Témoignage. "Je ne me sens pas protégée" confie une femme victime de violences conjugales

Publié le Écrit par Lisa Back

Marie vit dans la peur. Cette habitante de l'Yonne a subi pendant dix ans des violences physiques et psychologiques. À quelques jours de la sortie de prison de son ex-conjoint, elle espère obtenir la mise en place d'un bracelet anti-rapprochement. 

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À seulement 30 ans, elle raconte l’enfer qu’elle a vécu pendant dix ans à cause de son ex-compagnon. Alors qu'il purge actuellement une peine de prison, Marie (son prénom a été modifié) apprend que son ex-conjoint sera libéré cet été. Elle espère que des mesures seront prises par la justice pour la protéger, elle et ses enfants. 

Sous l'emprise de son conjoint depuis ses 15 ans

La jeune femme rencontre cet homme au cœur de l’adolescence, alors qu’elle n’a que 15 ans. « C’était en 2005-2006 a peu près. Au début, c’était tout beau tout rose comme tous les couples et ça a vite dégénéré. Je me suis vite rendue compte que j’étais tombée dans un piège » raconte la jeune femme. Les premiers coups surviennent après la naissance du premier enfant du couple. Marie a alors 17 ans. « Ça a commencé par de la violence verbale. La violence physique a été crescendo » se souvient-elle.

Il faisait en sorte que je sois, comme il disait, "à lui". En fait, je lui appartenais.

Marie, victime de violences conjugales

Mais en plus de ces violences physiques et verbales, l’homme cherche à garantir une emprise sur sa compagne. Il la coupe du monde pour mieux la manipuler. Avec le recul, elle réalise à quel point la situation était grave : « c’était un manipulateur donc il faisait en sorte que je sois, comme il disait, "à lui". En fait, je lui appartenais. C’était comme un tyran et je pèse mes mots. Je devais faire comme il voulait, lui. »

La jeune femme, n’ayant pas de famille pour l’aider, tente alors à l’époque de contacter celle de son conjoint, pour les alerter sur sa situation. Elle se retrouve confrontée à des personnes indifférentes à son sort : « il n’y avait pas de retour, ils trouvaient ça normal presque. Ils le défendaient. » Face à ce rejet de sa belle-famille, Marie, se sentant incomprise, se mure dans le silence. « On pense qu’un jour ça va s’arrêter, on a de l’espoir. On se dit peut être qu’avec les enfants, un jour il va comprendre » se souvient-elle.

Mais les choses ne vont pas s’arranger pour la mère de famille. Alors que son conjoint accumule les séjours en prison, sa violence s’accroît lors de ses sorties. C’est à la suite d’une condamnation de cinq ans que les choses s’enveniment particulièrement. « Moi, pendant ces 5 ans là, je pensais qu’il avait changé, qu’il avait compris, que la prison ça l’avait fait mûrir. Mais c’est ce qu’il me racontait. C’était encore une fois une manipulation de sa part pour que je continue à rester avec lui », évoque douloureusement la jeune maman. Les dernières violences remontent à 2016.  « C’était devant mes enfants et avec mon petit dernier dans les bras qui avait 1 mois. Là, j’ai décidé de partir » raconte Marie qui a vécu cet événement comme un électrochoc.  

Une plainte déposée contre son ex-compagnon

La maman de quatre enfants est alors bien décidée à bannir cet homme de sa vie. Alors que son ex-conjoint est à nouveau incarcéré, Marie porte plainte. « J’avais peur du jour de sa sortie. C’est un cercle vicieux. Il sort, il recommence à chaque fois » soupire-t-elle. Mais à la suite de son dépôt de plainte, la jeune femme reste sans nouvelles de la gendarmerie : « j’appelais sans arrêt pour savoir où en était ma plainte et je n’avais pas de nouvelles. On me disait qu’il fallait attendre. »

Elle adresse alors trois lettres au procureur de la République afin d’en savoir plus sur sa situation. Elle reçoit systématiquement la même réponse : « il faut attendre ». Quelques temps plus tard, l'Icaunaise obtient une information qui va briser ses espoirs : « au bout de deux ans, on m’annoncé que ma plainte avait été classée sans suite. Donc là, c’est la chute aux enfers » confesse Marie.

