INTERVIEW. Pierre Wantiez : "personne n'a cru une seconde qu'on allait réussir à sauver le FC Sochaux"

Coulisses du projet de reprise, identité des investisseurs, offres de l'Olympiakos et d'un fonds saoudien, attachement au club, future restructuration... Pierre Wantiez, directeur général des Jaune et Bleu et homme de base du projet "FCSM 2028", a accepté de répondre aux questions de France 3 Franche-Comté ce jeudi 24 août.

Le FC Sochaux-Montbéliard, Pierre Wantiez le connaît bien. Pendant huit ans, de 2000 à 2008, il a été le directeur général du club doubiste, le bras droit de Jean-Claude Plessis durant les belles années des Jaune et Bleu. Aujourd'hui, les deux hommes sont de retour à la tête du projet "FCSM 2028", après avoir évité la disparition de Sochaux et obtenu son maintien en N1.

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Récit de ces mois de travail, coulisses du sauvetage "miracle" du FCSM, identité des investisseurs locaux, ambitions futures des Jaune et Bleu, attachement à son club de cœur... Pierre Wantiez se livre en longueur au micro d'Émilien Diaz, sur la pelouse de Bonal, dans un entretien inédit.

France 3 Franche-Comté : Pierre Wantiez, nous étions il y a deux mois ici même avec votre prédécesseur Samuel Laurent. À ce moment, est-ce-que vous vous seriez imaginé être là aujourd'hui ?

Pierre Wantiez : Pas du tout. Je venais de déménager et j'avais fait un choix de vie qui était de profiter de ma retraite gentiment. Je suivais de loin ce qui se passait à Sochaux. Mais quand j'ai vu la dégringolade du FCSM, je n'ai pas pu dire non à l'appel de Jean-Claude Plessis. On s'est lancé. L'issue est heureuse, mais non, c'était inimaginable il y a deux mois d'être là aujourd'hui.

Personnellement, comment avez-vous vécu cette "dégringolade" ?

Au départ, Nenking était aux affaires et défendait son dossier. J'avais suffisamment de connexions dans le monde du football pour savoir que c'était mal embarqué. J'éprouvais donc de la tristesse, car l'issue fatale approchait et on se disait que c'était irréversible. Ça faisait mal au cœur. Nous avions un sentiment d'impuissance.

Et puis quand un projet de reprise a été porté par Romain Peugeot, en tant que supporter, on a repris un petit peu espoir. Mais la porte de la Ligue 2 s'est refermée. Ensuite Jean-Claude m'a appelé. La seule question qu'on s'est posé était : "est-ce-qu'on a le droit de ne pas essayer". Non. Mais honnêtement, au début, on n'y croyait même pas. Parce que c'est compliqué de faire en 10 jours, au mois d'août, ce qui prend normalement des mois. C'était mission impossible.

On a réussi car les gens se sont fédérés. On a été les catalyseurs du projet, en faisant en sorte d'être juste dans nos actions, de ne jamais mentir à nos interlocuteurs, que ce soit les investisseurs, la Fédération, la Ligue ou la DNCG. On a joué la carte de la transparence totale en disant : "on doit trouver énormément d'argent entre le 6 et le 16 août".

Pierre Wantiez,

directeur général du FCSM

Mais on a eu une telle énergie. Beaucoup de gens nous appelaient, parfois juste pour nous encourager. Nous étions à bloc. Après, nos situations personnelles, à Jean-Claude et à moi, ne sont pas importantes. Je trouve qu'on nous remercie un peu trop ces derniers temps. C'est agréable, mais il faut passer à autre chose. Maintenant le sujet est  : comment reconstruit-on et fait-on avancer le club.

Au moment où vous avez accès aux comptes du club, que découvrez-vous ? Un club en était de mort clinique ?

Financièrement, oui. Le club avait financé sa saison 2022-2023 jusqu'au bout. Les fournisseurs, les joueurs, les charges, les salariés avaient été payés. Mais rien ne permettait d'aller au-delà d'un mois sur 2023-2024. Le gouffre était immense. Alors, on s'est mis à la tâche pour associer les gens qui avaient envie de prendre le risque de sauver le FCSM avec nous. Car c'était un risque qu'on a pris, tous. À la fois, financier pour les investisseurs, et d'image, pour tout le monde.

"On a réalisé seulement 25 % du sauvetage du club"

Mais attention. Aujourd'hui, ce qu'on a réalisé, c'est juste 25 % du sauvetage du club. Il ne faut pas croire qu'on a gagné et que le FCSM est aujourd'hui un club bien portant, dans une situation normale. On a encore un immense chemin à parcourir et on sait que ça va être moins drôle dans les prochains jours. Là, on va commencer à mettre réellement les mains dans le cambouis.

Vous avez reconstruit le FCSM autour d'un consortium d'investisseurs, 40 pour être exact. Quelque chose d'assez unique dans le football. Est-ce qu'il n'y a pas des craintes sur la durée ?

C'est évidemment plus simple de gouverner si vous avez un actionnaire unique. Mais je veux croire que tous nos investisseurs ont un intérêt commun. Tous sont venus ici avec un attachement au FC Sochaux. Cela doit nous fédérer et nous permettre de surmonter les antagonismes qui peuvent exister.

Mais ponctuellement, que les gens aient des avis différents, ce n'est pas grave. Au contraire, des nouvelles idées peuvent émerger. Après, c'est comme dans toutes les entreprises. Il y a une gouvernance, un conseil d'administration a été élu et il dirigera. Même s'il y aura des frictions, je ne suis pas inquiet.

Avez-vous refusé des propositions de gros investisseurs qui avaient envie de venir dans le projet ?

