Près de 4 mois après la mise en place de la ZFE à Montpellier, peu de choses semblent avoir changé. Il y a toujours autant de circulation dans la ville et les indices de qualité de l'air restent identiques. Au fil des années, la ZFE doit permettre l'accélération du renouvellement des voitures les plus polluantes. Mais les véhicules électriques ou à hydrogène, nombreux au Mondial de l'Auto à Paris, restent encore très chers.
En Occitanie, 3,6 millions de voitures particulières étaient immatriculées fin 2021, dont 99% à moteur thermique. Les véhicules propres sont encore très peu nombreux mais ils progressent nettement depuis 2017. Et la création de ZFE, Zones à Faibles Émissions, pour lutter contre la pollution de l'air en ville, doit accélérer les choses. Il en existe déjà 230 en Europe.
Les ZFE sont un dispositif national obligatoire créé par la loi LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) en 2019 et la loi Climat en 2021.
11 métropoles en France ont déjà mis en place des Zones à Faibles Émissions, dont 2 en Occitanie. Montpellier et Toulouse.
Les prochaines ZFE en Occitanie seront celles de Nîmes et Perpignan. Elles devraient être opérationnelles en 2025.
La ZFE de Montpellier lancée depuis le 1er juillet 2022
A Montpellier, l'application de la ZFE se fait en 2 phases. 11 communes de la métropole sont concernées depuis le 1er juillet 2022. Les 20 autres le seront à partir du 1er juillet 2026.
Les restrictions de circulation dans le périmètre sont progressives, en fonction de votre vignette Crit'air. Elles sont applicables 7j/7, 24h/24.
La ZFE s’adresse aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers. Tous les véhicules à moteur sont concernés : les deux-roues motorisés, les voitures, les utilitaires, les bus, cars, camions et poids-lourds. Sauf dérogation.
VOIR notre reportage à Montpellier.
Pour pouvoir circuler dans la ZFE, il faut obligatoirement avoir une vignette Crit'air sur son pare-brise. Et qu'elle fasse partie de celles autorisées.
Vous pouvez en faire la demande par Internet, uniquement sur le site officiel du gouvernement. Coût, 3,62€ + frais d’envoi. Attention, des sites commerciaux basés à l'étranger proposent les mêmes prestations mais pour 50 à 60€.
84% des voitures en Occitanie en Crit'air E, 1, 2 ou 3
Le parc automobile en Occitanie anticipe depuis 2017 les nouvelles normes anti-pollution. Cette année-là, les voitures avec une vignette Crit'air 2, donc parmi les moins polluantes, deviennent majoritaires.
Les voitures propres, 100% électrique ou hydrogène, ne représentent que 0,7% des immatriculations. C'est encore trop peu.
Au fil des années, entre 2011 et 2021, on s'aperçoit que les voitures qui émettent beaucoup de CO2, les Crit'air 4 et 5, passent de 25% à 12% du parc. Et qu'aujourd'hui, 59% sont au moins en Crit'air 2, donc dans les normes européennes de pollution admises jusqu'en 2028.
A Montpellier, 64% des véhicules actuellement en circulation répondent aux critères de la ZFE applicables jusqu'en juin 2028. Et 88% pourront rouler jusqu'au 31 décembre 2023.
En revanche, au-delà de cette date, 436.000 voitures seront interdites de ZFE, les voitures Crit'air 4 et 5.
A noter qu'au 1er juillet 2028, plus aucun moteur diesel ne sera admis dans la ZFE de Montpellier, particuliers comme professionnels.
Bientôt les contrôles... et les amendes
Jusque-là, les forces de l'ordre avaient pour consignes, à Montpellier, la plus grande souplesse, avec information des contrevenants à la clef et possibilité de se mettre en règle, plutôt que d'être verbalisé.
Mais à partir du 1er janvier 2023, en cas de non-respect des restrictions de circulation, le conducteur d’un véhicule léger ou d’un deux-roues motorisé en infraction risquera une amende forfaitaire de 68€, majorée à 180€ si elle n’est pas payée dans les 45 jours.
Cette amende peut monter jusqu’à 135€ pour le conducteur d’un poids-lourd, d’un bus ou d’un autocar, 375€ pour un paiement au-delà de 45 jours.
Attention, stationner dans une zone à faibles émissions est passible des mêmes amendes, si les restrictions de circulation de la ZFE sont applicables en permanence, ce qui est le cas à Montpellier.
Enfin, apposer une vignette Crit’Air en fraude ou ne correspondant pas aux caractéristiques du véhicule est également passible d’une amende de 4ème classe soit 135€, majorée à 375€ si elle n’est pas payée dans les 45 jours.
