J'ai testé pour vous... un premier dépistage du VIH et des IST au Cegidd de l'hôpital

Un rendez-vous au centre gratuit d'information, de dépistage, et de diagnostic (Cegidd) peut être salutaire. C'est un moyen simple de détecter et prévenir la transmission du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ou des infections sexuellement transmissibles (IST). Voici comment ça fonctionne.

Faites l'amour, pas la guerre. Au vu de l'actualité assez morose, il serait de bon aloi de suivre un peu plus ce principe. Mais attention, pas n'importe comment.

Dans certaines circonstances, il vaut mieux se protéger en faisant l'amour. Parfois, cette nécessité de se protéger peut paraître superfétatoire. Surtout si l'on a un ou une partenaire avec qui les étoiles dans les yeux et les papillons dans l'estomac sont partis pour durer. Mieux vaut cependant avoir la certitude de ne pas risquer de transmettre quelque chose à l'être aimé.

Les centres gratuits d'information, de dépistage, et de diagnostic (Cegidd) sont justement là pour ça, même s'ils ne sont pas forcément très connus. Ils ont été ouverts durant les années 80, en réponse à la pandémie du syndrome d'immunodéficience acquise (Sida), le dernier stade de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Depuis, les dépistages ont été élargis aux autres infections sexuellement transmissibles (IST) : les virus des trois hépatites ou de la syphilis, des chlamydias et des gonocoques également. 

À titre personnel, pouvant presque prétendre au titre de nonne honoraire vu mon peu d'intérêt et d'occasions pour le plaisir de la chair, je n'ai jamais eu recours au Cegidd (mais j'avais déjà expliqué le principe et le fonctionnement en 2020, lorsque j'étais journaliste à Strasbourg). Alors, comme pour le don du sang au mois de septembre, j'ai décidé d'aller tester ça pour la première fois, et de vous raconter comment ça se passe dans un article publié sur France 3 Champagne-Ardenne.

Ce n'est pas un moulin : on prend rendez-vous

Avant toute chose, il convient, en tout cas en ce qui concerne le Cegidd de Reims (Marne), de prendre rendez-vous. Pas question de débarquer là-bas la fleur au fusil. On appelle le 03 26 78 45 70, on répond à deux trois questions, et on bloque un créneau. Le centre est ouvert du lundi au vendredi. En 2022, 7 000 personnes sont venues s'y faire dépister.

On me conseille d'amener mon carnet de santé, où figure le relevé de l'ensemble de mes vaccins. Ça tombe bien : amateur de reliques, j'ai toujours le mien. On me recommande aussi de but en blanc d'éviter d'uriner dans les deux à trois heures avant de venir. Je souris nerveusement et acquiesce, moi qui ai le malheur d'engloutir chaque jour le volume aqueux consommé par les fontaines du Bellagio de Las Vegas (j'aime bien les hyperboles, et les parenthèses).

Pour s'y rendre, attention aux travaux

Le jour J, vendredi 27 octobre 2023, je me lève et tente d'ignorer l'appel de la nature. Je dois me rendre à l'hôpital Robert Debré, nommé d'après un éminent pédiatre, Résistant, et fondateur des centres hospitaliers universitaires (CHU). On m'a bien prévenu : je dois strictement taper "hôpital Robert Debré" et pas "CHU" ou autres, sinon je me retrouverai au mauvais endroit. Surtout que les travaux du nouvel hôpital détournent les itinétaires habituels.

J'ai le choix entre prendre la voiture et la garer sur le petit parking à côté du vaste édifice (mais je n'en ai pas). Ou bien prendre le tramway, ligne A, jusqu'à son terminus, qui débouche sur le parking suscité. Et j'ai mon vélo : c'est lui qui sera mon moyen de transport.

Je pédale donc un moment depuis les quartiers est de Reims. Et Google tente passablement de me faire prendre des routes actuellement barrées pour travaux qui s'étendent entre les quartiers Maison Blanche et Croix du Sud. Le temps que je m'y retrouve, je manque d'être en retard. Pas sérieux (au moins vous pouvez anticiper vu que je vous l'ai dit).

