Incendie de l’usine Lubrizol à Rouen : ce qui a changé depuis 2019

Le 26 septembre 2019, la ville de Rouen est plongée dans un monde apocalyptique. Les habitants de Rouen et sa métropole sont réveillés par un énorme panache de fumée malodorant. Une partie de l’usine Lubrizol située rive gauche est en feu. Trois ans après, retour sur ce dramatique accident industriel.

Chaque Rouennais se souvient de ce qu’il faisait le jeudi 26 septembre 2019. Pour les habitants de la rive gauche c’est au milieu de la nuit, vers 3h00 du matin, qu’ils sont réveillés par d’intenses détonations puis par l'arrivée des pompiers de Seine-Maritime.

A 7h45, les sirènes retentissent (enfin) pour inciter les citoyens à se tenir informés au fil de la journée. Toutes les écoles, primaires, collèges, lycées, universités et crèches sont fermées et les sites sensibles type Ehpad confinés. Le pont Flaubert, les rues et routes dans ce périmètre sont interdites à toute circulation.
 
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner arrive à Rouen dans la matinée pour s’entretenir avec les pompiers et le Préfet de région qui anime régulièrement des points presse pour tenir informés les médias et la population. Sur les chaines d’informations nationales, les images tournent en continu jusqu’à ce que l’annonce de la mort de l’ancien président de la République Jacques Chirac vienne balayer cette tragique actualité. Les médias régionaux continuent eux d’informer la population sur les risques, les mesures de sécurité mais aussi les fake news.

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Résumé de l'intervention des pompiers et policiers sur l'incendie de Lubrizol le 26 septembre 2019. Rappel par la préfecture de Seine-Maritime des conseils de sécurité. ©France 3 Normandie

Trois ans après, quelles leçons avons-nous tiré de l’incendie de Lubrizol ?

  • Un nouveau dispositif d’alerte plus moderne

En juin 2022, un nouveau système plus réactif et moderne que les sirènes est mis en place : FR-Alert qui répond à la fois à une directive européenne de 2018 et aux promesses faites par le gouvernement après l'incendie de Lubrizol. Avec ce système, l'usager reçoit à la fois une sonnerie tout à fait inhabituelle et un message expliquant la nature de l'évènement et la conduite à tenir. 

  • Un suivi des cancers pédiatriques

En février dernier, l'association des sinistrés de Lubrizol prélevait des cheveux d'une centaine d'enfants de Buchy et Rouen (Seine-Maritime). Un laboratoire indépendant les a analysés pour détecter d'éventuels produits cancérigènes. Deux produits ont retenu leur attention. Les données récoltées pourront former une base de comparaison pour l'avenir. "On a dans un premier temps détecté du phosphate et aussi quelque chose d'atypique : l'atrazine. C'est quelque chose qui ne devrait plus être dans notre quotidien et pourtant, 9 enfants sur 100 sont contaminés", nous indique Simon de Carvalho, président de l'association des sinistrés de Lubrizol. 

D'autres analyses vont compléter l'amorce de cette base de données sur la pollution, notamment des retombées de suie issues de l'incendie Lubrizol.

9.500 tonnes de produits ont brûlé le 26 septembre 2019. La contamination ne peut pas être limitée à du phosphate et de l'atrazine.

  •  Gestion de la prévention des risques industriels

Pour rappel, la catastrophe de Lubrizol est l’une des plus importantes en France depuis l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001. Si l’accident de Lubrizol n’a pas fait de mort, il a traumatisé les habitants de Rouen et sa région.

Observé à la loupe par la justice, les riverains et les médias, Lubrizol montre logiquement sa volonté d'être dorénavant à la pointe de la sécurité. L’usine est finalement restée dans la Métropole normande en se recentrant sur sa partie production (et en réduisant sa partie stockage). Dans ce secteur de l'usine, Lubrizol y appliquerait les normes américaines, recommandées par son assureur, un système anti-incendie plus poussé que celui prévu par la législation française.

Un an après la catastrophe, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, et Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, en déplacement à Rouen, ont annoncé "mieux prévenir les risques d’incendie, améliorer l’alerte des populations en cas d’accident et garantir la transparence du contrôle des sites industriels".

Ainsi, les prescriptions applicables en matière de stockage de matière dangereuse ont été "drastiquement" augmentées depuis l’incendie de l’usine Lubizol. De même, pour limiter tout risque de propagation d’incendie entre des sites voisins par effet domino, les inspections des sites classés dans un rayon de 100m des zones SEVESO seront dorénavant systématiques.

Plus encore, des exercices réguliers seront menés sur les sites SEVESO. Ceux-ci permettront notamment de tester les moyens d’extinction présents sur les sites : ils auront lieu de manière obligatoire "tous les ans" dans les sites SEVESO seuil haut – qui présentent le plus de risques pour l’environnement et les humains -, et seront "renforcés" dans les sites seuil bas. Toujours dans le principe de la "plus parfaite transparence", si un accident venait à se reproduire, la liste des produits stockés et de leur quantité devra immédiatement être mise à disposition du public par les industriels du site concerné, et de façon à être compréhensible pour tous. 

La création d’un Bureau d’Enquête Accident dédié au risque industriel a été décidée.

Cette structure spécialisée, indépendante, réunira des experts en charge de mener des enquêtes techniques dans le cadre d’accident grave, mais aussi "d’incident significatif ayant montré une défaillance dans le système".

  • Une procédure judiciaire toujours en cours

La procédure d’instruction est toujours en cours. 4500 plaignants individuels et plus de 600 parties civiles constituées (source judiciaire) pour une instruction menée par trois magistrats du pôle santé publique du tribunal de Paris. La question aujourd'hui est de savoir d'où est parti l'incendie et quelle en est la cause. Les experts de l'Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), un service spécifique de la gendarmerie nationale étaient chargés d'enquêter sur la zone de départ de l'incendie et d'en déterminer les causes. 

Un rapport a été remis aux juges en charge de l'instruction en décembre 2021. Deux hypothèses sont privilégiées pour les causes de l'incendie : "La première est liée à un lampadaire qui aurait pu être défectueux. La deuxième est liée à un choc entre un chariot élévateur et un contenant de produits inflammables. Cependant d'autres hypothèses, écartées à ce jour, méritent à nos yeux des investigations complémentaires notamment la présence de produits incompatibles. Il s'avère que les gendarmes n'ont pas eu accès à la liste définitive des produits stockés dans la zone définie comme étant celle de départ du feu." détaille Gérald Le Corre de l'Union départementale CGT 76

La procédure risque de durer de nombreuses années. Rappelons qu'il a fallu 18 ans pour obtenir une condamnation définitive dans la catastrophe d'AZF. Parallèlement, des associations veulent faire reconnaître la responsabilité de l'État et de ses services, dans une partie de la catastrophe. Un combat qu'elles mèneront cette fois ci auprès du tribunal administratif.

 

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