Le ministère de l'Intérieur a établi une liste de 42 sites considérés comme de potentiels foyers de contestation. Ces lieux, pour la plupart symboles de lutte écologique, sont placés sous surveillance particulière des services de renseignements. En Côte-d'Or, le quartier des Lentillères et le collectif de lutte contre le méga-méthaniseur de Cérilly sont concernés.
Peut-on parler d'un effet Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ? Une semaine après les violents heurts entre manifestants et forces de l'ordre survenus lors de la manifestation contre les méga-bassines, samedi 25 mars, le gouvernement semble accroître sa surveillance des "sites de contestation" potentiels.
Selon un article publié dimanche 2 avril par le journal Le JDD, le ministère de l'Intérieur aurait répertorié 42 sites identifiés par le gouvernement comme lieux "de contestations".
Deux sites surveillés en Côte-d'Or
Ces derniers, pour la plupart symboles de lutte écologique contre un projet industriel, seraient ainsi placés sous surveillance des renseignements généraux. Contactée par France 3 Bourgogne, une source proche du dossier nous a confirmé la véracité de cette information.
Deux des lieux concernés sont situés en Côte-d'Or. Tout d'abord à Cérilly, dans le Châtillonnais, où depuis plusieurs années un collectif de plusieurs associations, "Méga-méthaniseur ni ici, ni ailleurs", s'oppose à la construction d'un méga-méthaniseur dans la commune. Ce site est classé dans la catégorie "contestation susceptible de se radicaliser à court terme" par les RG.
Le deuxième site est à Dijon. Il concerne le "quartier libre des Lentillères", collectif d'habitants qui depuis 2010 défend et occupe des anciennes terres maraîchères initialement destinées à être transformées en "éco-quartier" par la ville de Dijon. Le lieu est quant à lui classé au plus haut degré de surveillance par les renseignements : "contestation radicale et violente / occupation permanente d'un lieu".
On se sent tout simplement discriminé par un récit monté de toutes pièces par le gouvernement
Thomas Maurice,co-porte-parole de la Confédération paysanne 21, syndicat membre du collectif "Méga-méthaniseur ni ici, ni ailleurs".
Contactées par France 3 Bourgogne, les associations concernées n'ont pas caché leur "surprise" après la découverte de cette liste. "On se sent tout simplement discriminé par un récit monté de toutes pièces par le gouvernement", explique Thomas Maurice, co-porte-parole de la Confédération paysanne 21, syndicat membre du collectif "Méga-méthaniseur ni ici, ni ailleurs".
"On associe encore la lutte écologiste à l'écoterrorisme" continue-t-il. "On lutte pour la nature, le vivant, le bien commun et on se retrouve surveillés et montrés du doigt. On s'interroge forcément, car notre lutte à nous est totalement pacifique".
Le constat est même plus sévère pour Valérie Jacq, porte-parole de ce même collectif. "C'est lamentable", s'écrie-t-elle. "Le gouvernement se radicalise par rapport aux associations écologistes, cette surveillance en est la preuve".
Du côté des Lentillères, cette nouvelle "n'est pas surprenante" selon Rodolf, usager du quartier. "Ce n'est pas la première fois qu'on nous calomnie pour essayer de nous diaboliser" dénonce-t-il.
Pour autant, le Dijonnais regrette de voir les Lentillères "classés parmi les lieux de contestation présentés comme violents. Ici, c'est un espace d'entraide, de collectif, aimé par les locaux. En 13 ans d'occupation, nous n'avons jamais cédé à la violence" précise-t-il.
Une surveillance "essentielle" du côté des autorités
Du côté des autorités, rien d'anormal. "Ce recensement n'est pas une réaction aux événements de Sainte-Soline", révèle une source proche du dossier. "C'est même normal, voire essentiel, pour anticiper des phénomènes d'ultra-violences. Les sites visés sont déjà occupés par des ZAD, ou pourraient l'être".
Selon ce même interlocuteur, "des personnes et même des élus contestent des décisions légales de manière non démocratiques, ni par les urnes, ni par la justice, mais de façon violente. Il faut donc les surveiller".
Et comment ? Contrôles sur les lieux, surveillances vidéos et audios, arrestations des activistes ? Interrogés, ni le ministère de l'Intérieur ni la préfecture de Côte-d'Or n'ont souhaité s'exprimer.
En février dernier, des habitants du quartier des Lentillères et des Tanneries s'étaient plaints d'une surveillance policière illégale après la découverte de caméras dissimulées près de leur lieu de travail.
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Impossible cependant de ne pas voir de liens entre ces sites sous surveillance et les dernières déclarations de Gérald Darmanin. Lors d'un entretien au JDD ce dimanche 2 avril, le ministre de l'Intérieur a annoncé la création "d'une cellule anti-ZAD (zone à défendre, ndlr)" pour empêcher "toutes nouvelles apparitions de ces structures remettant en cause l'autorité de l'État".