Après avoir attrapé le Covid-19 alors qu'elle travaillait comme aide-soignante à Dole, dans le Jura, en mars 2020, Agnès Dafflon n'a toujours pas pu reprendre durablement son activité, malgré deux tentatives. Elle raconte son quotidien difficile.
Ce matin là, Agnès Dafflon a passé l'aspirateur et récuré le sol à son domicile de Foucherans (Jura). Rien d'anormal. Sauf que lorsque vient notre appel, en début d'après-midi, elle confie avoir depuis "très mal au bras et mal au poignet". Deux de très nombreuses séquelles - on peut ajouter des douleurs, aux épaules, aux jambes, au dos et à la tête - dont elle souffre depuis son infection au Covid-19.
Agnès Dafflon a 47 ans. Elle est aide-soignante à l'hôpital Louis-Pasteur de Dole. Sa vie s'est arrêtée le 31 mars 2020, alors qu'elle avait quitté le service pneumologie pour le service Covid. "Après la matinée, je ne me sentais pas hyper bien. L'après-midi, j'avais 38,5 °C de fièvre. Le médecin m'a arrêtée. A 16 heures, j'étais dans mon lit. Je me suis levée quatre mois plus tard." A son chevet, sa fille de 18 ans l'a aidée. "Je pouvais à peine manger, de la compote ou des trucs très légers."
Je suis montée sur le trottoir la première fois que j'ai repris la voiture.
De nombreuses séquelles apparaissent au fil des mois : de l'urticaire sur tout le corps, des phlébites "au point de ne plus pouvoir fermer ma fenêtre", deux dents arrachées ("Je ne peux pas me brosser les dents longtemps, je suis obligée de m'arrêter et de recommencer."), des problèmes au niveau d'un muscle au bras droit, des douleurs aux épaules, des hernies aux cervicales, des impatiences aux jambes, des problèmes pulmonaires, des maux de tête, des douleurs aux yeux, la perte de concentration ("Je suis montée sur le trottoir la première fois que j'ai repris la voiture."), la perte du goût et de l'odorat. La liste est longue, très longue. Avant mars 2020, Agnès n'avait aucun antécédent médical, hormis des problèmes au dos durant sa jeunesse.
Elle a tenté, en vain, de reprendre le travail
En novembre 2020, elle est même transportée aux urgences. "Je n'arrivais plus à respirer correctement." La fin de l'année 2020 est plus positive : elle a moins de température, récupère mieux, sort de chez elle. "J'allais marcher autour de chez moi, mais j'avais toujours quelqu'un au téléphone par peur de ne plus avoir de souffle et d'être prise au dépourvu."
J'avais besoin psychiquement de reprendre le travail. J'avais besoin d'exister, de prouver que j'en étais capable.
Le mois de mars 2021 sonne comme une renaissance. "J'ai essayé de reprendre le travail." En mi-temps thérapeutique, toujours comme aide-soignante à Dole dans le service pneumologie. Raté. De nouveau arrêtée après un mois. "Je ne tenais pas mes 3 heures et demie par jour. Quand je rentrais chez moi, je me douchais et je ne pouvais plus rien faire", confie celle qui se définit comme une "fonceuse", "une meneuse prête à faire plein de choses". C'est forcément devenu plus difficile.
Les soignants, "toujours compréhensifs", qui l'ont prise en charge ont tenté de trouver un nouveau traitement pour diminuer la douleur car elle avait "mal partout". Elle reprend de nouveau le travail en mai, avant d'être de nouveau arrêtée le 10 juin. Elle n'a pas repris le travail depuis.
"J'avais besoin psychiquement de reprendre le travail. J'avais besoin d'exister, de prouver que j'en étais capable", raconte l'aide-soignante, qui a longtemps eu beaucoup de mal à accepter cette maladie.
Reconnue victime de maladie professionnelle
Agnès assure qu'elle se sent bien moralement, soutenue par sa fille, ses amis, son médecin traitant. Même si la situation peut la rendre nerveuse. "C'est assez angoissant. Les médecins apprennent petit à petit. J'ai l'impression d'être un cobaye, je ne me sens pas complètement délaissée, mais on ne sait pas, il faut que ça avance..."
Elle est toujours épuisée mais moins qu'avant. Arrive à se faire à manger, à faire ses courses, à se balader, à sortir en voiture. Elle enchaîne les rendez-vous médicaux : son médecin traitant, son psy, son kiné... En septembre, elle a été reconnue victime d'une maladie professionnelle.
Au centre de réadaptation, l'espoir
La femme de 47 ans va mieux. Mais elle se pose des questions sur son avenir. Son métier d'aide-soignante la passionne toujours, mais elle craint de ne plus pouvoir l'exercer. "Retravailler à plein temps, c'est juste impossible."
Par le bouche à oreille, elle a appris qu'un protocole Covid long était proposé au centre de réadaptation fonctionnelle de Quingey (Doubs). Quinzième sur liste d'attente, elle sera accueillie le 10 décembre. Avec l'espoir de remonter la pente. Depuis mars 2020, elle voit déjà la vie différemment.
Pour une meilleure prise en charge du Covid long
En février 2021, le ministre de la Santé, Olivier Véran, estimait que "plus de 500 000 cas potentiels" pourraient être concernés par un "Covid long" en France.
Michel Zumkeller député UDI du Territoire de Belfort va défendre le 26 novembre à l'Assemblée nationale son projet de loi qui vise à mieux prendre en charge ces patients atteints du Covid long.
Ce projet de loi vise à mettre en place une plateforme de suivi pour les personnes touchées. Elle vise également, après analyse avec l'Assurance maladie, à mieux prendre en charge ces patients "soit par leur médecin traitant dans le cadre d’un protocole déterminé, soit dans une unité de soins post Covid".
Le député a lancé pour lancé la plateforme, loicovidlong.fr. Au 9 novembre, plus de 1.000 témoignages avaient déjà été saisis, selon lui.