Arrestation d'un membre de DZ Mafia près de Rennes, fusillades à Dijon ... Les méthodes des narcotrafiquants marseillais semblent se diffuser sur tout le territoire national. Pour décrire ce phénomène, des syndicalistes de la police emploient un nouveau terme, la "marseillisation" des trafics.
Un individu âgé d'une vingtaine d'années a perdu la vie dimanche soir dans la périphérie de Dijon. Un meurtre vraisemblablement lié au trafic de drogue, a rapporté le parquet de la ville lundi 18 mars. Dijon est confrontée depuis plusieurs mois à une série de violences liées au trafic de stupéfiants. Dijon, mais aussi Rennes où un membre de DZ Mafia a été interpellé le 11 mars, preuve que les gangs marseillais ont "des velléités d'extension à l'extérieur", avait souligné le procureur de la République Nicolas Bessone après la mort du jeune Fayed, 10 ans, en novembre 2023 à Nîmes. Une "marseillisation", affirme Cédric Bovrisse, secrétaire du syndicat policier Alliance pour la Côte-d'Or. France 3 Provence-Alpes vous explique pourquoi les policiers emploient ce terme pour qualifier une montée de la violence liée au narcotrafic sur le territoire national.
Parce que les trafiquants marseillais partent à l'assaut de nouveaux marchés
Au pied de leur immeuble, pendant plus d'une heure, des individus ont échangé des tirs d'armes à feu. Les habitants d'un quartier de Rennes ont vécu un véritable cauchemar dans la nuit du 8 au 9 mars dernier. Par miracle, aucune victime n'est à déplorer. Depuis plusieurs semaines, le trafic de drogue envahit le quotidien des habitants de ce quartier populaire, les empêchant de vivre sereinement. Certains trafiquants viendraient de loin. "Entre eux, ils s'appellent les Marseillais et les Parisiens", confie une habitante à une journaliste du Figaro.
Depuis plusieurs années, les réseaux marseillais attirent des "petites mains" venues de toute la France, attirées par la promesse de l'argent facile. C'est désormais le réseau qui s'exporte. Comme Rennes, Dijon attirerait les trafiquants marseillais.
"À Marseille, tout le monde a son pré carré, c'est difficile d'augmenter les profits. Alors les trafiquants veulent se saisir de nouveaux marchés", analyse Cédric Bovrisse.
Dans notre département, à Dijon, nous avons des points de deal qui tournent à plusieurs milliers d'euros de bénéfices par jour, ça attise les convoitises.
Cédric Bovrisse, Alliance Police Côte-d'OrFrance 3 Provence-Alpes
Un marché de plus en plus juteux notamment grâce à la vente de nouveaux produits. "Depuis plusieurs années, il est possible de se procurer facilement de la cocaïne à Dijon".
Parce que partout les narcotrafiquants emploient des méthodes de plus en plus violentes
Pour conquérir de nouveaux marchés, les trafiquants n'hésitent plus à faire usage des armes à feu. "Ils espèrent que les locaux lâcheront l'affaire", analyse Cédric Bovrisse.
En novembre dernier, un point de deal situé au pied d'un immeuble de Dijon est visé par des tirs d'armes à feu. Une balle traverse la fenêtre d'un appartement. Dans la pièce, un homme est allongé dans son lit. Il est mortellement touché. Un drame qui en rappelle un autre, survenu en septembre dernier à Marseille. Soccayna, une jeune femme de 24 ans, est tuée dans son sommeil, victime, elle aussi, d'une balle perdue. Un jeune homme de 16 ans a depuis été mis en examen.
Les méthodes ultra-violentes des trafiquants se banalisent dans les plus petites villes. À Avignon, des images d'un échange de tirs en plein jour entre bandes rivales ont été publiées sur internet.
C’est le Far West @VilleAvignon !!
— Rudy Manna (@RudyManna2) March 17, 2024
Avant ils arrivaient à cheval et ils tiraient avec des colts ..
Aujourd’hui ils arrivent en TMAX et ils tirent avec des kalachs…😱
La mexicanisation est en marche et la «marseillisation » se propage !!
Soutien aux👮🏼d’Avignon pour leur courage👍 https://t.co/dVlGTLEOd9
"Ça fait plusieurs mois que nous observons ce type de fait, avec une montée en puissance crescendo, et l'usage d'armes comme les kalash", observe Cédric Bovrisse.
On se retrouve à Dijon avec des méthodes qu'on observait à Marseille, mais aussi dans les grandes métropoles ou en région parisienne.
Cédric Bovrisse
Le procureur de Dijon, Olivier Caracotch, s'interroge également, après le décès du mois de novembre. Les cinq personnes interpellées dans le cadre de l'enquête pour "meurtre en bande organisée" sont très jeunes et n'ont pas, ou peu, d'antécédents judiciaires. "On n'est pas face à des jeunes, des personnes qui ont eu une montée en puissance dans la délinquance. On a l'impression qu'on passe quasiment du rien au tout."
Parce que l'imaginaire autour du narcotrafic est liée à Marseille
Du succès des films "La french" ou "Bac Nord" de Cyril Gimenez jusqu'aux gros titres des journaux télévisés, l'image de Marseille est souvent associée au narcotrafic. Les plus gros faits divers concernant le narco trafic concernent Marseille. Comme récemment, l'arrestation de Félix Bingui, le chef du Clan Yoda, parmi les plus influents narcotrafiquants à Marseille.
L'image de Dijon, c'est la moutarde et le vin rouge. Celle de Marseille, ce seraient plutôt les règlements de comptes en bas des barres d'immeubles.
Cédric Bovrisse
"Bien sûr, c'est réducteur pour Marseille, mais c'est une image qui parle à tout le monde", ajoute le syndicaliste. Alors quand de plus petites villes, comme Dijon, font face à des échanges de tirs, "on entend les gens dire 'je verrai plutôt ça à Marseille'", rapporte Cédric Bovrisse.
La violence sur fond de narcotrafic n'est pourtant pas une spécificité marseillaise. Au niveau international, le marché illicite des drogues continue de se développer, selon un rapport des Nations Unies publié en 2023. Avec des conséquences importantes. "Au Sahel, le commerce illicite de drogues finance des groupes armés et insurrectionnels non étatiques, tandis qu'en Haïti, les trafiquants de drogues profitent de la porosité des frontières pour renforcer leurs activités, alimentant ainsi les crises qui se multiplient dans le pays", peut-on lire dans le rapport.
Au Mexique, les cartels de la drogue seraient devenus le cinquième employeur du pays et le nombre d'homicides aurait triplé entre 2007 et 2021, selon la revue Science (site en anglais). Ce qui pousse certains à utiliser un autre néologisme, la "mexicanisation" du trafic de drogue en France.