Ce 23 septembre, le B du LGBT est à l'honneur avec la journée de la bisexualité. Lettre souvent ignorée, même au sein de la communauté queer. Mélina, Marie et Karen nous racontent leur quotidien.
La bisexualité est le fait de ressentir une attirance émotionnelle, physique et/ou sexuelle envers des personnes des genres féminin et masculin. En France, selon une enquête de l’institut CSA consacrée au genre, parue en 2021, 4 % des Français se disent bisexuels. Mais dans l'imaginaire collectif, une personne bi est souvent une personne qui n'aurait pas réussi à faire le choix entre hétéro ou homo. C'est d'ailleurs ce que nous rapportent Mélina, Marie et Karen, directement concernées par ce préjugé. Les bisexuels se retrouvent au milieu de l'hétérosexualité et de l'homosexualité. Pas toujours facile de trouver sa place.
Ni hétéro, ni homo
Marie a 22 ans quand elle commence à s'interroger. "Je me souviens, les premières fois que j'ai été attirée par des femmes, mon regard a changé sur moi, se rappelle la jeune femme de 25 ans. Je savais que j'aimais les hommes, mais d'être attirée par des femmes, presque ça me dégoutait. Je me disais que c'était déviant."
Il lui a fallu quelques mois pour accepter cette "vraie" orientation et de se dire que ce n'était pas "juste une phase". "J'avais l'image d'être au milieu de mon orientation sexuelle, qu'elle n'était pas pleine. Comme l'impression d'être ni hétéro, ni homo. Juste entre les deux", explique Marie.
Karen a 20 ans quand elle ressent des sentiments pour une fille pour la première fois. Pour elle, ce n'était "pas normal". "Au début, je me suis dit que j’étais peut-être homosexuelle, mais que je le découvrais que tardivement", se souvient-elle. Puis, avec ses relations amoureuses, elle se rend compte que n'est pas "une passade", comme ses proches aimaient lui faire remarquer.
Je n’ai jamais été comprise de qui que ce soit. Ni des personnes avec qui je m’engage sentimentalement, ni de ma famille, ni de mes amis. C’est difficile.
Karen, 31 ans
Marie confie ne pas se sentir légitime, par rapport à son orientation sexuelle : "les lesbiennes et les gays ont des revendications. Toi, t'es à cheval, et tu n'as rien à revendiquer". D'autant qu'elle évoque le manque de modèle de représentation bi, sur la scène audiovisuelle.
"Je passerai peut-être pour une hétéro toute ma vie"
Marie a récemment fait son coming-out à son frère et avec ses amis, elle exprime ses relations naturellement, sans faire de réel coming-out. "Pour moi, ça n'a pas lieu d'être. Je n'ai pas envie que mon orientation soit un sujet", détaille-t-elle, tout en acceptant que certains le fassent de façon "plus politique". "J'avais même du mal à dire le mot coming-out."
Est-ce qu'on peut en parler, alors que je passerai peut-être pour une hétéro toute ma vie si je fais ma vie avec un homme?
Marie, 25 ans
Ces questions, Marie se les pose au quotidien. Si elle aimerait en parler avec sa maman, elle se demande si elle doit le faire. "Je ne suis pas obligée de lui dire, je suis célibataire actuellement et la prochaine relation, ça sera peut-être l'homme de ma vie. Alors, elle ne le saurait pas. Mais j'ai envie de lui dire, pour qu'elle le sache", confie-t-elle, craignant toutefois sa réaction. Karen, elle, estime qu'il n'est pas simple de s'outer quand on est bi : "les gens pensent que c'est une mode".
Mais plus tard, Marie évoque un autre point qui semble être important et réconfortant.
C'est plus facile de s'assumer en tant que bi, je pense, plutôt qu'en tant qu'homo, parce que tu as ce truc rassurant d'avoir une moitié de toi, en tout cas pour les autres, qui rentre dans la case hétéro
Marie, 25 ans
Un point que rejoint Karen. Elle explique que si l'orientation sexuelle était un choix, elle se tournerait vers l'hétérosexualité. "C'est plus simple dans la société", souligne-t-elle. Un sentiment partagé par Mélina : "il y a des fois où je me dis que c’est plus simple d’être avec un homme et des fois où j’ai envie de vivre ma vie comme je l’entends. Pendant longtemps, j’ai essayé de me convaincre que c'était plus simple d'être dans un schéma hétéro. Mais je suis plus épanouie depuis que j’ai compris et accepté que je suis bi et que j’aime la personne que je suis".
Faire face aux stéréotypes
Comme les homosexuels, les bisexuels peuvent être confrontés aux stéréotypes. Pour Marie, même si elle est "entourée d'un milieu plutôt de gauche et féministe", elle doit y faire face. Et le cliché qu'elle rencontre le plus, c'est le fantasme du plan à trois. "C'est tout le temps, et c'est chiant d'être réduit à ça", souffle-t-elle.
Malheureusement, ce n'est pas la seule. Si Marie se sent relativement épargnée par les stéréotypes, de par son environnement social, Karen, elle, en a gros sur le cœur. "En tant que bisexuel, on est souvent associé au sexe. Je ne compte pas le nombre de fois où je dis que je suis bi à un homme, et il me répond que ça l’excite, ou il me demande si j’ai déjà fait un plan à trois, détaille-t-elle. C’est hyper brutal et violent. Les gens imaginent que les bisexuels sont des personnes très portées vers le sexe ou complétement débridées. Moi, je suis l’inverse par exemple, alors je suis toujours très gênée."
Elle explique également qu'on lui a souvent demandé si elle se tournait vers les femmes, parce qu'elle était déçue de la gente masculine et que l'idée "d'être insatisfaite" plane souvent.
Quand une femme hétérosexuelle sort avec un homme, est-ce que les autres hommes de la terre lui manque ? Non. C’est pareil pour moi.
Karen, 31 ans
"Je suis satisfaite autant avec un homme qu’avec une femme. Une seule personne me suffit. L’autre sexe ne me manque pas et je n’arrive toujours pas à comprendre le sens de cette question qui revient sans cesse", s'agace Karen.
Choisir son camp
Précédemment, on disait que la lettre B du LGBT était parfois invisible. Ce sentiment, Mélina et Karen le ressentent et se sentent bien souvent incomprises par les personnes appartenant à leur communauté. "Ma bisexualité dérange ma copine. Elle ne comprend pas que je ne puisse pas faire un choix entre les deux", confie Mélina. Karen aussi a vécu des situations similaires : "quand je suis amoureuse d’une femme, si elle est lesbienne, bien souvent, elle ne comprend pas que j’ai pu sortir avec des hommes. Je sens bien que ma bisexualité n’est pas acceptée, se désole la jeune femme. Elles m’ont toutes dit que leur pire angoisse serait que je retourne avec un homme après elles."
Je pense qu’il y a beaucoup plus de biphobes que d’homophobes. Parce que même les homosexuels peuvent être biphobes. Ça a été le cas parfois de mes petites amies.
Karen, 31 ans
Que ce soit Marie, Mélina ou Karen, toutes ont eu à faire, au moins une fois, à l'expression "choisir son camp". "À chaque fois que je suis dans une période de célibat, tout mon entourage me demande dans quelle période je suis. Comme si j’avais des moments femmes et des moments hommes, rapporte Karen. J’ai du mal à faire comprendre que ma vie fonctionne autour de rencontres. Je ne choisis pas de quel sexe sera la prochaine personne que je vais rencontrer. On me demande constamment de choisir mon camp."