Ce lundi 11 mars 2024, la cérémonie d'hommage aux victimes du terrorisme se tient à Arras (Pas-de-Calais). Dans le même temps, le procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg continue à Paris avec, hasard du calendrier, la suite des témoignages des parties civiles.
Au huitième jour du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, victimes directes et indirectes et témoins continuent de témoigner devant la cour d'assises spéciale pour raconter ce qu'ils ont vécu le 11 décembre 2018, mais aussi et surtout, les jours, semaines et mois qui ont suivi.
D'abord les frères et le neveu de Kamal Naghchband, tué rue des Grandes Arcades par Chérif Chekatt. Puis la femme et les enfants de Pascal Verdenne, qui a connu le même sort à quelques mètres de là. Tous se remémorent ce soir de décembre, où ils ont appris à distance la mort de leur père, de leur ex-mari, de leur frère.
L'occasion également de rendre à nouveau hommage à ces personnes, tuées comme trois autres dans le centre-ville de Strasbourg par le terroriste Chérif Chekatt, qui en blessera onze autres physiquement. "Mais à Strasbourg, il y a des milliers de victimes", tient à rappeler Moktar Naghchband, frère de Kamal, en référence à toutes les personnes encore traumatisées par l'attaque.
La cérémonie nationale délocalisée à Arras
Depuis 2019, chaque 11 décembre, une cérémonie est organisée à Strasbourg en hommage aux victimes, tout comme un concert, sous l'égide de Moktar Naghchband. Puis ce lundi 11 mars 2024, pendant le procès de l'attentat du marché de Noël, un hommage national est rendu à Arras (Pas-de-Calais), là où l'enseignant Dominique Bernard avait été tué par un ancien élève radicalisé en octobre 2023.
Depuis 2020, un hommage national est rendu aux victimes du terrorisme. Mostafa Salhane, le chauffeur de taxi qui a été pris en otage par Chérif Chekatt, y a toujours assisté. Mais le procès a lieu en même temps que la cérémonie à Arras et il doit témoigner ce jour. "C'est une frustration. Notre souhait, c'était de toujours y assister. Mais malheureusement, ce n'est pas possible d'y assister. J'aurais aimé être auprès des victimes et auprès des proches de Dominique Bernard."
Ça fait partie de nous désormais, on doit faire avec
Mostafa SalhaneChauffeur de taxi pris en otage par Chérif Chekatt
"J'ai toujours fait en sorte d'être présent pour continuer à commémorer ces victimes du terrorisme. C'est un devoir de mémoire qui est essentiel pour les victimes, pour nous. Ça fait partie de nous désormais, on doit faire avec. Et on doit continuer à penser aux victimes qui ont été touchées par le terrorisme", continue-t-il avant de témoigner à la barre.
Devant la cour justement, Mostafa Salhane portera un bleuet de France sur sa veste. "C'est pour signifier que pendant mon témoignage, je ne veux pas oublier les autres victimes. Je pense que les magistrats qui seront là comprendront pourquoi je porte cet insigne à leur mémoire."
À près de 500 kilomètres de la cour d'appel de Paris, une cérémonie similaire à celle d'Arras se tient à Strasbourg. Ichrak Marzouq, qui avait témoigné au procès trois jours plus tôt, est présente. "J'étais très mal et je le suis encore depuis mon témoignage. Tout ce week-end, j'étais alitée. Et jusqu'à ce matin, je me suis demandé si j'irai. Et je me suis dit 'il faut y aller, il faut y aller pour ceux qui ne sont pas là, ceux qui sont partis, ceux qui sont à Paris' et j'ai fait l'effort d'y assister."
Jean-Yves Bruckmann témoignera ce 12 mars à Paris. Cet ancien pompier a été un des premiers à intervenir rue des Orfèvres le 11 décembre 2018, là où deux personnes ont été tuées. Il a secouru l'une d'elle. "Cette intervention m'a beaucoup touché. Cette victime vit en moi. Ça fait cinq ans que je n'arrive pas à l'oublier. On est intervenu alors qu'on n'avait toujours pas arrêté le terroriste. Mais on n'a pas cherché à comprendre. On a fait notre devoir."
Il devait témoigner ce 11 mars au procès mais a demandé à son avocat de décaler sa venue à Paris d'un jour pour assister à la cérémonie strasbourgeoise. "Ça me paraît important. Parce que je me demande si je peux guérir. Je pense quand même beaucoup à cette victime et aux autres. Mais j'aimerais comprendre comment on peut en arriver là."
Les témoignages des parties civiles doivent se poursuivre jusqu'au mercredi 13. Blessées physiquement, témoins directs ou proches des victimes, des dizaines de personnes se seront succédé à la barre.