Politologue et enseignant à l'Université de Bourgogne, Dominique Andolfatto était l'invité du 19/20 de France 3 Bourgogne ce mardi 21 mars. Selon lui, l'issue de la mobilisation contre la réforme des retraites est encore loin d'être décidée.
L'opposition contre la réforme des retraites ne faiblit pas. Après l'utilisation du 49-3 et le rejet des deux motions de censure à l'Assemblée nationale, de nombreuses manifestations spontanées, avec parfois de fortes tensions, ont éclaté partout en France. La Bourgogne ne fait pas exception : le 16 mars dernier, des manifestants ont même brûlé des poupées à l'effigie d'Emmanuel Macron et de plusieurs ministres à Dijon (Côte-d'Or).
Invité du 19/20 de France 3 Bourgogne ce mardi 21 mars, le politologue et enseignant à l'Université de Bourgogne Dominique Andolfatto a analysé cette importante mobilisation qui a lieu dans la région.
La situation qu'on connaît, cette forte mobilisation, c'est historique en Bourgogne ?
Depuis qu’on a des données assez fiables sur le nombre de manifestants dans les rues, depuis une bonne trentaine d’années, il y a eu deux journées : le 31 janvier et le 7 mars, où on n’a jamais eu autant de personnes dans les rues à Dijon notamment, mais aussi dans d’autres villes de Bourgogne. Même à Beaune, qui n’est pas réputée pour des manifestations sociales, il y a eu des records battus avec plusieurs centaines de personnes.
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Les syndicats ont enregistré un grand nombre d’adhérents : vous pensez que ça va durer ?
Lorsqu’il y a un mouvement social, et surtout si ce mouvement rencontre l’opinion publique, ce qui est le cas, systématiquement les syndicats engrangent des adhérents nouveaux. Là, c’est le cas depuis plusieurs semaines.
Maintenant, il faudra atteindre la fin d’année, quand on arrête les comptes. Il y a sûrement des gens qui vont partir, partir à la retraite… Les syndicats, c’est toujours un flux. Manifestement, il y a plus d’entrants que de sortants, et probablement que les effectifs vont monter.
Vous pensez qu’il y a une perte de confiance ? Les Français ne croient plus en leur gouvernement ?
Il y a une crise de confiance qui est très forte. Elle n’est pas nouvelle mais elle redouble actuellement. Les dernières enquêtes sur le sujet montrent que même les élus et les maires par exemple ne sont pas épargnés. Bien évidemment, l’attitude du Gouvernement, qui a cadenassé le débat parlementaire, qui a promis ensuite qu’il y aurait un vote sur la réforme et qui, un quart d’heure avant, fait adopter la réforme sans vote, ça ne contribue pas à rétablir la confiance.
Vous pensez que le mouvement va durer ?
Les mouvements sociaux, c’est très difficile à planifier. On voit qu’actuellement, il y a deux niveaux. Il y a le niveau de l’intersyndicale, qui est très unie, avec des syndicats qui se veulent très responsables. Donc il y a l’envie des organisations de poursuivre ce mouvement, aux niveaux régional et national.
Et puis il y a le second niveau qui est apparu, qui était déjà présent il y a quelques semaines, qui est plus spontané et plus violent. L’intersyndicale ne légitime pas cela, mais certains laissent faire ces violences et destructions de mobilier urbain.
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On a un mouvement à deux niveaux donc, l’histoire est loin d’être finie. Et puis va intervenir aussi dans le débat le Conseil constitutionnel. Ce qui pourrait amener quelques surprises, comme un référendum, ou peut-être quelque chose de plus probable, comme un cassage de la réforme du fait du chemin juridique discutable qu’elle a emprunté.
On est donc à un tournant ?
Oui, c’est un tournant, d'un mouvement qui continue. Et puis on ne sait pas ce que va faire le président de la République. Il a des cartes en main, que va-t-il en faire ?
Emmanuel Macron doit s'exprimer ce mercredi midi à 13 heures, dans les journaux télévisés de TF1 et France 2.