Portraits d’une agriculture qui change, et se veut plus respectueuse (ou non) de l’environnement

Depuis 56 ans, le SIA est la vitrine revendiquée de l’agriculture intensive. Même minoritaires, ils sont de plus en plus nombreux à choisir une agriculture plus raisonnée. Et tous se posent la question d’une nécessaire transition.

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Réchauffement climatique, pesticides, appauvrissement des sols, plus de quatre décennies d’agriculture intensive menacent l’avenir des 450 000 agriculteurs de France qui nous restent.

 

Prise de conscience dans le Bordelais

Vincent Leyre, viticulteur dans le Lot-et-Garonne, a opté pour une transition vers une pratique plus raisonnée. Il préside la coopérative des Vignerons du Buzet regroupant aujourd’hui 1935 hectares de vignes. 184 viticulteurs y adhèrent, ils n’utilisent ni engrais ni désherbant chimiques. Ils sont réputés cancérigènes pour l’homme ou toxiques pour les pollinisateurs, les abeilles en premier lieu.
Chez lui, la flore fait le travail des machines et permet d’utiliser le moins de produits possibles afin de préserver la biodiversité.
Seulement dans le vignoble du Bordelais, difficile de dire adieu aux adjuvants non naturels, Vincent continue donc à utiliser du glyphosate “de façon très modérée, dit il, pour favoriser la fertilité des sols sur plusieurs décennies. On veut que les viticulteurs puissent vivre de leur exploitation !”
 

 

Difficile de se débarrasser pourtant des pesticides

Le glyphosate est considéré comme “cancérigène probable” par L’OMS. La France, première nation agricole d’Europe, a bien du mal à se passer de ce désherbant puissant commercialisé aujourd’hui par Bayer depuis que cette firme a racheté Monsanto.
 


Même les promesses de campagne du président Macron de l’interdire dans les trois ans qui viennent ne semblent pas résister à l’un des plus puissants lobby du pays ; le premier syndicat agricole de France la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitant Agricole).
 

Biodynamie en Occitanie

Se passer de produits chimiques, c’est pourtant possible. Dans l'Hérault, Jean-Pierre Venture vigneron bio depuis quelques années le prouve. Il laboure en permanence son champ pour éviter l’envahissement par les herbes,  augmente la hauteur de ses vignes pour retarder la maturité du raisin et lutter contre des sécheresse de plus en plus intenses. Il utilise aussi des cépages plus résistants à la chaleur.

Je suis presque la moitié du temps à labourer pour éviter que les herbes n'envahissent pas la vigne


Directeur d’une usine de fabrication de biscuits, il a tout quitté à 43 ans pour reprendre ses études en viticulture-oenologie. Aujourd’hui, il tente de répondre aux enjeux du secteur, comme à ceux de l’environnement avec le réchauffement climatique.
 

Une laiterie bio en plein Paris

Fabriquer des tommes au lait cru, des crèmes et des desserts lactés en Ile de france. C'est le défi relevé par Paul Zindy. Après des études d'agronomie, il crée la Laiterie La Chapelle (près du métro du même nom). 
Il utilise le lait de vaches élevées, à moins de 30 km de Paris, dans le parc régional du Vexin dans le Val d'Oise. Un circuit court qui lui permet de rémunérer au mieux les fermiers producteurs de lait.
Soucieux de produire des fromages d'une très grande qualité, il va encore plus loin en se convertissant au bio. Il utilise du lait cru ultra frais.

Tout le monde est gagnant. L'agriculteur, le laitier fromager et le consommateur.

Paul est Ecolo jusqu'au bout : Ici, pas de plastique, tous les contenants utilisés sont en verre et consignés. 
Aujourd'hui la laiterie la Chapelle vend 5000 fromages par an. 

On n'a pas la vocation à nourrir tout Paris ! On veut monter en volume, sans perdre notre âme. Je ne vends que ce que je produis.

Même en ville, on peut réaliser une production de qualité.
 

