Ce vendredi 25 juin, l'avocat général a réclamé 5 ans de prison dont 4 avec sursis pour Valérie Bacot devant la cour d'Assises de Saône-et-Loire à Chalon-sur-Saône. La femme a déjà passé un an en détention. Ses avocates demandent quant à elles l'acquittement de l'accusée.
En quatre jours de débats, le procès de Valérie Bacot a permis de saisir le contexte dans lequel l’accusée a évolué depuis son enfance. Lundi, la mère de famille a pu s’exprimer sur les conditions de sa vie sous l’emprise de Daniel Polette qu’elle a tué le 13 mars 2016 d’une balle dans la tête. Mardi, ce sont les trois plus grands enfants du couple qui ont été appelés à la barre pour raconter leurs souvenirs familiaux. Ceux-ci ont notamment affirmé que leur père ne leur manquait pas. Un père dont le portrait a été dressé mercredi par ses anciennes compagnes, son frère et ses deux sœurs. Jeudi, des éléments ont été donnés sur le profil psychologique de Valérie Bacot, une journée où la notion d’emprise a été abordée.
Après des témoignages et des interrogatoires intenses, parfois émouvants, le temps des plaidoiries et du réquisitoire s’est ouvert en conclusion de la quatrième journée du procès ce jeudi 24 novembre avec le discours de l'avocate de la partie civile. Ce vendredi, le procureur Jallet a pris la parole en premier pour son réquisitoire. Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini ont quant a elle plaidé l'acquittement. Le verdict est désormais attendu.
Valérie Bacot sous emprise dès son adolescence
L'avocat général Éric Jallet demande 5 ans de prison dont 4 avec sursis pour Valérie Bacot. Mais il a tenu a expliqué avec précision le chemin de sa pensée. Tout au long des débats, l'avocat général a rappelé que l'accusée avait d'autres solutions que de tuer son époux Daniel Polette pour sortir de son emprise. Dans son discours, il rappelle alors que l'on ne peut pas se faire justice soi-même. "C'est quoi une société où on se fait justice soi-même ? C'est la guerre des uns contres les autres !", lance-t-il.
Tous les jours des services de justice, de la police sauvent des femmes. On dit "on ne peut pas sortir de l'emprise". Je ne peux pas valider
Le procureur Jallet reconnaît l'attente sociale forte, mais affirme que le procès qui se joue cette semaine est celui de Valérie Bacot, "pas celui de la société, de la justice, où de sa mère". "Comment une victime de viol peut décider de fonder un foyer avec son agresseur et que cela dure pendant 20 ans ?", se demande-t-il. L'avocat général ne remet pas en cause la violence du parcours de la mère de famille. "Comment une enfant de 14 ans peut être en mesure de s'opposer à un agresseur sexuel ?", lance-t-il estimant que l'adolescente est déjà sous l'emprise de Daniel Polette.
"On lui a coupé la langue"
Durant son discours, l'avocat général se demande comment aucun signe n'a pu alerter un tiers sur la situation traversée par Valérie Bacot et ses enfants. "Pourquoi il n’y en a pas eu ici ? On lui a coupé la langue", estime le procureur Jallet pour qui Daniel Polette a "emprisonné" son épouse.
Comme l'ont indiqué les experts psychiatres et psychologues hier, l'avocat général affirme que face à la violence du père de famille, Valérie Bacot ne pouvait porter plainte. "Lorsqu'elle porte plainte, la victime met en difficulté l'équilibre familial". Revenant alors sur le passage à l'acte, le procureur Jallet souffle : "Il faut comprendre sans excuser". Selon lui, la mère de famille veut protéger ses enfants en tuant son conjoint, rappellant la question posée par celui-ci à sa fille : "comment es-tu sexuellement ?".
Un acte préparé selon l'avocat général
Après avoir évoqué les raisons du passage à l'acte de Valérie Bacot, le procureur Jallet avance que l'accusée a préparé son acte. "La préméditation résulte de sa volonté de protéger ses enfants", explique-t-il. L'avocat général rappelle alors l'épisode de la tentative d'empoisonnement aux somnifères. "Ce n'était pas pour qu'il fasse la sieste. C'était déjà pour éviter qu'il ne prostitue Camille*. Que sa fille évite de vivre ce qu'elle vit déjà ! C'est évidemment pour le tuer ensuite".
Second argument sur lequel s'appuie l'avocat général pour justifier de la préméditation de Valérie Bacot, le choix de préparer l'arme du crime avant l'assassinat. "Elle vérifie que l'arme est chargée, elle prend des munitions. Elle met le sac avec l'arme à portée de main. Le meurtre est possible", décrit-il.
Le meurtre de Valérie Bacot sur Daniel Polette n'est en aucun cas une défense légitime. C'est un assassinat prémédité dans un contexte de violences conjugales
Après une passe violente organisée par son mari durant laquelle elle se fait violer, Valérie Bacot tire une balle dans la tête de Daniel Polette alors qu'il est au volant de sa voiture. "C'était le moment de le tuer. Daniel Polette est vulnérable". Selon lui, Valérie Bacot ne "délire" pas lorsqu'elle tue son époux. "Il n'y a pas d'abolition de la pensée et du discernement. Elle prend cette décision de manière lucide", estime l'avocat général qui appelle tout de même à prendre en compte l'altération de sa pensée en raison du contexte de violences auquel était soumise l'accusée.
