"Il y a un regain assez important de la violence" : pourquoi les fusillades se multiplient ces dernières semaines à Marseille

Les homicides et tentatives d'homicides liés aux trafics de drogue se sont multipliés en ce début d'été à Marseille, après une accalmie au cours des six premiers mois de l'année.

L'été n'évoque pas l'insouciance des vacances dans tous les quartiers de Marseille. Après une accalmie de quelques mois, les rafales d'armes automatiques ont fait couler le sang dans la deuxième ville de France en ce mois de juillet. Des homicides et des tentatives d'homicides en lien avec le trafic de drogue et la guerre pour les points stupéfiants. Au cours du week-end du 14 juillet, trois hommes ont été blessés par balles, l'un a été pris en charge par les secours, entre la vie et la mort.

"Il y a un regain assez important de la violence, surtout depuis quelques jours", confirme Rudy Manna, porte-parole du syndicat Alliance Police. Trois morts en huit jours, et tout le week-end, on a eu des coups de feu à plusieurs endroits, à La Cayolle et au Canet, c’est dû à quoi ? On n’a pas encore la réponse !"

Des réseaux fragilisés et désorganisés

Pour les syndicats de policiers, l'explication est plus structurelle que conjoncturelle. Rien ne permet de lier ce regain de violence à la saison, même s'il est vrai que l'été 2023 a été tout particulièrement meurtrier à Marseille. Quatorze morts en juillet et août l'an dernier. Ce sont "les deux mois où il y a eu le plus de règlements de compte, souligne Rudy Manna.

Est-ce que c'est dû à la période ou parce qu'il y a des places à prendre ? Ce sont les enquêtes qui le détermineront... si on arrive à le déterminer.

Rudy Manna

à France 3 Provence-Alpes

Tous s'accordent à reconnaître que Marseille a bénéficié d'un certain apaisement au premier semestre 2024. "Il y a eu un moment d’accalmie parce que les réseaux ont été fragilisés par une forte présence policière dans les quartiers nord, analyse Bruno Bartocetti, représentant du syndicat Unité SGP Police, qui tempère aussitôt. Globalement, on reste à Marseille dans une forte dynamique de règlements de comptes pour des dettes qui ne sont pas honorées ou des prises de territoire."

Le clan Yoda en partie démantelé

La baisse des homicides au début 2024 est pour les syndicats de police le résultat du travail des enquêteurs de terrain qui a conduit à des interpellations par dizaines et la désorganisation des réseaux dans les cités. Ainsi la mise sous les verrous de l'insaisissable Félix Bingui dit "Le chat", interpellé au Maroc en mars 2023, a porté un coup fatal à son clan, responsable avec son rival DZ Mafia de 70% des narchomicides à Marseille, selon le procureur Nicolas Bessone. 

"Yoda a été très grandement déstructuré, et en grande partie démantelé", confirme Rudy Manna. Mais là encore, le champ libre n'a fait qu'exacerber les ambitions des autres clans. 

Dès qu’il y a de la place, de nouveaux groupes essaient de s’implanter pour tenter de récupérer le business juteux des trafics de stups.

Rudy Manna

à France 3 Provence-Alpes

Coups de filet, renforts avec des unités d'élite de la CRS 8 et la CRS 81 dans les cités gangrénées par les trafics, pilonnage des points stup... Le 3 janvier 2024, Gérald Darmanin se félicitait d'avoir supprimé 40% des points de deal de la ville. Les opérations "Place nette" ont dans la foulée été lancées en mars, pour intensifier ce pilonnage des trafiquants dans les quartiers Nord.

"On les a sérieusement dérangés", reconnaît Bruno Bartocetti, mais les récents homicides et fusillades sont le revers de la médaille. "On a des règlements de comptes dans des cités, touchées par le phénomène des stups, mais pas les plus exposées, comme les Iris dans le 14ᵉ", un jeune homme de 19 ans a été abattu le 10 juillet, explique-t-il. 

"La nature a horreur du vide"

"La particularité des opérations 'Place nette', c’est qu’on a cassé des réseaux, c’est vrai, détaille Rudy Manna, on a déplacé d’autres réseaux, c’est une certitude aussi, et ça a fait qu’il y a eu des guerres dans d’autres endroits où ils ont voulu s’implanter et c’est pour ça qu’on a eu des coups de feu à La Cayolle dans les quartiers sud de Marseille et à l'Est aussi, et un peu moins dans les quartiers Nord."

Les policiers marseillais constatent chaque jour que "la nature a horreur du vide". Un point de deal qui tombe aiguise les appétits des autres gangs et pousse les narcotrafiquants à trouver de nouveaux territoires. "Ils s'implantent à coups de kalachnikov", note Rudy Manna.

Pour Bruno Bartocetti, les moments d'accalmie ne sont jamais durables à Marseille. "On sera toujours en lutte contre les trafiquants, toujours". Une lutte dont il n'imagine pas la fin. "Les résultats d’une étude confirment que la consommation de stups en France n’a pas baissé, du moment où il y a cette consommation, il y a réseau, il y a des trafics, et à partir du moment où il y a trafics, il y a des règlements de comptes".

Un été à risques sous le signe des JO

"Même si on avait observé une accalmie au 1ᵉʳ semestre 2024, on ne s’est jamais dit ‘on a gagné le combat’, on sait très bien que malheureusement Marseille est très chargée en réseaux de stup et qu’on n'échappe pas aux règlements de comptes, je relève que depuis 2010, ils n’ont fait qu’augmenter", résume Bruno Bartocetti.  

A Marseille, le calme est toujours relatif et fragile. Surtout en cette année olympique. "Avec la priorité des JO, ça nous est difficile d’avoir la même intensité sur les trafics qu'au dernier semestre 2023 et premier 2024."

On est dans une période où on va beaucoup sécuriser les JO, à Paris ou dans les Bouches-du-Rhône ça nous semble difficile d’être autant sur les opérations places nettes.

Bruno Bartocetti

à France 3 Provence-Alpes

A ce jour, sept narchomicides ont été recensés à Marseille, contre 24 à la même époque l'an dernier. Le macabre décompte final était de 49 morts liés au narcotrafic dans la cité phocéenne. 

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