Nouveau rebondissement dans le dossier CEAT, cette entreprise de Longvic (Côte-d'Or) qui répare des téléphones. Son principal client, Samsung, est sur le point de se retirer. Les 230 salariés demandent à être fixés sur leur sort le plus vite possible.
"Ça fait depuis janvier qu'on subit. Depuis janvier, tous les jours il y a un son de cloche différent. On nous fait espérer des choses, et le lendemain non." La détresse des salariés est résumée dans les mots de Safia. Élue CGT, employée en logistique depuis 20 ans chez CEAT à Longvic, elle et ses 230 collègues disent naviguer à vue depuis plusieurs mois.
Ce 19 juillet, la majorité des employés étaient réunis pour une action sur le parking de leur entreprise, en banlieue de Dijon. Leur but : lancer une alerte alors qu'une nouvelle date butoir approche, celle du 24 juillet. Ce jour-là pourrait bien être celui de la liquidation judiciaire, redoutent les salariés.
"Samsung a fait marche arrière"
Pour comprendre, il faut remonter à janvier 2023, lorsque CEAT est placée en redressement judiciaire, avec un chiffre d'affaires en baisse. Samsung annonce arrêter son partenariat - or, ses commandes représentent 60 % de l'activité de CEAT, selon une source syndicale.
Mi-mai, une audience est prévue au tribunal de commerce de Dijon, mais elle est reportée à juin... et de nouveau reportée à début juillet. Et ce jour-là, les salariés croient voir une éclaircie : "Le 3 juillet, Samsung s'est présenté au tribunal de commerce pour soutenir le plan de continuité et de redressement", rappelle Rachid, responsable de la section syndicale UNSA et salarié CEAT depuis 1999. Le signal envoyé par le constructeur coréen est très encourageant. "Un accord était censé être trouvé sur les modalités financières, pour assurer un certain pourcentage de flux de réparations à notre centre."
Mais trois semaines plus tard, c'est la douche froide : "en fin de semaine dernière, on a eu tout l'inverse. Samsung fait marche arrière et nous lâche après 25 ans de partenariat", déplore Rachid.
"On a pris un coup de poignard dans le dos, on ne s'attendait pas à ça."
Rachidsalarié CEAT depuis 1999, syndicat UNSA
Depuis, les 230 salariés, abattus, redoutent la liquidation judiciaire. "Si Samsung se retire, c'est fini. On ne peut plus continuer", soupire Rachid. La prochaine audience, décisive, est prévu le 24 juillet.
Les salariés veulent une réponse, coûte que coûte
"Psychologiquement, c'est très dur", confie Safia. "Il y a beaucoup de gens en arrêt [maladie] parce qu'ils n'en peuvent plus. À la maison, nos familles le ressentent aussi. On ne sait pas où on va, on ne sait pas ce qu'on va faire."
Aujourd'hui, les salariés n'en peuvent plus de recevoir des informations contradictoires.
"Le plus dur c'est d'être dans l'incertitude. Depuis janvier, on ne sait pas : est-ce qu'on va continuer, pas continuer ? Et puis, arrivés à 50 ans, beaucoup d'entre nous se demandent ce qu'on va devenir, si on va retrouver un emploi."
Safiasalariée CEAT depuis 20 ans, élue CGT
Safia, elle, a 51 ans et essaie de dissimuler ses tracas à ses enfants : "Il faut quand même qu'ils continuent à vivre. Et il faut les nourrir... Mais on ne sait pas si on pourra. Beaucoup de gens ont acheté, ont fait construire, d'autres travaillent en couple... Ils vont devenir quoi ?" s'interroge-t-elle.
En 20 ans de présence chez CEAT, Safia l'assure : "On a toujours travaillé à fond, on a fait ce qu'on nous demandait, on s'est donnés à fond..." Désormais, que la réponse soit positive ou négative, les salariés attendent juste d'être fixés.
"Qu'ils nous disent oui ou non. C'est pas difficile. Au moins, on saura où aller. Là, personne ne peut partir en vacances, on ne sait pas si on doit rester, s'il y a des papiers à signer... Et la famille derrière doit suivre. On veut une décision. Pas du 'peut-être'."
Safiasalariée CEAT depuis 20 ans, élue CGT
En signe de protestation, CEAT continue de réparer les téléphones Samsung, mais fait de la rétention de colis. Ce mardi 18, un camion Samsung est arrivé pour récupérer les téléphones reconditionnés : les salariés ont refusé de les remettre. Le camion est revenu ce mercredi matin et est reparti à vide. La direction n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.