Témoignage. Soignants suspendus non vaccinés contre le Covid : "c'est assassin ce qu'on nous a fait"

Publié le Mis à jour le Écrit par François Latour
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Depuis le 5 août 2021, près de 15 000 agents hospitaliers auraient été suspendus de leurs fonctions, car non vaccinés contre le Covid-19. Un collectif associatif de Saône-et-Loire a rédigé un livre-témoignage sur le sujet. Certains ont quitté la profession de soignants et continuent d'assumer leur décision, malgré les difficultés.

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L'association de soignants non-vaccinés CRIS 71 (Collectif Rébellion Interprofession de Santé) de Saône-et-Loire a publié un livre intitulé "Toujours debout !" qui est un recueil de témoignages de soignants et de leurs proches, suspendus pour ne pas avoir accepté d'être vaccinés contre le Covid-19.

La Loi du 5 août 2021

La loi N°2021-1040 relative à la gestion de la crise sanitaire rend la vaccination obligatoire et peut par décret suspendre le personnel médical : "Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, peut, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie des catégories de personnes mentionnées au I, l'obligation prévue au même I."

Ce décret est entré en vigueur au 15 septembre 2021. Au total, d'après le ministère de la Santé, près de 15 000 personnels de santé privée et publique ne présentant pas le schéma vaccinal ont alors été suspendus de leurs fonctions.

C'est le cas pour la Saône-et-Loirienne Fabienne Bertrand, infirmière en soins généraux et spécialisés, qui s'est retrouvée suspendue, ainsi que son compagnon Cédric, lui aussi infirmier. Cela fait précisément 14 mois qu'ils n'exercent plus leur activité de personnel de santé. 



Un choix aux conséquences difficiles

Si Fabienne et Cédric ont fait ce choix, ils affrontent maintenant les conséquences difficiles de cette suspension.

Pour Cédric, c'est la rapidité de la mise sur le marché du vaccin qui l'a stoppé :  "il n'y avait pas assez de recul. Un traitement qui s'est mis en place en très peu de temps, en à peine 6 mois, j'avais beaucoup d'appréhension."

"Permettez-nous juste de douter"

Fabienne Bertrand

Fabienne se défend également : "on n'est pas non plus anti-vax. On m'a dit aussi ouais pour l'hépatite, tu n'as rien dit, tu l'as bien fait. J'essaie juste de dire qu'il y avait plus de recul. Il y avait 10 ans de recul, c'était étudié depuis 20 ans. Mais là, ça arrive comme ça, permettez-nous juste de douter."

En leur qualité de personnel soignant, Fabienne et Cédric ont eu droit à leur lot de remarques : "Des personnes que j'ai pu croiser m'ont dit : tu devrais montrer l'exemple en tant qu'infirmier, en tant que soignant. Moi, je mettais en avant ce principe de précaution" dit Cédric.

Fabienne confirme qu'elle a "énormément souffert au boulot. On m'a dit : tu es tarée, tu te poses trop de questions."


La suspension

Le 14 septembre 2021 au soir, Cédric disait à sa DRH qu'il n'avait pas de schéma vaccinal à lui présenter, "c'était trop tôt". Il a été suspendu consécutivement à cet entretien. 

Quant à Fabienne, elle s'est présentée le 15 au matin sur son lieu de travail, une collègue lui trouve "une petite mine" : "c'est mon dernier jour de travail", lui répond Fabienne. Sa collègue s'étonne alors : "Oh ne me dis pas que tu ne l'as pas fait ! T'aurais dû le faire, tu ne vas plus avoir de vie sociale !"

Cédric explique : "il se passe plein de choses dans l'esprit, perdre son emploi, ne plus pouvoir travailler, exercer, être interdit. C'est un choix que j'assume encore à l'heure actuelle, mais c'est difficile. Ce n'est pas un positionnement facile à tenir."

Fabienne dit n'avoir rien à se reprocher professionnellement, c'est la brutalité de la décision qui l'affecte : "Ce qui est extrêmement douloureux, c'est de n'avoir rien fait 'de mal'. Moi j'ai fait mon travail jusqu'au dernier jour, je n'ai jamais fait de faute professionnelle. Je n'ai jamais eu de signalement quelconque, j'ai eu des super-bonnes notations, je pense que je gérais plutôt bien mon travail, et là, sans rien faire, on vous fiche dehors, on vous jette. Je trouve que c'est assassin ce qu'on nous a fait."

Se reconstruire, pour envisager la suite

Après plus d'un an sans aucun salaire, ces soignants viennent de publier un livre sur leur calvaire, intitulé "Toujours debout !" (du nom de l'association pour défendre leur cause). C'est un livre-témoignage, regroupant des témoignages de soignants suspendus et de leurs proches. Le produit de la vente de l'ouvrage alimentera la cagnotte de solidarité du Collectif de Saône-et-Loire, CRIS 71.

Depuis la réintégration en Suisse et en Italie des soignants non-vaccinés, Fabienne et Cédric espèrent voir lever l'interdiction d'exercer leur profession. D'autant plus qu'ils ont toujours des doutes sur l'efficacité de la vaccination  : "Je ne comprends pas pourquoi la France est à la traîne comme ça. Parce qu'en plus, comme il serait avéré que ça n'empêche pas les contaminations, je ne vois pas le but de 'la manœuvre'. On ne mettrait pas en danger la vie des patients. Je ne vois pas pourquoi les soignants sont toujours suspendus," regrette Fabienne.

Pour Cédric "il y a une amertume, mais j'ai hâte de reprendre mon travail. Pour se sentir vivant, en même temps, pas être exclu. J'ai les compétences, et je n'ai pas envie de me réorienter. Si toutes ces mesures venaient à être levées, moi je reprendrai de bon cœur."

À LIRE AUSSI : Vrai ou fake : quel est réellement le nombre de soignants suspendus ?

Pour sortir de cette situation inextricable, Fabienne a pris sa retraite en mars dernier. Cédric a pu retravailler quelques mois, depuis qu'il a contracté la Covid. Il espère toujours retrouver son travail, même si la réintégration des soignants en France semble toujours incertaine.

Est-ce que la réintégration des soignants suspendus changerait la donne à l'hôpital ? A priori, pas forcément selon la Fédération Hospitalière de France qui avance le nombre de 4000 soignants, sur une population totale de 1,2 millions de soignants sur le territoire, soit 0,3%.

Ce vendredi 25 novembre, après des échanges houleux à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron a estimé lors de son déplacement à Dijon que le retour à l'hôpital du personnel de santé non vacciné devait être une "décision scientifiquement établie, pas un choix politique".

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