Après un réquisitoire sévère et sans concessions, le Parquet a requis trois ans de prison avec sursis et 45 0000 euros d'amende contre Serge Biechlin, l'ancien directeur de l'usine AZF, et 225 000 euros d'amende contre Grande Paroisse, propriétaire du site.
C'est un réquisitoire qui a balayé tous les doutes...
Exit les différentes hypothèses telles qu'un événement précurseur (type accident préalable dans l'usine voisine d'AZF, la SNPE), un attentat, une explosion souterraine... Elles n'ont pas lieu d'être, selon le Parquet.
Exit les doutes sur les infractions aux règlementations. Exit les doutes sur l'état du hangar 221. Exit ceux sur les défaillances de l'organisation relative au traitement des déchets dans l'usine. Ils sont avérés, toujours selon les deux avocats généraux.
"Le mensonge est une aventure de courte durée" : pour Jean-Christophe Crocq, avocat général dans ce 3ème procès AZF, ce qui rend crédible le scénario de l'accusation, celui de l'accident chimique, "ce sont les aveux des prévenus eux-mêmes, aveux tout à fait probants".
Et ces aveux, ce sont ceux de la CEI, cette commission d'enquête interne diligentée par Total au lendemain de la catastrophe.
Le sarcophage de silence de la CEI
Cette commission composée de cadres de Total est arrivée sur le site sinistré et a commencé à enquêter sans que les enquêteurs officiels, les policiers de Toulouse, n'en soient informés. Elle a dressé un inventaire de sacs de produits pouvant avoir un lien avec la benne déversée sans le hangar 221, une vingtaine de minutes avant qu'il n'explose.Elle a en outre entendu les salariés, certains même avant la police.
La CEI, selon l'avocat général, a posé un "sarcophage de silence" sur l'enquête. Et c'est là, selon lui, une manière pour les prévenus de signer leurs aveux. D'autant que le rapport de ladite commission a fait l'impasse sur les résultats de l'inventaire.
Dans ce cadre, Jean-Christophe Crocq demande à la cour d'accorder sa préférence aux premiers témoignages et non à ceux "remaniés" par cette commission.
Dans ses conclusions, le Parquet demande à la cour de rejeter les suppléments d'information. Il reconnaît en outre le bien-fondé de la demande de citation directe de Total,"totalement légitime" mais rappelle que celle-ci se heurte aux exigences du droit pénal, puisque le groupe pétrolier n'a pas fait l'objet d'une mise en examen à l'issue de l'instruction.
Des peines requises similaires à celles de 2009
Les deux prévenus, Serge Biechlin et Grande Paroisse en tant que personne morale sont poursuivis pour homicide involontaire.Le Parquet requiert la condamnation de Grande Paroisse à 225 000 euros d'amende.
Pour l'ancien directeur de l'usine, Serge Biechlin, 3 ans de prison avec sursis et 45 000 euros d'amende sont requis.
Ce sont en tout point les mêmes réquisitions qu'en 2009, lors du premier procès AZF, devant le tribunal correctionnel de Toulouse.
La fin des réquisitions et l'énoncé des peines demandées sont tombés dans le silence, dans la solennelle salle de la cour d'appel de Paris, où très peu de parties civiles sont présentes.
La défense de Serge Biechlin et de Grande Paroisse n'a pas souhaité commenté les peines requises.
Pour maître Stella Bisseuil, avocate de l'association des familles endeuillées, ce réquisitoire est sévère mais juste. Il est raisonnable, selon elle, de demander une peine de prison avec sursis, qui prend en compte le délai entre les faits et la procédure actuelle, 16 années imputables au dysfonctionnement de la justice, a souligné l'avocat général Jean-Christophe Crocq qui a également indiqué qu'il aurait pu requérir plus lourdement, au nom d'un manquement délibéré à la sécurité.
Gérard Ratier, président de l'association des familles endeuillées, ayant lui-même perdu son fils dans la catastrophe, est catégorique : "La CEI a tout fait pour masquer la vérité. Une condamnation est nécessaire. Peu importe la durée de la peine de prison, ce qui est important, c'est qu'il y ait condamnation".
Une autre partie civile se réjouit : "Je trouve qu'on est bien parti. J'espère qu'on va gagner".
L'audience reprendra mardi 23 mai, avec les plaidoiries de la défense, prévues jusqu'au lendemain, mercredi 24, date de la fin de ce troisième procès AZF.
Les réquisitions en 2009 et 2012
En 2009, lors du premier procès AZF, les deux avocats généraux avaient requis contre Serge Biechlin 3 ans de prison avec sursis et 45 000 euros d'amende, et pour Grande Paroisse 225 000 euros d'amende.Le tribunal correctionnel de Toulouse, après avoir prononcé un jugement sévère, avait rendu l'arrêt suivant : relaxe des prévenus, faute de preuve matérielle.
En 2012, le Parquet avait requis contre Serge Biechlin 18 mois de prison avec sursis et 150 000 euros d'amende, et contre Grande Paroisse 225 000 euros d'amende.
La cour d'appel de Toulouse avait finalement condamné l'ancien directeur de l'usine AZF à trois ans de prison dont deux avec sursis et 45 000 euros d'amende, et Grande Paroisse à 225 000 euros d'amende.
Une décision annulée par la Cour de cassation.