A terme, des dispositifs fixes ou mobiles de contrôles automatisés seront mis en place.
Les voitures "propres" toujours à la peine
Les voitures essence et gazole restent encore très largement majoritaires. En 2021, les moteurs diesel représentaient 2,2 millions de véhicules en circulation en Occitanie. Pour 1,4 million de moteurs essence. Et seulement, 22.621 véhicules roulant à l'électricité ou à l'hydrogène.
Ce type de motorisation ne décolle toujours pas malgré les aides et les nouveaux modèles qui fleurissent chez tous les constructeurs, notamment ceux présents au Mondial de l'Auto 2022 à Paris.
L'Occitanie en pointe pour les bornes de recharge
Notre région est en 2022, la mieux équipée de France en points de charge pour véhicules électriques. 128 bornes pour 100.000 habitants, contre 95 en moyenne en France mais cette place de leader cache en fait une évolution qui a nettement ralenti depuis 2 ans. Et un maillage qui reste insuffisant, notamment en milieu rural.
La progression est de 30% par an quand elle est de 62% en Auvergne-Rhône-Alpes, de 56% en Nouvelle-Aquitaine et de 41% en PACA.
Le développement actuel des infrastructures de recharge doit être poursuivi et renforcé, notamment avec des bornes rapides sur les autoroutes et les Nationales, car la faible autonomie constitue encore un frein à l’achat d'un véhicule électrique.
L'Etat propose par ailleurs une aide, sous forme de crédit d’impôt à hauteur de 30%, pour l’équipement d’une borne de recharge à domicile. C'est le mode de recharge très majoritaire des particuliers en France, 90% des recharges se font à la maison.
Des aides pour les véhicules électriques
L'autre grand handicap des voitures électriques, c'est leur prix. Bien plus élevé qu'un véhicule thermique. Mais le directeur général de Stellantis, groupe Peugeot, Citroën, Fiat, estime qu'en 2026, les véhicules électriques seront moins chers que les thermiques.
Dans nos prévisions, en 2026, les véhicules électriques seront moins chers que leurs versions à moteur thermique. Nous aurons une égalité de la structure de coûts des deux technologies. Au fur et à mesure que les volumes augmenteront, on va pouvoir faire de la productivité dont on va faire bénéficier le client.
Carlos Tavares, directeur général de Stellantis.Franceinfo, 18 octobre 2022.
D'ici là, l'Etat et les collectivités locales multiplient les subventions. Prime à la conversion (jusqu'à 5.000€), bonus écologique (jusqu'à 7.000€)...
Le "bonus écologique" va être porté de 6.000 à 7.000 euros pour la moitié des ménages achetant une voiture électrique, a annoncé le président de la République juste avant l'ouverture du Mondial de l'Automobile 2022 à Paris.
Emmanuel Macron a demandé qu'on renforce la "préférence européenne", soit les avantages à l'achat de voitures fabriquées en Europe.
La location de voitures électriques à 100 euros par mois, pour les foyers les plus modestes, devrait être lancée au deuxième semestre 2023.
Le bouclier tarifaire sur les prix de l'énergie va être étendu aux recharges sur les bornes électriques.
L'aide aux ZFE, 150 millions d'euros du "Fonds vert" seraient "fléchés" vers les Zones à faibles émissions, pour accompagner ces nouvelles interdictions de circulation des véhicules les plus âgés.
Par ailleurs, la Région Occitanie propose une aide à l'achat d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable de moins de 30.000€, neuf ou d'occasion. 1.000 ou 2.000€ selon la situation fiscale et la gratuité de la taxe d'immatriculation.
Des aides sont aussi prévues par la Métropole de Montpellier dans le cadre de la ZFE. Tant pour les particuliers que pour les professionnels.
Les solutions alternatives à la voiture
Le nouveau plan de circulation à Montpellier mise sur les pistes cyclables, le renvoi du trafic de transit hors de la ville et les transports en commun, tramway avec la construction de la ligne 5 et la création de 5 bustram à haut niveau de services à partir de 2025.
Ce qui ne va pas sans poser des problèmes. La restriction des voies de circulation pour créer des sites dédiés aux vélos, aux piétons ou aux bus occasionne ralentissements, bouchons et report du trafic routier sur des axes déjà saturés.
Pour vous déplacer de façon écologique, vous pouvez aussi le faire à pied ou en transports en commun, ils sont gratuits pour les habitants de la métropole le week-end et toute la semaine, pour les moins de 18 ans et plus de 65 ans. Et fin 2023, tout le temps pour tous les habitants de la métropole.
