Après dix jours d'audience, les jurés de la cour d'assises de Haute-Garonne, qui juge Laurent Dejean pour le meurtre de la joggeuse de Bouloc, ont entendu les plaidoiries des avocats des parties civiles, la famille de Patricia Bouchon, pour laquelle le doute n'est plus permis.
"Patricia Bouchon aurait eu 58 ans, le 17 mars dernier, pendant cette audience", commence maître Léna Baro, avocate de Carlyne Bouchon, la fille de la victime. "Elle aurait quelques cheveux blancs, quelques rides. Mais elle n'aurait pas perdu son sourire, sa beauté. Elle aurait continué sa vie, près de ses proches. Elle n'avait pas besoin de plus pour être heureuse".
Mais elle n'a pas eu 58 ans, poursuit-elle, car elle a été tuée sur un chemin de terre, le 14 février 2011. Assassinée. Massacrée.
Elle insiste : la famille de Patricia Bouchon, anéantie mais restée digne, n'a jamais été dans la recherche d'un coupable à tout prix. "Mais petit à petit, ils se sont convaincus que Laurent Dejean est le meurtrier". Car les charges sont "importantes et lourdes".
La Clio, pour commencer, "le personnage central de ce dossier". Le témoin-clé, Nicolas Gelis, qui croise cette voiture la matin du 14 février 2011, peu après avoir vu une joggeuse, donne des éléments déterminants, estime maître Baro, "même s'il s'est trompé sur de petits détails". Or, 31 témoins attestent que Laurent Dejean possédait un Clio blanche, présentant les mêmes caractéristiques.
Pendant toute l'instruction, l'accusé niera avoir eu cette voiture. Avant de le reconnaître à l'audience.
L'avocate de Carlyne Bouchon continue d'égrener les éléments concordants : outre la Clio, il y a le portrait-robot, la façon de conduire de Laurent Dejean, les traces de pneus, le galet de Garonne manquant, la buse dans laquelle on retrouve le corps de la victime.
"Dans ce dossier, des doutes, il y en a peu. Tous les faits convergent vers Laurent Dejean. La personnalité du tueur est compatible avec la sienne".
Maître Stéphane Juillard, avocat de Christian Bouchon, prend le relais de sa consoeur à la barre. Il est ému. Cette affaire l'a profondément marqué, avoue-t-il. "Patricia, c'est une femme qui est décédée dans des conditions atroces. Dans cette procédure, il a fallu accompagner la famille Bouchon. Cette procédure l'a rongée".
Maître Juillard a une "théorie". Pour lui, Laurent Dejean est "un bon garçon", celui que ses amis décrivent. Gentil, serviable... "Tout ça émaillé de quelques moments d'impulsivité, de colère, sur du matériel". Mais voilà, il y a la toxicomanie, "cet accélérateur". "Et ça, c'est l'histoire de Laurent Dejean. Cette toxicomanie qui détruit le cerveau et est le terreau de sa maladie. On sombre petit à petit, c'est indicible".
Stéphane Juillard en est convaincu : sans le cannabis, l'accusé n'aurait pas déclenché cette schizophrénie dont il souffre et ne serait pas là aujourd'hui. Mais cette addiction, ajoutée aux échecs, amoureux notamment, font de Laurent Dejean cette "cocotte-minute", cette "bombe à retardement" décrites par certains de ses proches.
Le basculement, dès lors, est compréhensible, poursuit le conseil du mari de Patricia Bouchon. "On arrive à ce phénomène terrible, la décompensation. L'histoire de Laurent Dejean, c'est celle-là, j'en suis convaincu".
Le doute n'est pas sincère, il est créé de toutes pièces, dit-il encore. "Le déni, dont il ne sortira jamais, protège Laurent Dejean d'une réalité destructrice qu'il n'est pas en capacité de supporter. Le mensonge le protège".