Si certaines personnes vivent plutôt bien le confinement obligatoire, d'autres, au contraire, sont anxieuses, stressées ou très irritables. Depuis trois semaines, un collectif de psychothérapeutes propose des consultations en ligne pour aider à passer le cap de cette période inédite.
"L'être humain n'est pas fait pour être enfermé", explique Céline Valenti, psychothérapeute, spécialiste des psycho-traumatismes et membre du collectif "Soutien psy coronavirus". Depuis trois semaines, ce collectif de quatre thérapeutes propose des consultations en ligne, pour aider les personnes qui souffrent du confinement.
"On constate que les gens appellent pour parler 15 à 20 minutes, ce n'est pas la durée d'une consultation", rapporte Céline, "les gens ont surtout besoin de parler, de s'exprimer, de "décharger" leurs émotions", précise-t-elle.Les thérapeutes constatent que la plupart des appels concernent des personnes âgées de 30 à 50 ans, alors que les études réalisées, notamment en Chine, ont révélé des pics d'anxiété chez les 18-30 ans et les plus de 60 ans.
Parmi les appels, il y a aussi des soignants : "J'ai eu deux infirmières, elles avaient besoin de parler de leurs conditions de travail et du manque de reconnaissance", raconte Céline.
Les violences conjugales
Depuis la mise en place des consultations en ligne, Céline Valenti a été surprise de recevoir plusieurs appels concernant des cas de violences conjugales. Le confinement a généré une augmentation de ces violences.Le gouvernement a ouvert des numéros spéciaux comme le 3919 ou le 114 par sms. Les pharmacies peuvent aussi recueillir les signalements.
"Il y a les violences physiques, mais il y a aussi les violences verbales, nous avons reçu des femmes séparées, elles racontent que lorsque leur ex-conjoint vient récupérer les enfants, elles sont victimes d'agressions verbales, d'insultes, d'humiliations".
Peur d'attraper le Covid 19
"L'anxiété et la peur sont des émotions que l'on retrouve beaucoup", explique la psychothérapeute, notamment la peur d'attraper le Covid 19. "Il y a des personnes qui se demandent si le virus circule dans l'air, elles ont peur d'aller faire les courses, de sortir de chez elles. Nous prenons le temps d'expliquer pour calmer ces peurs".Céline Valenti indique que les informations en boucle, à la télévision ou à la radio, ne font que renforcer ces peurs : "On explique qu'il faut se détacher des médias, regarder des films, faire d'autres activités".
Il y a aussi le problème des masques, les informations qui circulent sont contradictoires : "Les gens ont peur de sortir sans masque et ils n'en ont pas".
À propos des masques, le docteur Guillaume Fond, psychiatre aux hôpitaux universitaires de Marseille, parle "d'injonction paradoxale". C'est la diffusion d'informations contraires émanant des autorités. "C'est générateur de stress", indique-t-il.
Un sentiment de culpabilité
De nombreuses personnes ont du mal à gérer l'isolement du confinement, en particulier celles qui sont éloignées de leur famille. "On constate que beaucoup de personnes ne sont pas inquiètes pour elles-mêmes, mais pour leurs proches", rapporte Céline Valenti."Par exemple, on retrouve : si quelqu'un attrape le coronavirus, je ne pourrai pas être là pour lui". Elle explique que ce sentiment de culpabilité ressort souvent des témoignages.
Crainte d'une montée de violence
"Jusqu'à présent, beaucoup de Français ont considéré le confinement comme un moment de "dilettante", mais si la situation dure, on risque de voir une montée de violence", explique la thérapeute.Ce lundi, le président de la République, Emmanuel Macron, va de nouveau faire des annonces. Le confinement sera probablement prolongé et il y aura peut-être de nouvelles directives au sujet des autorisations de sorties.
"L'être humain n'est pas fait pour être enfermé", indique Céline Valenti, "et on va nous enfermer encore. Certains témoignages nous disent : "pourquoi certains sortent alors que nous, on est confinés ? Ca génère des tensions, de la colère".
Au sein même des familles, les tensions montent : "Des femmes nous rapportent qu'il y a de plus en plus de disputes avec leur mari ou avec leurs enfants".
Cette crainte d'une montée de violence pourrait aussi s'exprimer après le confinement, précise la psychothérapeute : "C'est comme si vous mettez un lion en cage et que vous le libérez, on pourrait voir s'extérioriser toutes les tensions accumulées".
Partager le positif
C'est la mission que s'est donnée les psychothérapeutes du collectif : "Même dans le négatif, on trouve du positif"."Les gens se focalisent sur ce qui n'est pas bien alors qu'il faut se focaliser sur ce qui est bien", indique Céline Valenti. "Avec le confinement, certains ont l'impression de retrouver leurs enfants. Les jeux de cartes ou de société permettent de recréer des liens".
"Il y a le cas d'une femme qui ne supportait pas le télétravail, elle se forçait à se rendre à son bureau et elle s'est rendue compte qu'elle n'aimait plus son métier. Elle envisage très sérieusement une reconversion. Certes, c'est un cas particulier, mais il faut y voir du positif", conclut la psychothérapeute.
Le point de vu du psychiatre
Le confinement fragilise les personnes qui ont une sensibilité à l'anxiété et cette période inédite pourrait les conduire à la dépression. "10 % de la population française étaient en dépression avant le confinement, on peut voir une recrudescence du nombre de cas avec le confinement", explique le docteur Guillaume Fond, psychiatre aux hôpitaux universitaires de Marseille.Le psychiatre ajoute que les troubles anxieux peuvent être provoqués ou exacerbés par le confinement lui-même, par les risques du COVID-19 et par l'avenir. Lui aussi revient sur le rôle anxiogène des médias :
"Il y a des mots qui choquent comme les annonces de la fin du monde ou la crise économique la plus importante depuis 1929". Il y a déjà beaucoup de monde en chômage partiel, "les gens ont peur pour leur emploi, ont peur des plans sociaux", précise-t-il.
Syndrome de stress post-traumatique
Pour le docteur Guillaume Fond, le syndrome de stress post-traumatique concerne surtout les malades, parce qu'il faut un traumatisme identifié. "Comme pour un attentat, des cellules psychologiques ont été déclenchées pour les malades", indique-t-il.Ce syndrome intervient en général dans le mois qui suit le traumatisme. Il s'agit de flash d'une situation traumatique. Le psychiatre parle de "reviviscence", le malade agit ou ressent les mêmes émotions que lors du traumatisme.
Ce syndrome entraîne du stress, des troubles du sommeil, des troubles de la mémoire, de la rumination autour du traumatisme et la perte de plaisir d'être avec ses proches.
Le télétravail
Le confinement a considérablement développé le télétravail. "Beaucoup de personnes ont trouvé des effets bénéfiques au télétravail comme l'absence de transport et donc moins de fatigue, un gain de temps ou encore rester avec ses enfants", rapporte le psychiatre. Mais pour d'autres personnes, il confirme aussi que le télétravail peut avoir des effets néfastes."Les interruptions permanentes, liées aux enfants, aux activités de la maison, entraînent des troubles de la concentration, une grande fatigue et de la tension nerveuse", explique le docteur Fond. Sans compter qu'il est très difficile de cloisonner entre le travail et la vie de famille.