Lundi 16 septembre dans la nuit, quatre cambrioleurs ont pénétré à l’aide d’une voiture-bélier dans les locaux du domaine Mongeard-Mugneret, à Vosne-Romanée (Côte-d'Or). Ils sont repartis avec l’équivalent de 100 000 euros de vin, uniquement des grands crus.
"Ils étaient bien organisés." Les dirigeants du domaine Mongeard-Mugneret, à Vosne-Romanée, sont dépités. Dans la nuit du lundi 16 septembre 2024, des cambrioleurs ont cassé à la voiture-bélier le local de leur domaine, dérobant un nombre conséquent de bouteilles de prestige.
Les voleurs ont ciblé les grands crus
“Ils ont littéralement défoncé la porte. Ils ont chargé la voiture au maximum, et ils sont partis. Ça a duré quatre minutes", explique le domaine.
Au total, 318 bouteilles sont subtilisées : “trois quarts d’une palette, soit une quarantaine de caisses, et quelques cartons en plus”, détaille le domaine. Le butin : uniquement des grands crus, stockés dans des caisses de bois et censés partir dans les heures à venir à l'export, pour le marché américain.
Visiblement, les voleurs savaient ce qu’ils cherchaient. Ils n’ont pas touché aux autres palettes juste à côté. “On pense que c’était des professionnels, qui savaient que les caisses en bois contenaient des grands crus.”
Sur la vidéosurveillance, on les voit. Ils étaient quatre, mais cagoulés et gantés, impossibles à identifier.
le domaine Mongeard-Mugneret
L’alarme, elle, ne s’est pas déclenchée. “On ne sait pas pourquoi.” A-t-elle été désactivée ou n'a-t-elle simplement pas fonctionné ? On l'ignore encore.
Le vol de caves, un business pas nouveau
C’est la première fois que le domaine Mongeard-Mugneret est cambriolé, “mais un confrère de Gevrey l’a été à trois reprises”, affirme le domaine. Et le phénomène n'est pas nouveau, la presse s'en fait régulièrement l'écho.
Le 31 décembre 2018 et à la mi-mars 2019 déjà, un autre domaine de Vosne-Romanée avait été victime de deux cambriolages. Préjudice : 3 000 bouteilles de vin, un montant estimé à 180 000 euros. L'enquête, menée par les gendarmes de Beaune, finit par aboutir : les quatre principaux suspects sont arrêtés à Beaune, Louhans, Charolles et Chalon-sur-Saône.
Lors des fêtes de fin d'année 2019, autre vague de cambriolages. Un caviste de Cuisery, près de Tournus, se fait dérober environ 100 000 euros de vin.
La nuit suivante, le célèbre cuisinier Georges Blanc, installé à Vonnas, dans l'Ain frontalier de la Saône-et-Loire, voit sa cave visitée. Heureusement pour le restaurateur qui conserve environ 140 000 bouteilles, le voleur repartira bredouille.
Mais cinq jours plus tard, début janvier 2020 un autre restaurant étoilé est cambriolé : la maison Lameloise à Chagny. Cette fois, le ou les auteurs repartent avec plusieurs grands crus.
En février 2021, les gendarmes de Beaune démantèlent à nouveau une filière de voleurs de vin. Ils arrêtent 10 suspects et retrouvent 1 160 bouteilles. Elles sont identifiées comme provenant de deux casses : le vol de 2 000 bouteilles à Puligny-Montrachet à l'été 2020, et le vol d'environ 1 000 bouteilles de Pouilly-Fuissé, à Vergisson (Saône-et-Loire). Là encore, les voleurs avaient ciblé des appellations prestigieuses, plutôt destinées à l'export.
Plus récemment, en août 2024, un ex-employé viticole est jugé pour avoir volé, pendant sept longues années, l'équivalent de 580 000 euros de bouteilles dans de grandes maisons de Beaune. Mais, détail étonnant : il ne les a pas revendues, ni même bues ! Il les a, patiemment, stockées dans sa cave personnelle. "C'était joli", se justifiera-t-il.
La gendarmerie conseille de prévenir plutôt que guérir
La gendarmerie de Côte-d'Or confirme que ce phénomène est inhérent à notre territoire viticole : "C'est malheureux, mais ça fait partie de la particularité de notre région."
On est en Bourgogne, donc naturellement, les grands crus font partie des cibles des réseaux de délinquance.
gendarmerie de Côte-d'Or
"En plus de cela, ces dernières années, les vins de Bourgogne ont pris de la valeur", ajoute la gendarmerie qui enjoint les viticulteurs à prendre les devants. "La gendarmerie fait un gros travail de prévention technique de la malveillance, notamment grâce à des audits de sécurité qu'on propose aux professionnels." Les viticulteurs peuvent contacter leur brigade locale de gendarmerie pour bénéficier de cet audit, qui leur permettra d'identifier les faiblesses de leurs installations.
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Cet aspect préventif est essentiel, selon la gendarmerie, car il est plus difficile d'oeuvrer une fois le vol commis. "La traçabilité des bouteilles, c'est plus compliqué. Et le marché noir n'est pas forcément français."
Contactée ce 17 septembre, l’interprofession des vins de Bourgogne reconnaît aussi que l’on manque encore de moyens pour tracer cette précieuse marchandise. “Les bouteilles ne sont pas tracées. Certains domaines commencent à équiper leurs bouteilles avec de petites puces électroniques, mais cela a un coût.” Et ces puces ne sont pas des GPS : elles permettent de déclencher la géolocalisation seulement si on les scanne.