Je passe finalement l'arche de béton faisant face au bâtiment central de cet établissement hospitalier. Juste sous celle-ci, une fois la grille passée, quelques arceaux à vélo sont disponibles.

Même si un vigile se trouve dans l'aquarium où se trouve le bouton de contrôle de la barrière rouge et blanche (pour laisser passer les véhicules), avec une vue directe sur mon fier destrier, je prends soin de l'attacher attentivement. 

Tout au bout du couloir

Je remonte l'allée en pente. Je dépasse des professionnels en blouse blanche et deux patients en train de... patienter ? Et dois traverser un sas dont les portes vitrées glisses automatiquement à mon approche.

Je me retrouve alors dans un grand hall plein de monde. Carrelage, plaques de bois aux murs (parler de boiseries serait peut-être un peu trop guindé), puits de lumière en forme de pyramide au plafond : l'endroit n'est pas banal. Et il est assez fascinant de contempler tout ce petit monde faire sa vie ici. Mais je ne suis pas venu ici pour observer des gens.

Je montre mon sac à dos et mon sac à main à l'opératrice installée derrière une petite table. Il ne faut pas oublier que l'attentat du lycée d'Arras (Pas-de-Calais) a eu lieu deux semaines auparavant. Et que seulement un peu plus de six mois se sont déroulés depuis l'attaque au couteau contre Carène Mezino, une infirmière dévouée qui travaillait au CHU et y a été tuée : personne n'a oublié.

Une fois cette formalité remplie, je pars tout de suite sur la gauche et demande mon chemin au bureau d'accueil et de renseignements. On m'envoie à l'autre bout du hall, tout à droite.

Je dois franchir deux portes battantes, à côté d'un grand panneau où la mention Cegidd figure quasiment tout en bas : je ne l'avais donc pas vue. D'autant qu'un objet était placé devant.

S'ensuit la traversée d'un très long couloir. Après avoir dépassé l'unité s'occupant des gens qui ont une angine, puis d'une zone consacrée à la pédiatrie, je me retrouve tout au fond, devant un sas de sortie. Et juste à gauche, la salle d'attente du Cegidd.

Ça y est, je suis arrivé. Je me présente, et on me prend tout de suite en charge. 

Entretien confidentiel

On ne perd pas de temps : la minute d'après, je suis derrière un bureau avec une infirmière. Mais celle-ci est patiente et parle doucement. L'ambiance est légère, assez détendue : ce n'est pas un interrogatoire de parloir. On me raconte même que parfois, l'éventuelle gêne qui peut se manifester entraîne des rires.

La dame prend le temps de m'expliquer que mon dossier restera interne à ce Cegidd, et ne sera même pas partagé sur les serveurs de l'hôpital Debré. Bien évidemment, le secret médical s'applique. Si, pour une raison ou une autre, je souhaitais ne pas dévoiler mon identité, cela serait accepté sans souci.

Et vu les questions, je peux comprendre (il peut y en avoir d'autres posées, je ne remplis pas toutes les situations possibles)  :

  • Est-ce votre premier rendez-vous ?
  • Quel est votre nom ? (facultatif)
  • Quel est votre prénom ? (facultatif)
  • Quel est votre numéro de téléphone ?
  • Êtes-vous en couple ? 
  • Depuis quand êtes-vous en couple ?
  • De quand date votre dernier rapport avec cette personne ?
  • Avez-vous déjà fait l'objet d'un dépistage ?
  • Avez-vous reçu un vaccin contre l'hépatite B ? (le carnet est utile)
  • Êtes-vous allergique ?
  • Prenez-vous un traitement médical ?
  • De quand date votre dernier rapport à risque ? (de moins de trois mois)
  • Êtes-vous en couple avec un homme ou une femme ?
  • Cette personne a-t-elle fait l'objet d'un dépistage récent ?
  • Avez-vous eu un rapport anal ?
  • Avez-vous eu un rapport avec présence de sang ?
  • Combien avez-vous eu de partenaires au cours de votre vie ?

