Témoignages. Construire sa maison avec l'inflation : "J'ai dû faire un nouvel emprunt de 40 000 €"

Publié le Écrit par Vincent Constant
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La construction de maison individuelle en Côte-d'Or a été rendue compliquée par la période d'inflation qui sévit depuis l'été 2021. Si certains continuent de se débrouiller seuls en tant que maîtres d'œuvre, les entreprises spécialisées tirent de leur côté la sonnette d'alarme.

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Construire ou faire construire sa maison en mai 2023, bonne ou mauvaise idée ? Selon l'indice de l'Association Belge des experts (Abex) qui représente l'évolution du prix de la construction d'une maison, bâtir un logement privé en cette fin de printemps 2023 coûte 10,8 % plus cher qu'en 2022.

Alors que le secteur de la construction de maisons individuelles était pris d'euphorie avec la hausse des demandes post-covid, la guerre en Ukraine et l'inflation grandissante depuis 2023 ont mis un coup d'arrêt aux envies de construire sa maison. La Côte-d'Or et la périphérie de Dijon, pourtant en pleine expansion, n'y font pas exception. 

Construire sa maison soi-même, c'est possible ? 

Mohamed Gaougaou n'est pas sans expérience dans l'ouvrage d'un chez soi : il en est à sa troisième maison. C'est donc en tant que maître d'œuvre qu'il s'est lancé, en décembre 2021, dans le chantier de sa nouvelle demeure à Ahuy (Côte-d'Or). 

Bilan en mai 2023 ? "C'est quasiment fini, il manque l'extérieur et le crépi", assure-t-il soulagé. Pour cause, le chantier a été retardé de 6 mois à cause de plusieurs pénuries de divers matériaux. Mais ce n'est pas le seul problème.

D'un ton calme, il raconte : "Avec la hausse des coûts des matériaux j'ai eu une augmentation du prix de la construction de 47 000 €. J'ai dû faire un nouvel emprunt de 40 000 € auprès de ma banque." Là-dessus, il s'estime chanceux. "Ma banque m'a fait ce nouveau prêt parce que j'ai une bonne situation et que je suis un client depuis longtemps, j'ai plusieurs collègues qui n'ont pas eu cette chance."

En décembre 2021, le taux de son prêt était à 1 %, selon lui, il serait à 3 ou 4 % en ce moment. Il déclare tout de même avoir bénéficié d'un "bon timing". 

"Ce carrelage en Espagne coûtait 19,90 € et en France 80 €"

En tout, son ouvrage lui a coûté 400 000 €, à cela s'ajoute 182 000 € du prix du terrain. "Le fait de gérer la construction, ça me permet d'éviter les coûts liés aux entreprises de construction. Je peux aussi choisir ce qui me fait envie et ce que je trouve plus avantageux." 

Il a par exemple fait importer son carrelage d'Espagne. "Il m'ont livré devant ma porte", explique-t-il fièrement. "Pour ce carrelage 90x90, en Espagne cela coûtait 19,90 € et en France 80 €. Moyennant le coût de la livraison, je suis quand même gagnant."

La valeur de sa maison atteint 600 000 € selon lui, mais un acheteur l'a sollicité il y a peu pour lui proposer 900 000 € afin de lui racheter. "Les gens privilégient les achats de maison clé en main", remarque-t-il. "Ils veulent de moins en moins construire leur maison."

"On a 50 % de contrats de construction en moins en ce moment"

Gilles Moyse a fondé Esyom en 2016. Cette entreprise de construction de maison agit sur Dijon, sa périphérie et le sud de la Côte-d'Or. Il remarque les effets négatifs de l'inflation sur le secteur. 

"Après le Covid, on a eu une très bonne période avec des gens qui voulaient construire et disposer de leur propre maison. Mais ça s'est très vite cassé la figure avec le début de la guerre en Ukraine et de l'inflation."

Gilles Moyse

dirigeant d'Esyom

Pénurie, hausse des coûts des matériaux, moins d'argent dans les budgets des Côte-d'Oriens... La mauvaise santé du marché de la construction des maisons individuelles est multifactorielle. Et les symptômes sont sévères. "On a 50 % de contrats de construction en moins en ce moment. Dans plusieurs entreprises, ça implique des baisses d'effectifs, parce qu'il y a moins de travail."

"On vit des moments particuliers, avec une société de moins en moins stable. Avec tout ça, constructeur de maison aujourd'hui, ce n'est pas un métier d'avenir."

Gilles Moyse

dirigeant d'Esyom

Selon Gilles Moyse, les choses ne tendent pas à s'améliorer avec le temps, au contraire. Les jeunes sont de moins en moins capables d'investir dans une maison avec leur pouvoir d'achat. "Les clients jeunes, qu'on appelle 'primo-accédant' pour 'premier achat', sont en voie de disparition. c'est déjà le cas depuis plusieurs années, mais on fait face à une accélération du phénomène. Le prix du foncier est aussi un problème, les gens construisent de plus en plus loin."

Une confiance en baisse ?

Lors de la création du contrat de construction, Esyom choisit de ne pas indexer les prix sur le coût évolutif des matériaux. Le prix reste le même selon ce qui est défini dans le contrat. Face à l'augmentation ininterrompue du prix des matières premières depuis le début de la guerre en Ukraine, d'autres entreprises ont, elles, fait le choix d'indexer. 

"Beaucoup de constructeurs se sont protégés avec l'indexation", reconnaît Gilles Moyse. "Nos prix sont non-indexés. Autrement, avec un prix qui évolue après la signature du contrat, ce n'est pas rassurant pour le client, ni pour le banquier. Et nous on ne gagne pas plus d'argent. Tout le monde est perdant."

Gilles Moyse tient à rappeler que les constructeurs de maisons font partie d'une profession très encadrée, notamment au niveau de la législation et du suivi des entreprises. "Quand on voit des gens se faire arnaquer parce qu'une entreprise est parti avec la caisse, il ne s'agit pas de constructeurs de maisons. Le contrat de construction permet justement d'être protégé."

Il estime que les particuliers peuvent faire l'amalgame entre ces escrocs et les entreprises de construction encadrées comme Esyom. C'est selon lui l'une des raisons d'un éventuel manque de confiance dans un secteur aux abois.

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