Ghislaine Villemenot est prothésiste capillaire agréée par la Sécurité sociale. Elle accompagne des femmes atteintes de cancer dans le choix de leur perruque et autres accessoires pour masquer leur chute de cheveux. Elle les rassure, les conseille et les soutient durant cette épreuve. Un geste salvateur pour Carole Laine.
Ghislaine Villemenot travaille dans la coiffure depuis 40 ans. Il y a quelques années, alors qu'un membre de sa famille est atteint d'un cancer, Ghislaine est confrontée au parcours du combattant pour trouver une perruque. "On a dû aller jusqu'à Gérardmer pour en trouver une, en plus à un prix exorbitant", se souvient la coiffeuse, encore indignée, même des années après. "Ça m'a émue de voir ça. On est déjà privé de travail et donc de salaire quand on est malade, et en plus, il faut payer pour avoir une perruque", ajoute-t-elle.
"Si on est encore obligé de payer alors qu'on est déjà malade"
Quand la boucherie qui jouxte son salon de coiffure à Saint Sauveur (Haute-Saône), fait faillite, Ghislaine décide d'y installer un salon privé pour vendre des prothèses capillaires. "J'ai fait un salon cocooning pour accueillir ces femmes, à l'abri des regards de mes clients", détaille Ghislaine qui possède l'agrément de la Sécurité sociale, qui lui permet d'effectuer le tiers payant. "Ainsi, elles n'ont pas à avancer l'argent et peuvent repartir avec une belle chevelure qui leur convient", précise la coiffeuse qui met un point d'honneur sur le sujet.
Je suis issue d'une famille d'ouvriers et je n'ai jamais vu mes parents rouler sur l'or. Si on est encore obligé de payer alors qu'on est déjà malade... C'est injuste pour moi.
Ghislaine Villemenot, prothésiste capillaire agréée par la sécurité sociale
En plus de son salon privé, Ghislaine est prothésiste capillaire à l'hôpital Minjoz, à Besançon. Elle accompagne les patientes dans leur choix de prothèses : bonnet, foulard, frange, perruque... libre choix à elles. Mais elle explique que bien cibler les besoins et les attentes des femmes est primordial. "Se voir tous les jours sans cheveux, c'est être confronté à la maladie. Être toujours devant le miroir sans cheveux, c'est compliqué, souligne Ghislaine. La perruque permet d'oublier la maladie, le temps d'un instant."
Ghislaine, avec l'expérience qu'elle a désormais, s'aperçoit que "les cheveux, c'est l'image de soi, la féminité et notre personnalité". La chute de cheveux renvoie systématiquement au cancer et elle est le seul signe extérieur de la maladie. Pour certaines femmes, perdre ses cheveux est une fatalité. "Pour certaines femmes, perdre ses cheveux, c'est pire que le traitement, pire que la maladie et pire que la perte d'un sein", raconte Ghislaine, avant d'insister sur son rôle. "Mon devoir, c'est de les rassurer. Sur le fait que leurs cheveux vont repousser, et que, même si la première année, elles ne retrouveront pas leur nature de cheveux, ça reviendra avec le temps", souligne Ghislaine.
"J’avais perdu toute identité physique"
Pour Carole Laine, âgée de 56 ans lorsque le diagnostic tombe, la perte de ses cheveux est "gros traumatisme". Elle confie avoir fait un "gros déni" sur la perte de ses cheveux. Malgré la mise en garde du médecin, elle espérait ne pas tous les perdre. Puis, un matin, elle constate une masse capillaire sur son oreiller. Ce jour-là, elle décide de se rendre chez Ghislaine Villemenot, dont elle a eu le contact via un chauffeur de taxi. "Quand elle m'a coupé les cheveux, ça a été la douche froide. C'est une sensation que l'on ne peut pas décrire", se souvient Carole, très émue. Sa chevelure, c'était son "identité", sa "parure".
Quand je me regardais dans le miroir et que je n'avais plus mes cheveux, j’avais l’impression que ce n’était pas moi.
Carole Laine, porteuse d'une perruque de Ghislaine Villemenot
"J’avais perdu toute identité physique. La perte de mes cheveux... c’est terrible. Le crâne chauve, ça dit au monde entier qu'on est malade", se remémore Carole, en pleurant.
"J'ai porté un bandana plus pour le regard des gens que pour moi-même"
Alors les prothèses capillaires sont une bonne alternative pour faire face à la chute de cheveux induite par le traitement. Mais les appréhensions sont parfois nombreuses. Est-ce confortable ? Est-ce que je vais la supporter, surtout en été ? Est-ce naturel ? Autant de questions traversent l'esprit de ces femmes. Face au choix de la perruque, Ghislaine a identifié différents profils. Il y a celle qui profite de cette parenthèse pour totalement changer de look, avec une coupe et une couleur qu'elle n'a jamais osé faire. Celle qui veut que cela ne se voie pas, qu'elle puisse se fondre dans la masse sans se faire remarquer. Et puis il y a celle qui assume et ne veut pas de perruque.
Interrogée par ma collègue Jeanne Casez, Rachel, diagnostiquée d'un cancer du sein à 38 ans, confie qu'elle n'a pas supporté la perruque, à cause du grattement. Elle a préféré se tourner vers un bandana. Jennifer, quant à elle, n'a pas trouvé de perruque qui se rapprochait au mieux de ses belles boucles. "J'ai porté un bandana, plus pour le regard des gens que pour moi-même", témoigne-t-elle. Marine, de son côté, a d'abord coupé ses cheveux avant de les raser.
Je n'ai même pas envisagé la perruque. Au final, j'y ai trouvé un côté très pratique d'avoir le crâne rasé. C'était l'été, il faisait chaud. On s'embête quand même sacrément le matin avec des cheveux longs
Marie, atteinte d'un cancer du sein
"Ça m'a redonné confiance en moi"
Pour Carole, la perruque l'a "sauvée". "Poter une prothèse capillaire m'a aidé à surmonter la perte de mes cheveux. Ça m'a redonné confiance en moi. Quand je la mets, c’est moi. Sans, je ne me reconnais pas."
Mes proches me trouvent très bien comme ça, maintenant que mes cheveux ont un peu repoussés, mais pas moi. Je veux redevenir comme j’étais avant.
Carole Laine, porteuse d'une perruque de Ghislaine Villemenot
Carole est très reconnaissante envers Ghislaine, qu'elle qualifie de "personne extraordinaire", la gorge encore très serrée. " C'est grâce à elle que j’ai pu surmonter ça."
D'après les retours que Ghislaine a eus des femmes, celles qui ont opté pour le foulard ou le bonnet, ont été davantage confrontées au regard des autres, tandis que la perruque permet "de se fondre dans la masse". Un ressenti que confirme Carole Laine : "avec le bandeau, je voyais la maladie. Mais avec la perruque, je sors avec et ça m'aide à aller de l'avant, ça me met du baume au cœur. "