Depuis décembre 2022, les activités de la maternité du centre hospitalier d'Autun sont suspendues, sur décision de l'ARS. Après un long combat et une fermeture définitive, le service a été réorganisé. Entre satisfaction et nostalgie, les acteurs locaux se confient sur la suite.
Depuis décembre 2022, la maternité d’Autun a fermé ses portes. Au départ une suspension temporaire, qui a fini par devenir pérenne. Malgré de nombreuses oppositions, l'Agence régionale de santé a prononcé la suspension définitive début 2023. À l'époque, le ministère de la Santé avait promis des "solutions adaptées" en remplacement.
Après plus d’un an, comment les accouchements ont-ils été organisés dans le secteur et quel bilan en tirer ?
Une nouvelle organisation et des nouveaux accompagnements
Avec la fermeture de la maternité de ce secteur, c'est une "entité territoriale de l'Autunois-Morvan" qui a été mise en place. Concrètement, deux centres de péri-maternité ont été créés à Autun et à Château-Chinon. En plus de cela, ces hôpitaux collaborent avec Chalon-sur-Saône, Le Creusot et Nevers afin de "répondre aux besoins et à l'attente des parturientes du secteur", indique l'hôpital d'Autun.
Avec cette nouvelle organisation, l'offre de soins et les services d'accompagnement ont été renforcés. Il est aujourd'hui possible de consulter des pédiatres, des gynécologues et des gynécologues-obstétriciens. L'activité est d'ailleurs en hausse par rapport à avant la suspension. Entre le 1er janvier et le 26 mai 2024, les sages-femmes d'Autun ont noté 866 actes médicaux pour près de 78 parturientes. Le service de gynécologie a enregistré 322 actes dont 99 échographies selon l'hôpital.
Enfin, depuis juin 2023, le premier SMUR obstétrical national a été testé et est aujourd'hui "pleinement opérationnel 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7". Selon les services de l'hôpital, l'équipage est intervenu cinq fois en 2023 et cinq fois cette année. Un nouveau véhicule avec des équipements adaptés doit d'ailleurs être livré la semaine prochaine au centre hospitalier d'Autun.
Un mal pour un bien ?
C’est d’abord en tant qu’opposant à la fermeture que Vincent Chauvet s'était positionné à l'époque. Mais depuis, le maire d’Autun a changé son fusil d’épaule.
"Pour moi, le bilan à ce jour n'est pas complètement négatif ", assure-t-il. "Au final, avec la suspension de l'activité d'accouchements, l'hôpital a réussi à renforcer les services de pré et post-accouchement. Tout se fait ici à Autun, avec l'ouverture d'une nouvelle antenne de l'hôpital dans le Morvan à Château-Chinon, et les consultations avancées à Autun se font en lien avec les professionnels de Chalon-sur-Saône, du Creusot et de Dijon. Pour accoucher, les femmes ont ensuite le choix d'aller à Dijon, à Chalon-sur-Saône, à Beaune, au Creusot ou ailleurs si elles le souhaitent."
Le maire, également président du conseil de surveillance de l’hôpital, se réjouit même du recrutement de nouveaux médecins et de la présence d’un nouveau directeur.
Tout n’est pas rose non plus. Je trouve que la situation a été très mal expliquée aux élus et ça a été vu comme purement technocratique.
Vincent Chauvetmaire d'Autun
Les dernières années qui ont précédé la fermeture, ce sont entre 200 et 300 naissances qui étaient réalisées à la maternité autunoise.
"L'activité était en sursis"
"C’était une maternité de niveau 1", précise le premier édile. "Ce qui veut dire qu’elle n'accueillait pas les grossesses pathologiques ou gémellaires, mais uniquement celles qui étaient simples. Ce qui réduisait déjà le nombre d’accouchements."
Avec le recul, Vincent Chauvet reconnaît que les tentatives pour maintenir la maternité à Autun étaient vaines : "Avec un niveau d'accouchements si bas, l'activité était depuis plusieurs années en sursis. Les préconisations de l'IGAS (inspection générale des affaires sociales) concernant le nombre de naissances par maternité sont passées de 300 à 1 000 naissances."
L'élu local pense que l'affaire, de par sa forte médiatisation, a "permis d'ouvrir les yeux de beaucoup de monde". "Au final, on se rend compte que le modèle français est peut-être en train d'évoluer", analyse-t-il.
"On a un des plus mauvais taux de mortalité à la naissance, par exemple. Ce discours qui était uniquement porté par les syndicats professionnels commence à arriver dans le débat politique. La semaine dernière, l'ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot a même parlé à l'Assemblée nationale de "tromperie des maternités de proximité".
On voit que proximité ne rime plus forcément avec sécurité. Je pense que l’affaire de la maternité d’Autun a été un déclencheur.