Il y a aussi l'autopartage ou le covoiturage. Selon le dernier baromètre de l'application Klaxit, spécialiste du covoiturage domicile-travail, l'agglomération de Montpellier est la 2ème en France qui covoiturent le plus, hors région Ile-de-France, derrière la Métropole de Rouen.
Quatre questions à Laurent Chapelon, spécialiste des mobilités
Laurent Chapelon, est professeur à l'Université Paul Valéry Montpellier 3 et responsable du Master transports mobilités réseaux.
Pourquoi créer une ZFE ?
L’objectif est avant tout environnemental. Il s’agit de réduire le nombre de véhicules polluant en ville pour améliorer la qualité de l’air, à commencer par les diesels. Il n’est pas choquant de tenter d’améliorer cette qualité de l’air en contraignant la circulation d’engins individuels pour la plupart. Le taux d’occupation des véhicules dans les déplacements domicile-travail est de seulement 1,1 individu par voiture.
On prend le problème dans le bon sens. On a des véhicules polluants qui à terme n’auront plus rien à faire en ville et on met en face une offre de transport en commun ou des pistes cyclables qui permettent d’envisager des alternatives.
Pendant des années, on a minimisé les coûts externes liés au transport routier et l’usage de l’automobile en ville. La prise de conscience est tardive mais elle a le mérite d’exister.
Il faut contraindre ?
Une ZFE, ça crée des contraintes. Plus on va avancer dans le temps, plus ces contraintes vont se faire sentir. Il n’y aura plus que les crit’air 1 qui pourront circuler. Si on ne contraint pas davantage l’usager de l’automobile, on a du mal à faire changer les pratiques.
La clé de la réussite ?
La clé de réussite d’une ZFE, c’est de pouvoir créer des alternatives pour que l’automobiliste trouve des moyens de déplacements efficaces. Les transports en commun sont la pierre angulaire de la qualité du système de transport en ville. Il faut aussi des transports en commun qui soient moins coûteux. Exemple, la gratuité se profile à Montpellier pour les habitants de la Métropole. Mais peut-être pourrait-on l’étendre au péri-urbain, aux métropolitains qui laisseraient leurs voitures dans des pôles d’échanges multimodaux et qui poursuivraient leur trajet en transport en commun ? Sinon, ils seraient à terme sous le coup de la double peine : non gratuité des transports en commun et la ZFE.
Il faut donc des transports en commun performants et des itinéraires de rabattement sur des pôles d’échanges multimodaux pour que chaque entrée de ville majeure trouve une proposition de transports en commun sur son chemin pour laisser sa voiture.
Voiture électrique, le graal ?
Aujourd’hui, nous n’avons pas énormément de solutions pour sortir du thermique. Les pouvoirs publics avec le soutien de l’Ademe ont envisagé une politique d’équipement massive en borne de recharge pour favoriser l’électro mobilité. C’est un choix politique très fort.
L’incertitude : qu’est-ce qu’on met en place comme véhicule électrique ? Pour que ce soit vraiment efficace sur le plan environnemental, il faut des véhicules légers, de petites tailles qui vont à l’encontre des gros SUV ou grosses berlines qu’on peut voir se développer actuellement.
L’enjeu sur la production d’électricité est aussi très sensible. Notre capacité à produire en grande quantité de l’électricité pour recharger les véhicules est un enjeu crucial. Avec l’éolien, le solaire ? Aujourd’hui, on produit massivement via le nucléaire en France pour faire face à une demande qui va aller de manière croissante.
Voiture électrique trop chère ?
C’est le schéma classique de toute innovation technologique. On parle de courbe en S. Au départ, le taux d’équipement est plutôt faible car le coût d’accès est élevé. S’il y a un véritable avantage à se doter d’un véhicule électrique, les ménages vont s’équiper progressivement. Il y a une accélération très sensible aujourd’hui d’achat de véhicules électriques. La courbe va se redresser car les prix mécaniquement vont baisser.
Oui, à court terme, l’accès au véhicule électrique est élevé ce qui veut dire que tout le monde ne pourra pas rapidement laisser sa voiture thermique et acheter un nouveau véhicule crit’air 1 ou électrique d’où la clé de voute de la réussite d’une ZFE, je le rappelle c’est la capacité de pouvoir proposer une offre de transports en commun performante et financièrement accessible et l’idée de gratuité de transport en commun pour les usagers et des pôles d’échanges multimodaux aux personnes qui feraient l’effort de laisser leur voiture dans le péri urbain pour accéder aux zones les plus denses et centrales en transports en commun. C’est essentiel.