Voilà pour les questions. Et ne comptez pas sur moi pour vous préciser les réponses, c'est un article de France 3 Champagne-Ardenne, pas un épisode de Confessions intimes. Si certaines peuvent faire rougir, il faut toutefois comprendre deux choses très importantes : il n'y a aucun intérêt à mentir, et personne n'est là pour juger.

On m'a demandé mon carnet de santé (pour vérifier mes vaccins), mais nullement ma carte Vitale (pas besoin donc d'en avoir une). Se faire dépister est totalement gratuit. Tous les publics sont les bienvenus, qu'ils soient français ou étrangers, majeurs ou mineurs (à partir de 13 ans et sans que la présence de leurs parents soit nécessaire). Le patient le plus âgé a d'ailleurs 90 ans. Les travailleurs et travailleuses du sexe (TDS) peuvent également venir librement. On voit donc d'un peu de tout en salle d'attente.

Place aux travaux pratiques

Plusieurs tests sont proposés : selon vos pratiques, il n'est pas nécessaire de tous les faire. Pour avoir la vision la plus large des dépistages pratiqués (et avoir un article complet), j'accepte de faire la totale. À noter qu'un cunnilingus ou une fellation sont des actes considérés comme étant à risques s'ils sont pratiqués sans préservatif : les IST ne sont pas exclusives à la pénétration ou à la sodomie. 

L'occasion de préciser que sur le bureau face à moi, une panière est remplie de préservatifs. Le Cegidd peut aussi délivrer la pilule du lendemain si nécessaire. Le centre est paré pour toutes les situations.

L'infirmière place devant moi trois sachets translucides et colorés. Il y en a un avec un pot à couvercle rouge. "Celui-ci, c'est pour le test urinaire." Je comprends assez bien la démarche. Et deux identiques avec une sorte de bâtonnet à l'intérêt. "Il y a un test pour la gorge. Et un test anal." Ah (gif).

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Au moment où j'apprends cette information, je me demande comment je vais placer ça dans mon article quand je serai devant mon ordinateur... Mais déjà, l'infirmière me fait ouvrir l'un des sachets jaunes, qui contient un bâtonnet. Je vais réaliser ce test devant elle (celui de la gorge, évidemment). Une fois que j'ai frotté l'embout de ce bâtonnet au fond de ma gorge (ce qui me fait tousser), je le casse au niveau de la petite ligne, le place un flacon avec un peu de solution au fond, et ça va dans le sachet que je referme et confie à la dame.

La suite se passe aux toilettes. Elles sont peintes en rose, peut-être pour éviter de donner une ambiance trop sinistre. Elles sont assez exiguës, aussi, mais bon : je ne suis pas là pour ouvrir un salon de thé. "Pour le test urinaire, surtout, faites attention à ce que le pot soit prêt dès le premier jet, c'est important." Et comme c'est important, je prends soin de le préciser ici. À noter que si j'étais une dame, le test urinaire pourrait remplacer le test vaginal (à faire soi-même également) et vice-versa : question de préférences.

... Le temps passe. Toutes sortes de choses me traversent l'esprit. Que la capitale du Guatemala s'appelle Guatemala, que le petit-neveu de Napoléon Bonaparte a fondé le FBI, que la plus longue frontière entre la France et un de ses pays voisins est celle du Brésil (via la Guyane)... Bref, rien qui ne m'avance grandement dans la tâche que je dois accomplir ici.

En plus, il faut faire vite, et des gens attendent derrière la porte. Bien évidemment, plus je me dis ça, et moins les choses se font. Sacré ironie quand même : en temps normal, je bois tellement que je passe fréquemment (et rapidement) aux toilettes. Au point où ma meilleure amie doit avoir passé une partie non négligeable de sa vie à m'attendre à la sortie (surtout au cinéma).