Louison conseille ses parents en Normandie

Les élèves comme Louison Bagot, en BTS agricole, sont les agriculteurs de demain. Ils croient à une agriculture toujours plus productive, connectée et mécanisée. L’écologie fait bien partie de l’enseignement et l’éthique est une valeur portée pendant le parcours pédagogique… Mais les convictions des aînés restent ancrées et résistent encore aux idées des nouvelles générations.
Aux yeux de cette nouvelle génération, l'enseignement est essentiel.

Sans avoir les preuves d'un diplôme et les compétences qu'ils peuvent nous apporter, je ne pense pas qu'on pourrait s'installer ou du moins mener à bien son entreprise.

Fils d’agriculteur, Louison conseille son père pour peser dans l’évolution de la ferme tournée vers une modernité qui rime, pour lui, avec durabilité. Plus tard, il reprendra l’exploitation de son père et pourra continuer en ce sens. Vers une transition numérique également.
Dans un exercice de simulation, Louison imagine sa vie de paysan en 2030 :
“Je me sers une tasse, l’assistant vocal démarre : « Bonjour, il est 7 h 00 ici et 14 h 30 sur votre fuseau horaire favori. Ici la journée sera belle, température moyenne de 34 degrés, vent modéré entre 25 à 30 km/h. Vos produits commercialisés hier se sont vendus à 103 % de la valeur estimée. Un seul problème technique cette nuit, une panne de capteur dans le secteur 8.”
  

En Grand Est Ludovic reste traditionaliste

D’autres agriculteurs restent farouchement traditionalistes. Ludovic Renaudin a fait le choix d’une agriculture plus conventionnelle. Avec un terrain de 200 hectares, il a voulu se diversifier dans l’éolien. Qu’importe les mises en garde des instances internationales et les campagnes de sensibilisation… Pour ses cultures, il utilise de l’engrais et des produits phytosanitaires dont du glyphosate.
 

Ludovic croit à la mesure.

Les mauvaises herbes, on les élimine. Tout est dans le dosage.

Il diminue l’utilisation d’engrais avec du lisier qu’il obtient grâce à la présence de cochons à proximité. Selon lui  "L’être humain tu le nourris et le protèges, la plante c’est pareil, affirme-t-il. Il faut les protéger des attaques extérieures. Les mauvaises herbes, on les élimine (..) tout est dans le dosage" conclut-il.
 

Le port de la Turballe se modernise

Au port de La Turballe, on se souvient encore des quotas sévères sur la pêche. “Vingt ans de sacrifice ont porté leurs fruits. On a diminué les flottilles par deux, on a imposé des quotas drastiques…"
Selon lui, ces mesures semblent déjà porter leurs fruits.

"Et aujourd’hui, la plupart des stocks de poisson sont revenus à un niveau de ressource satisfaisant”.

Depuis, La Turballe est le 1er port en Loire-Atlantique, et 60% des ventes à la criée se font via Internet. Les quotas de pêche ont augmenté, alors on vend plus de poisson que les années précédentes. La Famille Lehuche, pêcheurs de père en fils, n’a pas été affectée par cette crise de la pêche. Ils possèdent deux chalutiers et sont très connus sur le port. Malgré les dernières études alarmistes, Anthony, le père de famille, affirme "Il y a des très bonnes saisons, et des catastrophiques… mais le poisson, en moyenne, il est là. Ca fait plus de trente ans que je pêche, 30 ans que j’entends qu’il n’y a plus de poissons… pourtant, il y en a toujours, des poissons ! “
 


La laine de qualité en Paca

Lionel Escoffier s’est reconverti en éleveur de brebis Mérinos d’Arles. Il a pris la suite de son père. Il produit de la viande d’agneau, mais surtout de la laine, réputée dans le monde entier. Avec cette laine, il produit des chaussettes et compte bien continuer en vendant aussi des vestes et des T-shirts. Pour cela, il va s’associer à d’autres éleveurs de cette race.

Nous voulons créer une structure avec plusieurs agriculteurs, investir davantage sur le produit et bénéficier de retombées plus importantes

Il souhaite aussi participer à l’ensemble de la ligne de fabrication, de la tonte à la réalisation du vêtement. Lionel sera présent au Salon de l’Agriculture avec 4 de ses brebis.

