Lors d'une allocution le 17 avril, Emmanuel Macron a annoncé vouloir "désengorger" les services d'urgences d'ici à "la fin de l'année prochaine". Pour les syndicats du secteur en Bourgogne, cette déclaration sonne creux.
L'allocution d'Emmanuel Macron ce 17 avril n'a pas convaincu. Consacrée dans sa majorité à la réforme des retraites, le discours a été accueilli par des "concerts de casseroles" partout en France.
Mais le chef d'État n'a pas parlé que des retraites. Lorsque le Président a promis de "désengorger" le service des urgences d'ici à fin 2024, c'est l'incompréhension et le mépris qui a saisi les professionnels du secteur.
Les soignants n'ont pas été rassurés
C'est une blague qui passe mal, pour le bureau de la CGT du centre hospitalier d'Autun. "On est assez circonspect. Comment croire ce président qui est en train de détruire le service public ? Il ne nous a pas du tout rassuré, surtout quand on voit le secteur médical d'Autun, avec par exemple la fermeture de la maternité", regrette le syndicat.
Du côté du CHU de Dijon, François Thibault, secrétaire adjoint de la CGT de l'hôpital, confie qu'il n'avait même pas écouté le discours. En entendant la promesse d'Emmanuel Macron, il rit jaune :
"Je suis heureux d'apprendre que nous avons un président magicien. Car il prétend avoir la capacité de désengorger un service qui accumule les problèmes depuis 30-40 ans."
François ThibaultCGT du CHU de Dijon
"C'est indécent de dire des choses comme ça, ou alors il n'a aucune idée du problème, ce que je ne pense pas. C'est se moquer des soignants."
Au-delà des doutes, c'est la confiance qui est rompue pour Rodolphe Gaumain, secrétaire général de l'union nationale des syndicats autonomes (UNSA) du CHU de Dijon. "Ça ne tient pas debout", estime-t-il. "On n'a plus confiance en lui."
Les symptômes du mal des urgences
Le manque de lits est l'une des grosses échardes dans le doigt des urgences selon François Thibault. "Plus on supprime des lits dans les hôpitaux périphériques et plus on engorge les urgences. J'ai un patient qui est resté 12 jours dans une unité d'hospitalisation de courte durée, normalement c'est une nuit ou une journée."
Il déplore qu'environ "20% des patients sont orientés où c'est possible et souvent pas aux endroits où ils devraient l'être."
Rodolphe Gaumain, de son côté, accuse une surcharge injustifiée des salles d'attente aux urgences, causée par un manque de la médecine généraliste.
"Il y a une défaillance de la médecine de ville. Les gens viennent pour un mal de gorge qui dure depuis une semaine, ce n'est pas le travail des urgences."
Rodolphe Gaumainsecrétaire général de l'UNSA du CHU de Dijon
"Mais de l'autre côté, un médecin généraliste fait 70 heures par semaine, certains sont en retraite et d'autres sont complets." Ce qui cause des conditions intenables et pas à hauteur de la demande.
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Quelles solutions pour désengorger les urgences ?
Parmi les solutions des professionnels, François Thibault évoque le fait d'imposer un "engagement à servir". Donc de demander à de jeunes médecins fraîchement diplômés de se mettre à disposition dans des endroits dans le besoin. "Deux ans de service dans un désert médical pourraient permettre de désengorger le secteur médical et donc les urgences", explique-t-il.
Il juge aussi nécessaire "d'ouvrir de nouveau des lits dans des petits hôpitaux comme à Montbard, ou même à Langres et à Chaumont en Haute-Marne". Le développement de la médecine de garde lui paraît également être une solution :
"Si tous les titulaires d'un diplôme de médecine du territoire se mobilisaient, ça prendrait seulement une garde toutes les six semaines par personne, ça ne me semble pas inconcevable. Mais c'est un choix politique."
François Thibaultsecrétaire adjoint du syndicat CGT du CHU de Dijon
Cette organisation mériterait une revalorisation selon lui. "Certains sont prêts à faire des gardes, mais ils veulent être payés pour l'astreinte et pas pour cinq ou six consultations." Mais elle permettrait d'économiser aussi : "Pour 24 heures de garde, une voiture et un chauffeur à disposition d'un médecin pour ses gardes, c'est le même prix qu'une sortie d'ambulance des pompiers."
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Peu importe les solutions, le désengorgement des services d'urgence d'ici à la fin de 2024 semble unanimement impossible, selon les différents professionnels interrogés.