Situé au cœur de la ville, le zoo d'Amiens poursuit depuis plusieurs années une mutation inédite, directement liée à l'évolution de la législation et surtout de l'opinion publique, sur la question du bien-être animal. Un documentaire dévoile les coulisses du zoo et fait intervenir divers spécialistes pour nous éclairer sur le rôle nouveau que doivent trouver les parcs animaliers.
Le zoo d'Amiens a entrepris d'importants travaux d'extension, sur deux hectares ; elle accueillera en février 2025 une volière en immersion et deviendra la nouvelle entrée du zoo. Juste après la billetterie, les visiteurs découvriront le parc au milieu d'oiseaux en liberté, juste avant d'accéder à des vivariums. En 2026, c'est une plaine des animaux d'Afrique, notamment avec des girafes, qui ouvrira. L'agrandissement du parc est ambitieux, à la hauteur de l'augmentation attendue des visiteurs et à la hauteur des investissements engagés (26 millions d'euros). Le prix d'entrée risque lui aussi d'augmenter. Le tarif est aujourd'hui de 10,50 € pour les plus de 16 ans.
Mais ces investissements n'ont pas uniquement une visée d'expansion commerciale. Il s'agit surtout, au-delà de redorer l'image du zoo, de redonner du sens au lieu et de le légitimer, à l'aune des nouvelles attitudes face aux enjeux liés à la nature et au règne animal. Le regard des gens sur les animaux en captivité a changé. La société et la législation ont changé, les zoos doivent s'adapter.
Les 300 parcs animaliers, safaris et zoos en France accueillent 24 millions de visiteurs par an. Le zoo d'Amiens a battu un record de fréquentation en 2023 avec 250 000 visiteurs, en hausse de 7%. Le zoo, c'est la sortie préférée des familles avec des enfants. Mais aujourd'hui, ces lieux sont controversés et le public voit parfois d'un mauvais œil le fait de retenir des animaux sauvages, souvent provenant d'autres continents, loin de leur condition naturelle.
Les dirigeants et employés du zoo désignent désormais le lieu avant tout comme refuge d’espèces menacées et d'éducation, plus que comme un lieu touristique et de divertissement. Écrin de la biodiversité animale, avec 700 individus de 110 espèces différentes, vitrine d’un monde sauvage en danger, les arguments ne manquent pas pour justifier la place du zoo et ses évolutions récentes et à venir.
Le parc zoologique d’Amiens Métropole recueille de plus en plus d'animaux abandonnés ou victimes de la contrebande. Le succès des NAC (nouveaux animaux de compagnie), comme les reptiles, ou l'essor du trafic d'espèces rares par des organisations mafieuses, est une triste réalité. Il s'agit souvent d'espèces menacées. Il y a aussi les animaux sauvages rescapés de cirques qui sont recueillis.
"Comment concevoir la disparition des espèces causée par l'homme ?"
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Nouvelles missions : conservation de la biodiversité, recherche et éducation du public
Selon l'éthologue Laure Garrigues, la convention internationale de Washington, qui régule le commerce des espèces végétales et animales depuis les années 1970, a permis de limiter le trafic et le braconnage d'animaux sauvages depuis un demi-siècle. Cela a induit les zoos à changer de paradigme, aussi. "Aujourd'hui, on peut dire qu'on est des experts en natalité animale pour des espèces sauvages menacées dans leur milieu naturel", assure-t-elle.
Le zoo se donne donc de nouvelles missions, mises en avant à grand renfort de communication, notamment sur Youtube et les réseaux sociaux : protéger les espèces rares, préserver la biodiversité, éduquer et sensibiliser les visiteurs à la cause animale, être acteur de la recherche sur le développement durable.
Avec bien sûr la bénédiction de l’AFDPZ (Association Française des Parcs zoologiques), qui invite ses membres à garantir de bonnes conditions d'existence aux animaux et le respect d'un code éthique par tous les personnels des zoos.
Le directeur du zoo, Xavier Vaillant, est explicite et sans langue de bois. "Comme tous les zoos de France et à travers le monde, la vocation du zoo d'Amiens a évolué au fil de son histoire, puisqu'il a un peu plus de 70 ans. Il y a 70 ans, c'était surtout montrer l'animal exotique, le côté très imaginaire de tous ces animaux qui viennent des continents qu'on ne pourra jamais visiter et qui sont présentés auprès de nous, dans des conditions pas forcément adaptées à l'époque".
Aujourd'hui, on a des vrais zoos qui sont engagés dans la préservation de la biodiversité, qui s'engagent dans la recherche. Et puis, comme on le fait ici à Amiens aussi, on s'engage beaucoup dans l'éducation du public, dans la sensibilisation de notre public à la connaissance de cette biodiversité.
Xavier Vaillant, directeur du zoo d'Amiens
Muriel Lecouvez, chargée de collection Zoologie au Museum d'histoire naturelle de Lille, confirme : "Le rôle des zoos et des muséums a évolué au cours de leur histoire. La première idée était juste la connaissance, montrer au public des animaux qu'ils ne pouvaient pas voir ailleurs. Et la prise de conscience écologique à partir des années 1970 a vraiment réorienté la politique de ces établissements vers des questions de conservation des espèces menacées. En cherchant à faire prendre conscience au public de ces questions environnementales."
Pour Eric Baratay, spécialiste de l'histoire des relations hommes animaux, "un zoo, c'est un théâtre. C'est un théâtre du sauvage. On montre des animaux domestiques et on fait des mises en scène. Alors, les tendances les plus récentes, à partir des années 1970, ça a été de végétaliser au maximum, de réduire encore plus tous les aspects qui pouvaient faire prison. Donc, même le grillage n'est plus beaucoup supportable. Donc, on va le remplacer par du verre. On essaye d'éliminer toutes les frontières qui pourraient faire imaginer une prison".
On essaye de végétaliser au maximum... L'idée, c'est qu'il y ait toujours, et de plus en plus, cette idée de naturalité. Tout l'argumentaire des zoos repose sur l'idée que lorsqu'on va au jardin zoologique, on va chez les animaux.
Eric Baratay, spécialiste de l'histoire des relations hommes animaux
"Un zoo, c'est un théâtre, un théâtre du sauvage"
Et pour satisfaire le public et faire venir de nouveaux visiteurs, le zoo enchaîne les activités originales (visites nocturnes et apéros tapas, par exemple, à l'été 2024), tout en développant les parcours pédagogiques et multipliant les invocations du bien-être animal.
Naissances, morts, transferts, recueils d'animaux blessés, maltraités ou abandonnés sont autant d'occasions d'alimenter la chronique du zoo, et les médias locaux. En 2023, ce ne sont pas moins de 11 articles sur notre site (et des reportages ou mentions dans nos JT), autant sur les antennes de France Bleu et une quinzaine d'articles dans le Courrier Picard, qui ont été consacrés au zoo d'Amiens. Du pain béni pour les rédactions et une édification des citoyens, pour la bonne cause : celle des animaux et de la nature.
Au Zoo, il n'y a pas que des animaux !
Jeudi 10 octobre à 22h45 sur France 3 Hauts-de-France et france.tv
Rediffusion mardi 15 octobre à 9h30