Des plateaux de CNews à l'Assemblée nationale : Guillaume Bigot, nouveau député polémique du Territoire de Belfort

Le 7 juillet 2024, Guillaume Bigot (RN) a été élu député de la 2ᵉ circonscription du Territoire de Belfort, quelques semaines seulement après avoir été parachuté. "Brillant" pour les uns, "opportuniste" pour les autres, on vous explique pourquoi Guillaume Bigot déchaîne les passions.

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Il a réussi son pari. Au soir du dimanche 7 juillet 2024, Guillaume Bigot (Rassemblement national) est, à 54 ans, le nouveau député de la 2ᵉ circonscription du Territoire de Belfort. Arrivé largement en tête le 30 juin dernier (+ 3 089 voix) au soir du 1ᵉʳ tour, devant le député sortant (Nouveau front populaire) Florian Chauche, le candidat RN a conservé d'un cheveu (+ 337 voix) son avance une semaine plus tard.

"Je prends cette victoire avec beaucoup d'humilité" a réagi Guillaume Bigot auprès de France 3 Franche-Comté. "Cela s'est joué d'une courte tête, dans une campagne compliquée avec beaucoup d'attaques en dessous de la ceinture. Je tiens à remercier tous les Terrifortains et Terrifortaines pour leur confiance".

Une campagne compliquée, c'est un euphémisme. Dans le Territoire de Belfort, l'arrivée de Guillaume Bigot, parachuté par le Rassemblement national depuis Paris, a fait des émules. Mais pour quelles raisons ? Pourquoi le nouveau député divise-t-il autant ? Éléments de réponses.

Un homme aux multiples casquettes...

"D'abord, je ne suis pas un politique professionnel". C'est par ses mots que Guillaume Bigot a débuté sa présentation, le 19 juin dernier, lors du débat TV organisé par France 3 Franche-Comté qui l'opposait aux autres candidats de la 90-2. En effet, le député né à Paris, ville où il a passé la majeure partie de sa vie a, après son diplôme à Sciences Po, fait carrière dans l'enseignement.

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D'abord, dès 2005 au pôle universitaire Léonard-de-Vinci, fondé par Charles Pasqua, puis en en devenant le directeur avant d'être évincé en 2008. Il a ensuite été nommé dirigeant du groupe Ipag business school Paris Nice jusqu'en 2022. Mais la politique n'était jamais bien loin.

En parallèle, Guillaume Bigot s'investit dans différentes fondations et think tank politique, comme la fondation Marc-Bloch, les Orwelliens ou encore Res Publica, mouvement fondé par Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, maire de Belfort et député... de la 2ᵉ circonscription du Territoire de Belfort. À côté de cela, le néodéputé s'est taillé une place de choix sur les plateaux TV et studios radios, en devenant chroniqueur régulier chez BFM Business, Sud Radio, Europe 1 et Cnews.

... de Chevènement au RN

Dans une vie modelée par la politique, Guillaume Bigot s'est tout de même déjà frotté aux urnes, à l'occasion des élections législatives 2002... sous les couleurs du Pôle républicain (il avait été sèchement battu au 1ᵉʳ tour dans la 8ᵉ circonscription des Yvelines), parti de l'ancien ministre socialiste Jean-Pierre Chevènement. Un engagement loin du Rassemblement national, parti auquel Guillaume Bigot n'est pas adhérent... et dont il assurait ne pas être proche en 2020.

Vous l'aurez remarqué, le nom de Jean-Pierre Chevènement revient donc à de multiples reprises. Guillaume Bigot lui-même l'a cité à de nombreuses reprises depuis l'officialisation de sa candidature à la députation. Mais quel est le lien qui unit vraiment les deux hommes ? Interrogé par France 3 Franche-Comté, Jean-Pierre Chevènement a été très clair : "Je ne connais que très peu Guillaume Bigot. Nous n'avons jamais collaboré, il ne m'a jamais conseillé, en contradiction avec ce qu'il annonce parfois".

En effet, si aujourd'hui, Guillaume Bigot assure "ne jamais s'être présenté comme un proche de Chevènement", ce n'était pas le cas, il y a peu. Dans un tweet daté de février 2021, l'ancien polémiste écrit même avoir "aidé Chevènement". 

Dans plusieurs interventions médiatiques, il est également présenté comme "conseiller de Chevènement" : à Sud Radio ou sur la chaîne Youtube TVL, créée par un ancien cadre du Front national. "Il a monté de toutes pièces son lien avec Chevènement, juste pour se rattacher au Territoire de Belfort" estime Mathilde Regnaud, ex-assistante parlementaire du député sortant Florian Chauche. "C'est de l'opportunisme".

"Jean-Pierre Chevènement a combattu toute sa vie les politiques qui ont fait monter les idées de l'extrême droite, comment M.Bigot peut-il se prétendre de lui" a réagi un proche de l'ancien ministre. "Bigot ne fait que capter l'héritage chevènementiste, fort dans la région, pour se blottir derrière".

