Témoignage. "On a vu arriver une Jeep et trois Canadiens" : une témoin de la Libération raconte son histoire

Publié le Écrit par Quentin Bral et Frédéric Nicolas
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Les témoins de la Seconde Guerre mondiale et de son dénouement, la Libération, sont de plus en plus rares. L'une de nos équipes a pu s'entretenir avec une témoin de l'époque. Édith Bailly, 92 ans aujourd'hui. Cette jeune nonagénaire nous raconte le 30 août 1944, date de la Libération de Rouen mais aussi les jours précédents et suivants.

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Une petite silhouette frêle, de beaux yeux bleus qui pétillent. Édith Bailly nous reçoit chez elle et se replonge dans ses souvenirs.  À l’époque, ses parents tiennent un restaurant place Cauchoise. Début juin 1944, la semaine rouge à Rouen. Elle est envoyée, avec son frère et sa sœur, chez un fermier à Bosc-Guérard. Les mois qui viennent de s’écouler ont été particulièrement terribles. 

On entendait le vrombissement au loin. On voit ça dans les films. Ils arrivaient comme un gigantesque nuage mortel et ils larguaient leurs bombes. Et ça tombait aveuglément donc les nuits étaient remplies d'angoisse.

Edith Bailly, témoin de la Libération

Désormais à la campagne, loin du chaos mais bien consciente de la situation. "Je n'étais pas si petite que ça, en 44 j'avais douze ans. À cet âge, on comprend ce qu'il se passe, on écoutait la radio et..." Elle hésite et ne trouve plus la phrase si symbolique. "Les Français parlent aux Français", lance un membre de notre équipe. Elle rit et reprend. "Vous vous rendez compte, c'est un gamin qui me rappelle l'histoire." 

"On est libérés"

Édith Bailly raconte son histoire, le sourire aux lèvres. "Malgré tout je restais une gamine. J'ai eu des moments de peur comme tout le monde sous les bombardements. C'était la guerre mais là-dedans on installait tous les moments de rigolade qu'on pouvait."

Édith nous confie tout de même qu’un missile V1 a failli s’écraser un jour sur la ferme. Il atterrira finalement dans un champ voisin. Et puis un jour…

Tout d'un coup, une fin d'après-midi, on voit arriver une Jeep avec trois Canadiens, trois soldats. Complètement enthousiasmés on s'est dit : "On est libérés". On ne se rend même pas compte du danger, dans le manoir d'à côté il y avait encore des Allemands, ils n'étaient pas partis.

Edith Bailly, témoin de la Libération

Une grande fête est organisée le soir même, un peu trop arrosée. L’un des Canadiens se blesse, il faut trouver un médecin d’urgence.

Édith se retrouve à Montville sur leur Jeep. "On voit des gens qui commencent à courir vers nous. Alors là, j'ai vécu un moment inoubliable. C'était la folie pure et totale. Tout le monde était dans une telle euphorie, une telle jubilation. Quelqu'un m'a pris dans ses bras en me remerciant de me libérer. Moi je lui ai dit que j'étais du coin". Elle sourit, les souvenirs se lisent dans ses yeux. "Vous imaginez une gamine de douze ans qui débarque, c'est impensable."

"J'ai assisté à l'épuration"

Édith nous raconte cette libération en pointillés. Lorsque la rumeur se propage, lorsqu’au restaurant de ses parents, elle se confirme et lorsque les preuves s’imposent d’elles-mêmes. 

Les Allemands se faisaient massacrer, il se passait des choses épouvantables. Je n'ai pas vu, j'ai senti l'odeur du brûlé des cadavres et j'ai su.

Edith Bailly, témoin de la Libération

Et puis l’adolescente revient à Rouen. "Là j’ai assisté à l’épuration et j’ai été horrifiée de la méchanceté humaine." 

Il existe de rares photos de cette période sombre de notre histoire. Visibles aux archives départementales de Seine-Maritime tout comme un registre rassemblant les nombreuses plaintes pour excès d’épuration.

La Libération c’est aussi fort heureusement, une sorte de jubilation et des bals populaires qui ont marqué à jamais Edith. "Je me souviens bien de la liesse. On était transportés par la joie. On ne rentrait pas avant qu'il fasse jour. On dansait jusqu'au petit matin. On venait de vivre quatre ans avec la peur."

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