La découverte samedi d'ossements identifiés comme ceux de l'enfant disparu au Haut-Vernet le 8 juillet dernier soulève de nouvelles questions après neuf mois d'enquête dans l'impasse.
Le temps de l'espoir s'est achevé samedi 30 mars au Haut-Vernet, le temps du deuil a commencé pour la famille du petit Emile Soleil. Pour les enquêteurs, la découverte d'ossements de l'enfant par une randonneuse, à un kilomètre du lieu de sa disparition, marque une nouvelle étape dans l'enquête qui piétinait depuis neuf mois. Accident ? Homicide involontaire ? Meurtre ? Pour l'heure, le mystère reste entier. L'autopsie pourrait apporter des réponses, notamment sur les causes de la mort. Ce lundi 1ᵉʳ avril, le village est à nouveau bouclé, une centaine de gendarmes sont mobilisés sur le terrain pour tenter de trouver de nouveaux indices. France 3 Provence-Alpes liste les questions cruciales qui restent sans réponse.
Comment les chiens perdent-ils la trace d'Emile au lavoir ?
Un des élements sans doute les plus dérourants dans la disparition de l'enfant, c'est que sa trace se perd brusquement devant le lavoir, sur la route qui mène au village. C'est là que deux témoins disent avoir vu Emile marcher seul, le 8 juillet vers 17h15. Et c'est la dernière fois qu'il a été aperçu. Un Saint-Hubert de l'équipe de gendarmerie cynophile a marqué précisément l'endroit. Cette race de chiens de chasse, pisteurs nés, est dotée d'un flair exceptionnel, huit à dix fois plus développé que les autres races de chiens. Ses 300 millions de cellules olfactives lui permettent de retrouver la piste d'une personne disparue jusqu'à sept jours après. Même dans une zone brouillée par la présence des personnes participant aux recherches.
Au Haut-Vernet, la trace d'Emile s'arrête net au lavoir. Comment l'expliquer ? "Il peut s’agir d’un parcours effectué par l’enfant et ses grands-parents qui le gardaient, les jours précédents", avait émis comme hypothèse dès le 7 juillet le général Daoust, ex-directeur de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) dans La Dépêche.
Le corps a-t-il déplacé ?
"Compte tenu des moyens qui ont été mis, on a vraiment fouillé, ça veut dire que le corps a bougé", a affirmé sur franceinfo, Jacques-Charles Fombonne, ancien commandant du centre national de formation à la police judiciaire de la gendarmerie. Les investigations menées sur le terrain par des anthropologues, permettront aux experts de l'institut criminel de déterminer si les ossements ont séjourné un certain temps sur place ou s'ils ont été déposés plus récemment.
"Quand vous avez un corps qui est déposé sur un sol, vous avez des éléments dans le sol qui permettent de savoir que le corps a séjourné un certain temps sur ce sol", a expliqué Marie-Laure Pezant.
Aucune hypothèse n'est écartée. "Il y a aussi l’hypothèse que les ossements aient été amenés sur la zone par une personne, un animal qui les aurait transportés, ou par les conditions météo qui auraient modifié le sol et qui les auraient bougés jusqu’ici", a indiqué la porte-parole de la gendarmerie à franceinfo.
Les ossements ont ainsi pu être transportés lors d'intempéries, par le ruissellement de pluies intenses ou un éboulis.
Pourquoi seuls le crâne et des dents ont été découverts ?
C'est une randonneuse qui découvert le crâne et des dents, samedi 30 mars, neuf mois après la disparition d'Emile. Pour une raison qui n'est pas connue, elle a récupéré les ossements et les a déposés à la gendarmerie de la Seyne-les-Alpes, a indiqué Nicematin, au lieu de les laisser sur place et de prévenir les autorités. Selon Le Figaro, la randonneuse est une habitante locale.
"Il faut savoir que l’os humain qui est le plus souvent rapporté par des personnes lambda auprès des enquêteurs, c’est le crâne. S’il se trouve dans la nature, il est très difficile par exemple pour les badauds d’identifier un fémur d’enfant comme un os humain", a expliqué Norbert Telmon, chef du service de médecine légale de Rangueil, dans La Dépêche du Midi.
Retrouver d'autres éléments sur place est crucial pour la suite de l'enquête. "On a une partie des ossements, on n'aura peut-être pas tous les éléments pour définir les circonstances du décès", a prévenu la porte-parole de la gendarmerie, Marie-Laure Pezant, sur franceinfo. "On n'est pas certains de découvrir la cause ou les circonstances de la mort", a-t-elle ajouté.
Comment se fait-il que les ossements aient été découverts à un kilomètre de la maison de ses grands-parents ?
Les ossements du petit garçon ont été découverts au lieu-dit Les Auches, après la chapelle Saint-Pancrace, à environ un kilomètre, au sud du hameau où il a disparu. Un site que les habitants appellent "les quatre chemins".
La question est de savoir si l'enfant de deux et demi a pu parcourir cette distance, là encore sans laisser de trace.
Le secteur est boisé et escarpé, ce qui semble exclure la possibilité que l'enfant de deux ans et demi se soit rendu sur place par ses propres moyens.
Comment se fait-il qu'aucun gendarme, randonneur ou chasseur n'ait découvert le corps avant ?
"C’est un endroit où passent les chasseurs et leurs chiens, les habitants quotidiennement et où des travaux forestiers ont été réalisés à l’automne", a souligné le maire du Vernet François Balique, dans Le Figaro.
Par ailleurs, la zone où les ossements ont été découverts avait déjà été inspectée au peigne fin, lors de plusieurs battues, avec des chiens et l'appui d'un hélicoptère équipé de caméras thermiques, ou encore de drones. Immédiatement près la disparition de l'enfant, des centaines de personnes, citoyens volontaires et gendarmes, ont participé aux recherches. Tout le hameau a été fouillé. Cent hectares ont été ratissés sans que le corps de l'enfant ou le moindre indice ne soit retrouvé.
"Dans une zone en pleine nature, escarpée et pas toujours facile d'accès", "'il existe "une chance infime" que les enquêteurs soient passés à côté du corps lors de ces battues, reconnaît la porte-parole de la gendarmerie.
La végétation "très dense" en été, a pu "cacher une petite faille ou un recoin inexploré", a estimé pour sa part François Daoust, dans 20 Minutes. "On a régulièrement retrouvé des corps de promeneurs disparus en période pré-hivernale ou à la sortie de l’hiver, lorsque la végétation est moins épaisse. Et ce, alors qu’on avait mis de gros moyens lors du signalement", a-t-il ajouté.
Deux jours après la mise en situation, est-ce une coïncidence ?
La découverte des ossements, à peine deux jours après la mise en situation de la famille et des témoins, le 28 mars au Haut-Vernet a de quoi surprendre.
Pendant trois jours, le hameau a été bouclé. Dix-sept personnes, présentes au hameau le 8 juillet 2023, ont été convoquées pour refaire ce qu'elles ont déclaré qu'elles faisaient au moment des faits, pour tenter de mettre en lumière des contradictions ou des incohérences dans les témoignages. Il est trop tôt pour pouvoir faire un lien entre cet acte de l'enquête, neuf mois après la disparition d'Emile et la découverte de ses ossements. Coïncidence ou corrélation ? Tout le monde se pose la question.