jamais dire qu'une élection est faite avant qu'elle ne soit effectuée, mais les risques sont minimes. Ce qui est vraiment gênant, c'est l'abstention..."
 

Objectifs pour le second tour

Le lundi 21 juin, premier jour de la reprise de sa campagne électorale pour le Grand Est, Laurent Jacobelli a déclaré que "nous sommes déterminés et confiants. Parce que nous avons vraiment des réserves de voix. Je pense aux électeurs de Florian Philippot, je les appelle à voter pour nous parce que nous sommes les plus proches de leur programme et de leurs attentes. Les électeurs aussi d'Unser Land qui veulent qu'on rende l'Alsace aux Alsaciens : nous sommes les seuls à le proposer clairement." À noter que ce parti autonomiste se dit plutôt de tendance centriste ou écologiste, et rejette régulièrement l'extrême-droite. 

"J'appelle aussi tous les abstentionnistes, tous ceux qui ont cru que les choses étaient déjà jouées, à aller voter dimanche prochain : prendre cinq minutes de son temps pour changer les six années à venir, ça vaut le coup. Très honnêtement, là où monsieur Rottner a fait le plein de ses voix, nous sommes encore avec une marge de progression énorme. Ce sera soit monsieur Rottner, soit moi. Et croyez-moi, le besoin de changement se fait sentir. L'abstention sert le pouvoir en place et Jean Rottner en a bénéficié, dont acte. Dimanche prochain : aux urnes." Avant de faire la promesse qu'en votant pour lui, tout ce beau monde retrouvera ses trois régions d'origine : la Champagne-Ardenne, la Lorraine, et "à nouveau libre", l'Alsace...
 

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