On a l’impression de passer pour une menteuse, de s’être battue pour rien.

Marie, victime de violences conjugales.

Pour la maman de quatre jeunes enfants, c’est un coup dur. Elle espérait que la justice la mette elle et sa famille en sécurité. Elle évoque la difficulté et l’énergie dépensée dans ces procédures, qui finalement n’auront pas abouti : « on ressent une injustice totale. On a l’impression de passer pour une menteuse, de s’être battue pour rien. Parce qu’il y a beaucoup de démarches, il y a de l’attente. On fait une expertise psychologique, donc à chaque fois on doit raconter notre histoire et les souvenirs remontent… »

Son ex-conjoint libéré cet été 

D'ores-et-déjà déçue de la justice, Marie a la surprise d’apprendre par le biais d'une association que son ex-compagnon sera libéré cet été. « Je ne suis pas mise au courant quand il sort en permission. Un jour, il est venu un matin à 7 heures, devant chez moi. J’étais devant ma fenêtre de cuisine parce que j’y suis tout le temps. Donc je me suis barricadée, j’ai fermé les volets, j’ai monté mes enfants à l’étage, j’ai tout de suite appelé la police. Mais on ne peut pas vivre comme ça, ce n’est pas une vie » tonne Marie, choquée que son ex-conjoint puisse venir jusqu’à chez elle malgré les faits.

J’essaie de me reconstruire, mais à côté de ça je ne me sens pas protégée.

Marie, victime de violences conjugales

Aujourd’hui, Marie vit dans la peur. « J’essaie de me reconstruire, mais à côté de ça je ne me sens pas protégée. Donc on a l’impression d’avancer et de reculer sans arrêt. Je fais des cauchemars toutes les nuits depuis cinq ans. J’ai un eczéma sur la peau, qui prouve bien que c’est le stress en fin de compte. […] Je n’ai pas l’impression d’avoir une vie normale » confie-t-elle, épuisée de vivre de ne pas pouvoir vivre sereinement.  

Téléphone Grave Danger

À l’approche de la libération de son ex-compagnon, elle espère pouvoir bénéficier d’un « téléphone Grave Danger ». Ce dispositif permet à la simple pression d’un bouton, d’alerter les forces de l’ordre qui savent de cette manière directement la localisation et l’identité de la personne en possession de cet appareil.

La jeune maman espère aussi la mise en place d’un bracelet anti-rapprochement au poignet de son ex-compagnon. « Il y aurait un périmètre défini par la juge, qu’il ne devrait pas dépasser. Donc s’il approche, on est averti. Ça serait quand même mieux » explique Marie.

Le bracelet anti-rapprochement expérimenté dans l'Yonne

La mardi 22 juin, le tribunal judiciaire d'Auxerre présentait l'arrivée de trois bracelets anti-rapprochement sur le département. Ce dispositif est constitué de deux boîtiers géolocalisés : un pour l'auteur, et un pour la victime.

La distance à respecter par le mis en cause est déterminée par l'ordonnance ou le jugement qui a imposé le bracelet. Cette distance peut ainsi être d'au moins un kilomètre autour de la victime, au maximum jusqu'à dix kilomètres. Si l'auteur des violences se trouve dans la zone dite de "pré-alerte", il recevra un message ou un appel pour le lui indiquer. Si toutefois le mis en cause entre dans la zone d'alerte, une intervention des forces de l'ordre sera déclenchée pour en priorité protéger la victime, puis interpeller l'auteur.

« Chaque tribunal s'est vu doté de trois bracelets anti-rapprochement. Ce qui est intéressant, c'est que lorsque l'on pose un bracelet anti-rapprochement, immédiatement ensuite il y a l'arrivée d'un nouveau bracelet anti-rapprochement pour que l'on reste toujours à trois » explique Mathilde Kara-Mitcho, substitut du procureur d'Auxerre. Ce dispositif peut-être mis en place sur une période allant de six mois, à deux an, en fonction de la situation. 

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