Vincent Chauvetmaire d'Autun
"Les parturientes sont laissées dans la nature"
En revanche, certains n’ont pas changé d’avis. C’est le cas de Rémy Rebeyrotte, le député de la troisième circonscription de Saône-et-Loire, qui reste très critique sur le sujet. "Plutôt qu’un plan d’organisation, c’est plutôt un plan de désorganisation", s’agace-t-il.
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"Les parturientes sont laissées dans la nature entre Nevers, Semur-en-Auxois, Beaune... À peine la moitié d’entre elles vont au Creusot. Il y a beaucoup de femmes qui se retrouvent à faire plus d’une heure de route."
Il y a eu plusieurs situations qui auraient pu mal se terminer. La charge a été transmise aux sapeurs-pompiers, qui ont récupéré les problèmes sur eux.
Rémy Rebeyrottedéputé de Saône-et-Loire
"En s’occupant de la couverture obstétricale, les pompiers sont moins disponibles pour les problèmes locaux de tous les jours. On est toujours sur le fil du rasoir à cause d’une non-gestion", affirme Rémy Rebeyrotte.
L'élu assure d'ailleurs qu'il compte réitérer "dans l'hémicycle" la demande de démission de Jean-Jacques Coiplet, le directeur régional de l'Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté pour "son incorrection sur le dossier".
L'ARS se défend et "salue" le travail des acteurs du secteur
Sollicitée pour répondre aux propos de Rémy Rebeyrotte, l'ARS précise à France 3 Bourgogne : "Cette suspension s’est avérée nécessaire, afin de garantir la sécurité des parturientes et de leurs bébés et ce, malgré les nombreux efforts déployés par l’établissement pour trouver des professionnels de santé supplémentaires."
"Face à cette situation, les équipes du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, d’Autun, du Creusot, de Château-Chinon et de Nevers, avec l’appui des professionnels de santé publics et libéraux, dont il convient de saluer l’engagement et la grande réactivité, se sont mobilisés, avec l’appui de l’ARS, pour répondre dans les meilleures conditions possibles au parcours de santé des parturientes", poursuit l'Agence régionale de santé.
Pour ce qui est du SMUR obstétrical et de l'implication des sapeurs-pompiers, l'organisme public a répondu : "Ce SMUR obstétrical fonctionne uniquement avec des personnels hospitaliers et libéraux même si une convention avec les pompiers de Saône et Loire permet la mobilisation d’un sapeur-pompier en cas de carence du conducteur. Cette convention (...) ne restreint en aucune manière les capacités d’intervention des sapeurs-pompiers du centre de secours d’Autun."
Concernant l'organisation de la maternité territoriale, l'Agence régionale de santé met en avant les conclusions d'un rapport du ministère de la Santé, selon lesquelles "l’ARS, avec l’appui du professeur de gynécologie du CHU de Dijon, des équipes de Chalon-sur-Saône et du Creusot, et sur la base du rapport IGAS, a fait dans des délais très courts une proposition d’organisation territoriale des soins cohérente et la plus complète possible sur la base des moyens techniques et humains disponibles".
L'ARS Bourgogne-Franche-Comté ajoute que ce rapport recommande que "la stratégie soit soutenue par les élus afin qu’elle puisse être mise en œuvre en responsabilité vis-à-vis de la population".
Les syndicats "résignés"
Du côté du syndicat CGT du centre hospitalier d'Autun, les avis sont partagés. "On tient à souligner la mise en place des activités annexes", commence le syndicat. "Il y a énormément de travail qui a été fait pour les consultations et l'accompagnement sur Autun et Chateau-Chinon. Mais malgré tout, on a perdu énormément de patientes. Il y a aussi un manque de ressources médicales pédiatriques."
Les syndicalistes pointent "un problème de communication".
On a l'impression que les gens pensent qu'on est restés fermés
syndicat CGT du centre hospitalier d'Autun
"Pareil pour le SMUR obstétrical. On doit parfois le proposer sinon on dirait que certains ne savent pas qu'il existe et qu'il peut agir sur une grande zone. Pourtant, on tient à dire qu'il est beaucoup plus sollicité qu'on ne le croit."
La CGT précise par ailleurs que, contrairement aux chiffres communiqués par le centre hospitalier d'Autun, ce serait une vingtaine de sorties qu'aurait effectuées le véhicule depuis son lancement en juin 2023.
Si pour les patientes il y a de la "nostalgie" de ne plus pouvoir accoucher à Autun, les syndicats affirment que pour certains membres du personnel aussi c'est un regret : "Honnêtement, il y a des choses positives et négatives. Nous, on est juste résignés. Pour certaines sages-femmes, c'est un manque de ne plus travailler en salles d'accouchements, pour d'autres ça leur convient. Après, on trouve ça vraiment dommage de se baser autant sur le rapport de l'IGAS. Ça a été rédigé par quelqu'un de Paris, alors qu'ici, dans le Morvan la situation est totalement différente. Les gens ici ont l'impression d'être un peu livrés à eux-mêmes."