Pourquoi l'hôtel Hilton de Dijon, promis pour début 2023 à la Cité de la gastronomie, n'a toujours pas ouvert

Annoncé pour le printemps 2023, l'hôtel Hilton de la Cité de la gastronomie de Dijon (Côte-d'Or) n'a toujours pas ouvert. Malgré le redressement judiciaire de sa holding Naos début novembre 2023, les promoteurs et la Ville restent confiants.

Deux ans après la pose de la première pierre de l'hôtel Hilton en septembre 2021, au sein de la Cité de la gastronomie de Dijon, le lieu n'a toujours pas ouvert ses portes. Et le redressement judiciaire début novembre 2023 du groupe Naos Hôtel Groupe, porteur du projet, risque de ne rien arranger.

125 chambres, piscine, spa, restaurant...

L'arrivée de la prestigieuse marque Hilton en Bourgogne faisait rêver. Encore plus parce que l'enseigne américaine comptait moderniser l'ancien hôpital général de Dijon, à côté de la toute neuve Cité de la gastronomie et du vin (CIGV). Un projet porté par une très jeune holding appelée Naos Hôtel Groupe, basée à Poitiers. 

Sur 7 500 m², l'établissement de luxe doit proposer à une clientèle haut de gamme 125 chambres, une piscine, un bar, un spa et même un restaurant.

"Hilton se retrouve un peu piégé"

Oui mais voilà. Annoncé pour le mois de mars 2023, un an après l'inauguration de la Cité, l'hôtel n'a toujours pas accueilli le moindre client et les travaux semblent tourner au ralenti.

De plus, le groupe Naos a été placé en redressement judiciaire début novembre 2023, laissant peu d'espoir quant à une ouverture prochaine de l'hôtel. "Naos est en cessation de paiement. Ils ne peuvent plus payer les factures à Hilton. La machine s'est enrayée et Hilton se retrouve un peu piégé", glisse Patricia*, qui a travaillé pour le groupe.

Des millions d'euros d'impayés ?

"Il n'y a pas les fonds, donc les travaux prennent du retard parce qu'ils ne peuvent pas déclencher les enveloppes à destination des constructeurs. Il y a aussi un bail à payer, du mobilier à faire venir... On parle de millions d'euros qui ne sont pas payés aux fournisseurs", énumère Patricia.

"Le groupe met en péril d'autres sociétés, des gens très investis, des fournisseurs, des sociétés d'intérim et surtout des salariés, sans aucun scrupule"

Patricia*

ancienne salariée du groupe Naos

Pourtant, les travaux semblent toujours continuer. Dans l'après-midi du 13 novembre, on pouvait apercevoir au moins deux ouvriers du bâtiment dans les murs de l'ancien hospice Saint-Anne.

À travers les vitres, on distingue des câbles qui dépassent des murs, des tapis à peine déroulés ou encore des néons allumés, mais toujours pas de meubles. Si l'ouverture du lieu était définitivement annulée, ce sont 70 à 80 emplois, essentiellement dans la restauration, qui pourraient ne pas être pourvus. 

Naos dispose de six mois pour trouver les fonds nécessaires s'il veut éviter la liquidation judiciaire. "Ça fait déjà des mois qu'ils cherchent des fonds, mais au vu de l'état du secteur hôtelier, je ne vois pas comment ils pourraient trouver un repreneur. Parce que quand on reprend la holding, on reprend toutes les dettes. Tout est lié", détaille Patricia.

"Il faudrait être vraiment fou, quand vous savez les dettes sur chaque établissement Naos, pour les reprendre."

Patricia

ancienne salariée du groupe Naos

Contacté ce 14 novembre, le groupe Naos nous a répondu par un communiqué rédigé le 3 novembre, juste après la décision de redressement judiciaire. La direction y explique amorcer "une restructuration stratégique via un redressement judiciaire" pour une période de six mois. "Cette décision, menée par notre président, M. Pascal Lemarchand, est une mesure proactive visant à stabiliser le groupe, à protéger l'emploi et à renforcer notre assise financière", assure le groupe.

La direction de Naos invoque d'énormes investissements

Naos met en cause plusieurs facteurs comme l'expansion rapide du groupe, qui a selon le communiqué ouvert plus de 13 établissements en quatre ans. Des ouvertures qui ont nécessité "un investissement considérable en capitaux propres". La direction invoque également la crise du Covid et un secteur hôtelier concurrentiel. "Notre rapide expansion s'est produite dans un secteur déjà fragilisé, ce qui a ajouté une pression supplémentaire sur nos opérations."

Le groupe se vante néanmoins d'avoir réalisé des "résultats favorables [et] encourageants" en 2023 qui démontrent "la solidité de [leur] modèle d'entreprise". Concernant le redressement judiciaire, Naos indique qu'il est "impératif de rattraper le retard financier accumulé" et se dit "déterminé à travailler en étroite collaboration avec les parties prenantes pour atteindre cet objectif".

"Nous sommes convaincus que cette démarche de redressement judiciaire nous permettra de surmonter les défis auxquels nous sommes confrontés et de renforcer la stabilité de notre groupe à long terme."

La direction de Naos Hôtel Groupe

par voie de communiqué

Dans sa réponse par mail, la communication du groupe ajoute : "La direction préfère ne pas communiquer davantage et souhaite rester focalisée sur les défis immédiats qui concernent en premier lieu nos équipes, nos fournisseurs et partenaires, ainsi que nos investisseurs."

"Une mesure de sauvegarde plutôt positive" pour la Ville 

Du côté de la Ville de Dijon, on veut rester optimiste. "On a eu des interrogations, mais pas d'inquiétude", résume François Deseille, adjoint délégué aux finances et à la Cité de la gastronomie. "Naos m'a expliqué que ce redressement judiciaire leur permet d'étaler leurs dettes, c'est une pratique assez courante dans le milieu. C'est une mesure de sauvegarde plutôt positive."

L'adjoint tient à tempérer les inquiétudes. "De toute façon, Naos ne possède pas les murs. Si ça avait été le cas, ça aurait été plus compliqué. Mais les murs appartiennent à plusieurs grosses banques. Mais Naos, ce n'est que les gérants. Ils ont besoin d'un étalement de travaux parce qu'ils ont d'autres projets en France. Il faut dire que la crise du Covid a laissé des traces."

"Il n'y a pas de raison que ça ne fonctionne pas"

François Deseille

adjoint au maire de Dijon, délégué aux finances et à la Cité de la gastronomie

L'ouverture du lieu est prévue pour le mois de mai 2024. "Il y a une grosse attente pour l'arrivée de ce palace et il n'y a pas de raison que ça ne fonctionne pas !" L'hôtel serait d'ailleurs entièrement réservé par une société suisse, le mois de juin 2024.

∗Le prénom a été modifié.

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