Oui. Je vais prendre des exemples très concrets. On a reçu un appel très cordial, très poli, de la part du club grec de l'Olympiakos qui souhaitait devenir actionnaire majoritaire du FCSM. Mais on savait que ça ne collerait pas au projet et qu'ils venaient ici surtout pour les pépites de notre centre de formation. C'est le contraire de ce qu'on défendait.

On a aussi eu un fonds saoudien qui nous a appelé. Mais nos investisseurs locaux ont refusé en deux minutes. C'était un peu comme avec Nenking : il n'y avait aucun attachement. On ne voulait pas revivre ça.

Il y a eu beaucoup de discrétion autour de ces investisseurs locaux. Peut-on aujourd'hui donner quelques noms ?

Beaucoup souhaitaient rester dans l'ombre. Tant qu'on n'avait pas réussi, ils valaient mieux ne pas les exposer inutilement. Maintenant, le club va publier toutes les informations dans les jours à venir. Mais je peux parler des administrateurs déjà élus. Il y a d'abord Jean-Claude Plessis. Puis Sandro Nardis, patron du groupe Eimi, qui a investi personnellement.

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Viennent ensuite Xavier Thevenot, un Bisontin, et Gérald Maradan, fils et petit-fils d'ouvrier qui a fait un remarquable parcours professionnel et qui, bien qu'expatrié à Nice, voulait s'investir dans le projet. Rajoutez à cela l'association Sociochaux, un acteur majeur et différent des autres. Et enfin Baptiste Vautrin, un entrepreneur du Pays de Montbéliard.

On reconnaît la volonté d'un ancrage local, avec des gens du cru.

Ou ayant un lien avec le cru. On ne s'est pas interdit d'accueillir des gens qui ne sont pas Franc-Comtois. En fait, on a pris pour exemple le modèle du club de Guingamp, pour la multiplicité de ses actionnaires, et de celui de Montpellier, pour l'âme familiale et la force que dégage ce club.

Avez-vous des garanties pour que tous ces actionnaires suivent le projet 2028 jusqu'au bout, malgré de possibles fins de saisons difficiles financièrement ?

Tout le monde sait qu'une vie d'entreprise est faite de haut et de bas. Il est possible que certains préfèrent lever le pied à un moment donné. Mais d'autres pourront venir les remplacer. C'est la vie d'une entreprise.

Ce que je peux vous dire, c'est que le budget de cette saison est complètement assumé. Autrement, la DNCG n'aurait pas rendu un avis favorable. C'est pour ça qu'on a pu immédiatement recruter des joueurs. Avant le passage jeudi dernier, j'étais même plutôt confiant. Ce sont les saisons à venir qui vont être compliquées. Mais on va tout faire dans les mois qui viennent pour qu'elles le soient de moins en moins, et l'objectif final est qu'elles ne le soient plus du tout.

Vous faites quand même partie des budgets les plus importants de ce championnat de N1.

Je pense qu'on a le plus gros budget, une quinzaine de millions d'euros. C'est le budget de départ, mais on va retravailler certains dossiers, car une restructuration du club est impérative. 

Le FCSM ne peut pas vivre en N1 comme il vivait en Ligue 2. Aujourd'hui, même si on a le premier budget, nous ne sommes même pas dans les cinq premières équipes au niveau des fonds affectés au sportif. Et ça, ce n'est pas normal car le cœur du métier, c'est le football.

Pierre Wantiez,

directeur général du FCSM

Il faut qu'on arrive à donner le plus vite possible plus de moyens financiers au sportif. Déjà cette année, pour éviter les six relégations en N2. Et dès la saison prochaine, pour qu'on retourne le plus vite possible en Ligue 2.

Pour atteindre cet objectif, serez-vous obligé de vous séparer de certains salariés ?

Cela fait forcément partie des hypothèses. Le moins il y aura de départs, le mieux, on se portera, c'est certain. D'autant plus que la plupart des salariés d'aujourd'hui, on les a embauchés avec Jean-Claude il y a 20 ans. Au niveau humain, ça va être compliqué.

Mais on sera vigilant à ce que le fonctionnement du club reste solide. Notre objectif est de stabiliser le club, mais pas à n'importe quel prix. Évidemment, il y aura des décisions humainement douloureuses, cela touchera certaines personnes. Mais oui, le club sera restructuré. Cela fait partie de nos engagements.

La situation du FC Sochaux est déjà unique dans le football français. Le club n'est pas mort, et en pleine résurrection.

Personne n'a cru une seule seconde qu'on pouvait réussir. On a reçu des messages nous disant qu'on était fou. On a eu des hauts et des bas. Je me souviens de deux jours où on était très abattu. Pendant la nuit, on réfléchissait, et on repartait au combat. Je le répète, on est là grâce à l'énergie donnée par les gens.

Les appels d'encouragements, les collectivités qui nous invitent à continuer, ça rebooste. Mais on a eu des moments de souffrance. Au final, on a réussi à monter ce dossier. Jean-Claude avec son aura, son charisme, son réseau, était plus dans la partie communication. Moi, c'était le travail de l'ombre. Quand on y pense, c'est des moments extraordinaires que nous avons vécu à deux.

Maintenant, vous allez rester là, à temps plein ?

C'est le conseil d'administration, qui se réunit vendredi 25 août, qui va décider. Je suis bien clair, je ne demande rien en retour de mes investissements. Mais on m'a demandé de rester directeur général, et je reste totalement disponible.

Dernière question : nous sommes ici sur la pelouse du Stade Bonal, où le premier match à domicile du projet 'FCSM 2028" se jouera la semaine prochaine. Cela risque d'être particulier pour vous.

L'émotion remonte forcément. Dès maintenant, et pas seulement à partir de la semaine prochaine. Rien que de demain, pour le premier match de N1 (pause). Se dire qu'on a contribué à ça, c'est extrêmement fort.

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