Pont sur l'Yonne trop bas : un millier d'emplois menacés selon la CCI

Suite aux travaux, la nouvelle hauteur du nouveau pont de Pont-sur-Yonne (Yonne) continue de faire polémique. A l'avenir, il pourrait freiner l'activité économique des entreprises du secteur qui font transiter leur marchandises via la voie fluviale, voir les pousser à s'implanter ailleurs. 

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Depuis plusieurs semaines, les travaux réalisés sur le pont de Pont-sur-Yonne suscitent la colère des bateliers. Ils viennent de déposer un nouveau référé devant le tribunal administratif de Dijon pour obtenir la suspension des travaux. Ce jeudi 29 mai, alors que les travaux se poursuivent, c'est la Chambre de Commerce et d'Industrie qui monte désormais au créneau. La polémique pourrait mettre en péril plusieurs centaines d'emplois.

Le nouvel ouvrage a un immense défaut selon eux. Il est plus bas que le précédent de 38 centimètres. La différence peut sembler minime, mais à cet endroit où la navigation est jugée complexe, elle est capitale. Elle pourrait surtout empêcher le passage des plus gros bateaux. Un vrai handicap pour certaines entreprises du secteur qui dépendent du transport fluvial, notamment du port de Gron, près de Sens. Ce port dont l'unique accès passe par Pont-sur-Yonne.

Près de 1200 emplois menacés

Avant la crise sanitaire, le trafic sur l'Yonne représentait 1 700 voyages de bateaux chargés pour 1 million de tonnes de marchandise transportée en 2019. 

"Les entreprises ont vu dans l’émergence du transport fluvial et dans l’implantation du port de Gron une vraie chance de développement," souligne Alain Pérez, le président de la chambre de commerce et d'industrie de l'Yonne."Si cet accès est rendu difficile parce que le pont est trop bas, que les grosses péniches ne peuvent plus passer, que la hauteur des colis lourds transportés ne passe plus sous le pont, [les entreprises] iront s'implanter ailleurs." 

Alain Pérez cite l'exemple de l'entreprise Prysmian, spécialisée dans l’industrie des câbles et des systèmes pour l’énergie et les télécommunication. C’est l’un des plus gros employeur icaunais avec près de 700 personnes réparties sur ses deux usines situées à Gron et à Paron. Elle produit des bobines de câbles qui peuvent peser jusqu'à 100 tonnes l'unité. "Ces bobines ne peuvent partir que par le fleuve."

Selon lui, cette décision d'abaisser la hauteur du pont pourrait avoir des conséquences gravissimes dans les années qui viennent sur le plan de l'emploi. Près de 1200 salariés pourraient être menacés à terme sur le territoire. "C'est évident. Je ne veux pas faire de chantage. Je ne dis pas que ces trois entreprises vont partir demain mais on sait comment cela se passe. Elles sont confrontées à la concurrence internationale même à l’intérieur de leur propre groupe" explique Alain Pérez. "Demain, si tel groupe a à faire un choix entre une usine qui répond à tous les critères et une usine qui est obligée de prendre la route pour transporter ses gros colis, le choix va être vite fait. C’est du bon sens de dire cela."

Un impact sur les coûts de transport

LogiYonne, la société gestionnaire du port de Gron, craint qu'à terme, qu'avec l'abaissement du pont, cela se répercute sur les tarifs des mariniers. "Il y a des mariniers qui commencent à nous dire qu’ils ne vont pas vouloir venir pour des soucis de sécurité," explique David Buquet, directeur général de LogiYonne. "Si les mariniers ne veulent plus venir, par contrainte et par sécurité, ils vont augmenter les coûts de transports. Et on met une entrave au développement du secteur."

Si le pont n'est pas réhaussé, cela pourrait selon lui limiter les accès à des marchés internationaux. "Le risque, en terme de transport, ce sera d'avoir de plus en plus de contraintes techniques, tarifaires et financières qui font que nos clients seront moins compétitifs qu'aujourd'hui."

VNF a la solution 

Claude Vaucouloux, directeur général du Medef dans l'Yonne, se veut lui plus prudent, même s'il reconnaît que dans l'absolu, le risque existe. "Ce serait dommage de courir ce risque alors que l’on a l’amorce d'une solution pour remédier à ce problème et d’écarter ce risque." 

Car il est toujours possible de rehausser le pont de 50 cm a indiqué Voies Navigables de France au début du mois d'avril. VNF a proposé de subventionner l'opération à hauteur d'un million d'euros. Mais le conseil départemental, en charge des travaux, n'a pas pour le moment pas souhaité donner suite à cette proposition. Selon lui, le nouveau pont respecte parfaitement les normes en vigueur.

Alors que VNF n'intervenait pas financièrement jusqu'ici dans le chantier du pont, l'établissement public est donc disposé à mettre la main à la poche. Il faut dire qu'il a investi avec plusieurs partenaires 11 millions d'euros depuis 2010 dans le port de Gron. "On a investi et on a aussi aidé au développement du port de Gron et aujourd'hui, ce nouveau pont, c'est un caillou dans la chaussure" souligne Virginie Pucelle, directrice adjointe chez VNF Centre Bourgogne. "L’intérêt du fluvial tout le monde le reconnait. On croit en ce mode de transport."

Le transport fluvial, un atout économique et écologique dans l'Yonne

Pour beaucoup d'entreprises du secteur et acteurs du monde économique local, c'est un atout pour le département que ce soit en terme de développement économique mais également sur un plan écologique. Le transport par voie fluviale est le mode le plus silencieux et un des moins polluants selon VNF.

"Tout ce qui est transporté par voie fluviale, c’est autant de camions en moins sur la route" souligne Claude Vaucouloux, directeur général du Medef dans l'Yonne. "La voie fluviale et le port de Gron sont essentiels et stratégiques. Ce qui est stratégique doit l’emporter sur d’autres considérations."

C'est dans cette optique le port de Gron a été créé en 2010 sous l’impulsion de la CCI de l’Yonne. Avec sa plateforme de 12 000 m2, il facilite les imports et exports de marchandises des entreprises situées dans le département vers le port du Havre.

Le développement des modes de transport de marchandises, alternatifs et complémentaires à la route et permettant de contribuer activement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, constitue aujourd'hui une priorité de la politique nationale des transports de marchandises comme le rappelle David Buquet. "On s’inscrit dans la région dans un schéma dynamique sur ces modes de transport alternatif. Pourquoi le département ne suit pas les directives gouvernementales de ce qu’on appelle le report modal ?"

Une rencontre entre le conseil départemental et les bateliers

Sollicité, le président du conseil départemental, Patrick Gendraud, n'a pour le moment pas pu se rendre disponible pour répondre à une demande d'interview sur ce dossier et la suite du chantier. 

Alors que ce jeudi 29 avril était réalisé le déhissage du deuxième tablier du pont, c'est à dire l'abaissement de sa charpente, une réunion est prévue le 3 mai prochain entre les bateliers et Patrick Gendraud, le président du conseil départemental. VNF n'y a pas été conviée. 

Selon le calendrier initial, ce nouveau pont doit normalement être livré à la fin du mois de juin.

 

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