TEMOIGNAGE. Vers une allocation étudiante pour lutter contre la précarité, "je dois travailler pour m’en sortir"

Quatorze présidents d’université ont signé mardi 19 septembre 2023 une tribune dans le quotidien Le Monde pour appeler à la mise en place d’une "allocation d’études pour tous les étudiants". Leur engagement vise à lutter contre l’augmentation inquiétante de la précarité au sein de cette population. Selon plusieurs études, un quart des étudiants se déclarent précaires, et la moitié dit faire des économies sur son alimentaire.

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Nous l’appellerons Julia. Originaire de Metz, elle débute un master en biologie tropicale à Bruxelles. En apparence, tout va bien. La jeune femme a choisi son orientation : elle se passionne pour les "interactions entre l’homme et la biodiversité dans les zones tropicales, là où l'on rencontre le plus de richesses et de pauvreté".

Je finis régulièrement mon boulot de serveuse à une heure du matin, et je me lève à sept pour aller en cours à la fac

Julia, étudiante en master 1 de biologie tropicale

Si elle s’en sort, c’est parce qu’elle travaille en plus de ses études, depuis le début de son parcours : "j’ai commencé par du baby-sitting, mais ensuite j’ai pris des contrats dans la restauration". 25 heures par semaine minimum, le soir et les week-ends : "je finis régulièrement à une heure du matin, et je me lève à sept pour aller en cours". La biologiste ne se plaint pas, mais elle reconnaît que ses boulots alimentaires la fatiguent. Plus grave : son parcours universitaire a été pénalisé : "mes notes s’en ressentent, c’est évident. Je n’ai pas pu faire les choix que je voulais parfois, parce que mon parcours est plus compliqué".

Lorsqu'elle commence sa licence à Metz, elle "ne se voit pas demander de l’aide" à ses parents qui ne disposent que de petits revenus. Alors elle travaille pour payer son appartement, sa nourriture. Elle est boursière de niveau 5. Avec ses salaires en complément, elle boucle ses fins de mois, sans fioritures, sans compter au centime non plus. Pour financer une partie des 4000 euros de frais d’inscription de son master belge, elle a déniché une bourse privée : "comme j’ai fait un service civique, j’ai pu faire une demande qui a été acceptée". Mais à Bruxelles aussi, direction le resto tous les jours pour assurer le service : pas le choix.

Pour l’année prochaine, où elle devra effectuer un stage à temps plein non rémunéré, elle compte faire un prêt étudiant. Une fois son master achevé elle poursuivra sans doute en doctorat, "avec des césures pour me rendre dans les zones tropicales. Ça me servira pour mes études, j’en ai besoin aussi pour me confronter au réel et enrichir mes connaissances de terrain". Les vacances ? "Une semaine par an. L’été je travaille aussi, notamment comme animatrice. C’est un boulot très mal payé, mais au moins je bouge un peu" confie Julia.

14 présidents réclament une allocation d'études pour tous

La jeune femme n’a pas entendu parler de l’initiative des présidents d’Université. Dans une tribune chez nos confrères du Monde, ils demandent "une réforme structurelle d’envergure des bourses avec pour objectif la mise en place d’une allocation d’études pour toutes les étudiantes et tous les étudiants, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres pays d’Europe".

Ils évoquent notamment l’exemple danois où "tout étudiant qui quitte le foyer familial y reçoit un revenu mensuel d’environ 800 euros, mesure interrompue lorsque l’étudiant prend trop de retard dans son cursus".

Dans le Grand Est, Michel Deneken le président de l’université de Strasbourg a signé la tribune. Mais pas Hélène Boulanger, son homologue de Lorraine. Au téléphone, la présidente explique qu’elle "n’est pas certaine d’être favorable à ce dispositif. Mes collègues ont le mérite de poser le débat, et je partage avec eux le constat d’une situation préoccupante, qui s’est dégradée depuis le Covid, et qui s’amplifie avec l’inflation". 

Hélène Boulanger mise davantage sur "une amélioration du système de bourse actuel, afin de mieux aider ceux qui sont dans une situation plus difficile que d’autres". Selon elle, l’association des présidents d’université, France Universités, a déposé un rapport sur la question, avec des propositions concrètes. Les services de la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, ne confirment pas la réception de ce rapport. Questionnée sur l'initiative des présidents d'université, Sylvie Retailleau a déclaré à nos confrères de France Info que "donner à tous sans regarder les revenus ne me paraît pas être la solution la plus efficace".

Dans un communiqué de presse du 29 mars 2023, Sylvie Retailleau annonçait "une première étape de la réforme des bourses sur critères sociaux" avec "500 millions d’euros d’améliorations au système de bourses sur critères sociaux, à l’accès à la restauration et au logement, dès la rentrée 2023". Selon ses services, la réforme complète entrera en vigueur à la rentrée 2025.

A la rentrée 2023, la France compte environ deux millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur, dont plus de 700.000 boursiers.

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