Son histoire avec Jean-Pierre Chevènement, c'est du storytelling complet, un camouflage pour se faire élire. Cela traduit son extériorité au discours chevènementiste.

Un proche de Jean-Pierre Chevènement

Et quid de la mention de Guillaume Bigot comme "membre du conseil scientifique de la Fondation Res Publica, le laboratoire d'idées de Jean-Pierre Chevènement", qu'on retrouve sur sa page Wikipédia ? "Je l'ai en effet été" explique le principal intéressé. "Mais on m'a prié de partir au bout de quelques semaines, car nous n'étions pas sur la même longueur d'onde".

"Il a été écarté, car nous avions déjà remarqué chez lui une certaine obsession identitaire, loin de notre ligne apartisane" précise-t-on du côté des proches de Jean-Pierre Chevènement. Ce dernier va même plus loin : "les réunions de la fondation que j'ai créée étaient ouvertes à tous. Peut-être s'y est-il égaré".

Des sorties controversées

Guillaume Bigot polarise également les critiques après plusieurs sorties polémiques sur les réseaux sociaux ou lors de ses interventions médiatiques. D'abord au niveau climatique, il a à plusieurs reprises nié l'effet des gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique, pourtant documenté de manières scientifiques. "Rien ne prouve l’effet de serre du CO2" avait-il tweeté sur X le 11/06/2019.

"De même, est-il grotesque de prétendre que 2 [degrés] de plus vont nous précipiter dans l’apocalypse", dans un autre tweet, le 5 mai 2019. Un climatoscepticisme évacué sobrement par le nouveau député, qui nous assure "qu'il n'a jamais nié le réchauffement climatique".

Le 26 septembre 2021, Guillaume Bigot avait également été épinglé pour une remarque sexiste sur l'Écologiste Sandrine Rousseau. "Si vous l’écoutez, on a l’impression d’une illuminée. C’est la folie verte. C’est une sorte de Greta Thunberg ménopausée" avait-il déclaré avant de s'excuser dans la foulée.

Enfin, le député avait été mis en cause par l'équipe de Florian Chauche pour des "propos xénophobes et racistes portant atteinte aux valeurs d’égalité et de fraternité de la République en distinguant les français en fonction de leur religion (réelle ou supposée)". L'ancien polémiste avait en effet déclaré sur Sud Radio que "Les français musulmans sont plus musulmans que Français”.

"Ce sont des accusations qui sont infondées, que j'envisage de porter devant la justice pour diffamation" a répondu Guillaume Bigot. "C'était une formule sortie de son contexte. Et puis parfois, je dis des choses que je pousse un peu loin en tant qu'éditorialiste. Mais c'est pour pousser les gens à réfléchir par eux-mêmes".

Critiqué pour son parachutage

En plus de ses relations supposées avec le local Jean-Pierre Chevènement, ou encore ses sorties polémiques, les critiques s'abattant sur Guillaume Bigot reviennent dans la majorité des cas sur son manque de connaissance du territoire. "C'est un bourgeois parisien, un monsieur qui a une haute idée de lui-même" estime Damien Meslot (maire LR de Belfort). "Il n'est pas en capacité de représenter notre territoire".

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"Comment cet homme, tellement éloigné de la réalité des Terrifortains, pourra-t-il nous représenter convenablement à l'Assemblée ?" reprend Mathilde Regnaud, ex-assistante du sortant Florian Chauche. "Il y a un mois, on ne le connaissait pas" dit d'ailleurs l'ancien député insoumis. "Et là, il arrive, avec l'étiquette RN, et il s'impose devant des élus de terrain. Quelle tristesse".

Il a sans doute une très grande culture politique, mais s'il avait perdu, il serait rentré directement à Paris et on aurait plus entendu parler de lui.

Florian Chauche,

député sortant de la 2e circonscription du Territoire de Belfort, battu par Guillaume Bigot le 7 juillet

Des arguments que Christophe Soustelle, délégué départemental RN dans le 90 et suppléant du député, balaye d'un revers de main. "C'est au contraire quelqu'un de très humain, de brillant intellectuellement, loin de l'arrogance qu'on pourrait lui coller à la peau" assène-t-il. "J'ai appris à le côtoyer, à le connaître et il va vraiment nous apporter. Je pense qu'il sera très présent localement".

Au contraire de Mathilde Regnaud, qui parie "qu'il gardera son rond de serviette à Cnews, car ce sera plus intéressant pour lui". Ce à quoi Guillaume Bigot répond : "je quitte mes fonctions d'éditorialiste. Ma parole engage maintenant un territoire, j'ai une responsabilité collective". Rien ne l'empêchera pour autant d'aller sur les plateaux TV en sa qualité de député.

Quid de sa présence dans le Territoire de Belfort ? Lors du débat du 19 juin, le député assurait qu'en cas d'élection, il serait "au milieu de la circonscription. J’habiterai dans la circonscription et je serai extrêmement proche des habitants". Reste à voir si les actes suivront la parole. 

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