Après un temps interminable, ça vient enfin, et le pot est rempli (c'est assez étrange comme démarche) et le voilà en sachet. L'infirmière me confiera ensuite que ça arrive à pas mal de monde et qu'il ne faut pas s'en faire : j'espère que ma gêne et ma trépignation vous éviteront ça, détendez-vous donc.

Quant au test anal, je ne vais pas vous faire un dessin ou donner de trop riches précisions, il y en a eu déjà pas mal pour le test précédent. Mais c'est comme le test de la gorge : il n'y a besoin que d'enfoncer un tout petit peu, en restant sur le bord de la zone concernée, puis on met dans un petit tube, lui-même placé en sachet.

Une fois sorti des toilettes, je pose ça dans la petite corbeille placée juste à côté. Une dame attendait de pouvoir rentrer pour pratiquer ses tests, et j'ai pris soin de regarder par terre avec une attention soutenue, gêné d'avoir dû la faire attendre.

C'est l'heure de la piqûre

Place au dernier des tests. La prise de sang. Celui-ci, je ne vais pas le réaliser moi-même (encore heureux, sinon ça donnerait ce gif ci-dessous).

via GIPHY

Une autre infirmière, très gentille et détendante, m'invite à ôter ma chemise et m'asseoir dans un fauteuil me faisant un peu penser à celui d'un dentiste (mais il n'y a d'outil effrayant nulle part). Après désinfection et garrot, elle est prête à piquer. Elle n'a que l'embarras du choix, mes veines de l'avant-bras ressemblant à un réseau autoroutier encombré en début de vacances. C'est un tout petit peu douloureux, mais c'est parce que ma veine était trop apparente (quelle ironie). 

Elle est très rapide (et ne perd jamais son sourire pour me rassurer) : le temps de remplir deux petites fioles, et c'est tout bon. Il n'a fallu qu'une poignée de secondes. Je peux alors me lever et partir.

J'ai le droit, si je me sens faiblard, à un petit jus d'orange. On ne m'a pas pris autant de sang que lors de mon don du sang, donc je pense que ça devrait aller. Mais comme elle insiste un peu, j'accepte.

Ce qu'il faut aussi savoir

Il ne me reste plus qu'à attendre les résultats. Ils me seront délivrés sous huitaine, par courriel, au moyen d'un numéro anonyme qu'on m'a remis (que j'ai donné mon nom ou pas) et de ma date de naissance. Il faut le temps de faire toutes les analyses.

Je peux techniquement partir, mais je repasse voir l'infirmière pour qu'elle me raconte un peu les coulisses de ce Cegidd. Pascaline Champion, c'est son nom, a un peu de temps entre deux rendez-vous. 

Quand faut-il se faire dépister ?

"Un dépistage, il faut en faire à partir du moment où on a une vie sexuelle. S'il y a un changement de partenaire, s'il y a un souhait de grossesse... S'il y a une prise de drogues : ce n'est pas que sexuel. En cas de symptômes, également. Et on donne des avis par téléphone, on peut répondre aux questions."

Comment peut-on se faire dépister en dehors de l'hôpital ?

"On fait du dépistage en extérieur, via des actions hors-les-murs. On va dans les maisons d'arrêts, les foyers de migrants, les missions locales, certains lycées, les campus rémois. Une fois par trimestre, on loue un camping-car pour proposer des dépistages dans d'autres communes ou quartiers de Reims. C'est ce qu'on fera le 1er décembre, pour la journée mondiale du VIH. Et le 2 décembre, on fera une action sur la place d'Erlon."

Que faites-vous en cas de symptômes ?

"En demandant de prendre rendez-vous par téléphone, on évalue s'il faut proposer un dépistage, ou si des symptômes nécessitent une réorientation vers un de nos deux médecins. Si nécessaire, les soins peuvent être apportés ici. Si une personne n'a pas un de ses vaccins, il est aussi possible de le faire si elle le souhaite. Nous vaccinons d'ailleurs pour le papillomavirus - les filles et les garçons - et pouvons conseiller une personne voulant bénéficier de la prep."

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