Des reconversions ici en Auvergne

Lionel n’est pas le seul à s’être reconverti dans l’agriculture. C’est aussi le cas de Bruno Izard, ancien animateur radio sur France Bleu Pays d’Auvergne.
Il préfère

vivre avec un peu moins par mois mais profiter d’une meilleure qualité de vie


Aujourd’hui, il est éleveur de vaches dans le Puy-de-Dôme. Il s’est penché sur la production fromagère. Il est accompagné de son fils engagé dans un cursus agricole. Cette envie n’est pas anodine : ses grands-parents produisaient déjà du lait de brebis pour le Roquefort dans l'Averyon. A l’avenir, il souhaite produire son fromage, le transformer et le vendre. 

 

… et en Bretagne

Tamara, 35 ans, a changé de métier et concocte désormais des savons avec des produits locaux. Elle aussi a vu sa vie gagner en qualité. Son souhait, en changeant de vie, est de vivre mieux, d’avoir assez de temps pour sa famille ou simplement pour elle et se cultiver. Mais elle le sait, il lui faudra beaucoup travailler… Surtout au début.

Nous voulons du temps pour vivre

Tamara ne s’est pas lancée seule. Accompagnée de Marion, Marie et Guillaume, ils s’entraident, partagent matériel, machines, et même les terres. Ensemble, grâce à l’association “Terre de liens” et 240 citoyens actionnaires, ils ont créé la “SCI de la Ferme des 5 sens”. Chaque entreprise en est locataire. Les partenaires louent ce dont ils ont besoin, et cela leur évite d’avoir à acheter un terrain, souvent trop cher pour eux. Ils ont créé un réseau de commercialisation et travaillent ensemble dans leur exploitation, qu’ils n’auraient jamais pu avoir en restant seul.
Vis à vis des citoyens qui les ont aidés, ils se sont engagés à respecter des “valeurs de coopération et du respect du vivant : l'agriculture bio, les circuits-courts, un engagement citoyen”.
  

Certains laissent la nature libre en Côte d'Or

Jean-François et Stéphanie sa femme produisent et transforment des plantes aromatiques et médicinales. Ils aiment ça. Et c’est nécessaire. (ou Un engagement nécessaire).

C’est beaucoup de travail et très peu rémunéré

Tous deux cultivent 25 plantes différentes environ et font de la “cueillette sauvage”. Ils dépendent de ce que la nature leur propose et ne la forcent pas : ni surcueillette, ni culture de plantes qui ont leur place à une autre saison.

Les tomates en hiver, il faut arrêter. Elles sont pleines d’eau. Pas bonnes.

Jean-françois n’utilise ni pesticide, ni glyphosate. La rotation des cultures lui permet d’éviter ces produits chimiques. L’autre défi auquel le couple doit faire face est celui du réchauffement climatique. Ils doivent adapter leur journées de travail qui ne sont plus les mêmes qu’avant, plus longues et aux températures plus hautes.
 
 

D'autres asseoient leur réputation grâce à une médaille

Agriculteur dans la Somme, Alexandre Loye a abandonné ses cultures intensives pour une agriculture raisonnée. Depuis 4 ans, il transforme ses champs de céréales en prairies. Des espaces naturels désormais consacrés à la production de fourage : 50 espèces végétales y poussent librement pour nourrir ses quelques 120 bovins. 

Les gens veulent savoir ce qu'ils mettent dans leurs assiettes. Moi, je peux dire que je sais ce que je mets dans l'assiette de mes vaches. 

Finis le maïs et les granulés. Grâce à ce nouveau menu de choix, il produit une viande d'exception. 
Une reconversion financièrement délicate, mais récompensée par le deuxième prix d'excellence lors du salon de l'Agriculture 2018.
Grâce à cette médaille, il a gagné une image de marque, et une augmentation de ses ventes.

On ne s'est pas trompé, on a pris des risques mais finalement c'étaient les bons. On a flirté avec le gouffre mais on s'est relevé...

Pour Alexandre la prochaine étape c'est le bio. Une évidence. En attendant de faire ce saut financier, il conforte d'abord sa réputation et ses acquis de production.



 

 
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