S'en suit une nuit durant laquelle l'accusée cache le corps de son mari avec Lucas, son beau-fils et ses deux fils aînés. "C'est d'une violence insoutenable", lance l'avocat général.
Le malaise de Valérie Bacot après le réquisitoire
"Nous, communauté humaine, on ne peut accepter que l'on tue. C'est le message que votre cour doit envoyer", intime le procureur Jallet aux jurés populaires tout en les appelant à prendre en considération la personnalité de la victime Daniel Polette et celle de l'accusée, "victime toute sa vie". L'avocat général demande alors une peine réduite. "Faut-il que Valérie Bacot revienne en prison ? Je crois que la réponse est non", explique-t-il, rappelant que l'accusée a déjà passé un an en détention. Le procureur Jallet réclame "une peine d'emprisonnement à hauteur de 5 ans, dont 4 ans assortis d'une période probatoire". Elle serait libérée si les jurés populaires suivaient ces réquisitions
Après le réquisistoire d'une heure de l'avocat général, Valérie Bacot, prise par l'émotion et le stress, fait un malaise. La femme de 40 ans est prise en charge par les secours au palais de justice de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).
"Je remercie l'avocat général"
Après l'avocat général, Janine Bonaggiunta qui représente les intérêts de Valérie Bacot s'exprime. "Si je plaide aujourd'hui, c'est à la demande de Valérie mais aussi pour toutes ces femmes victimes de violences", commence l'avocate pour qui c'est Daniel Polette qui devrait être accusé face à la cour d'Assises ainsi que ses complices, les parents de Valérie Bacot et les services sociaux qui ne l'ont pas protégée.
Janine Bonaggiunta remercie alors l'avocat général d'avoir "compris ce que Valérie Bacot a subi". Pour l'avocate, Valérie Bacot qui a grandi dans un contexte familial difficile avec une mère alcoolique et violente, est à la fois "Cosette et Cendrillon". Quant à sa vie familiale avec Daniel Polette, Janine Bonaggiunta assure qu'elle "ne pouvait pas partir" ou porter plainte car "elle n'a aucune garantie que cela aboutisse".
Oui elle l'a tué. Mais c'était elle ou lui
Au sujet du passage à l'acte de l'accusée, l'avocate parle de "meurtre" et non-pas d'"assassinat", ne retenant pas la préméditation. "Elle voit l'éminence du péril. Elle envisage le pire et sa réaction n'est pas pour elle mais pour protéger ses enfants. Elle veut que ça s'arrête", décrit Janine Bonaggiunta qui assure que l'accusée ne représente aucun risque de récidive en cas de libération. "Elle est indispensable à la société", affirme-t-elle. Pour l'avocate, envoyer sa cliente en prison "serait une injustice sans nom. La société a une dette énorme envers elle".
Daniel Polette, "le monstre de La Clayette" pour Nathalie Tomasini
Nathalie Tomasini, autre avocate de Valérie Bacot s'exprime ensuite. Celle qui défend l'accusée énonce en préambule les noms des jeunes femmes mortes depuis le début de l'année sous les coups de leur conjoint. "Valérie Bacot aurait pu, aurait dû être l’une des 146 victimes de l’année 2016", si elle n'avait pas tué estime-t-elle. L'avocate surnomme par ailleurs Daniel Polette "le monstre de La Clayette".
Nathalie Tomasini critique ensuite la posture de l'avocat général qui en début de procès a expliqué que Valérie Bacot n'avait rien fait pour sortir de la domination de son époux. "Ce n'est rien comprendre aux mécanismes de l'emprise". L'avocate de la défense s'oppose également à l'accusation sur la question de la préparation de l'acte. "Valérie Bacot n'est pas un assassin". Nathalie Tomasini rappelle que c'est Lucas, le beau-fils de Valérie, qui a mélangé les somnifères au café pour tenter d'endormir Daniel Polette.
Quant à l'arme, il s'agissait d'un objet du couple pour se défendre des clients violents. "Comment imaginer une femme sous le joug de ce bourreau imaginer le dessein de tuer Daniel et d'agir avec calcul quand on la décrit sous emprise extrême ? Ça ne matche pas". Elle ajoute que l'altération du discernement ne lui paraît pas compatible avec le préméditation.
Valérie Bacot pas responsable de ses actes ?
Après avoir évoqué la question de la préméditation, Nathalie Tomasini assure par deux fois que seules les personnes disposant de leur libre-arbitre peuvent être jugés responsables de leurs actes. "Valérie est la définition même de la femme sous emprise d'un degré extrême".
L'avocate joue alors sur les notions d'altération et d'abolition du discernement. Selon elle, sous l'emprise de Daniel Polette mais aussi victime des syndromes de Stockholm et de la femme battue, Valérie Bacot est déconnectée du réel au moment des faits. "La solution, elle ne la choisit pas. Elle lui est imposée. C'est pour ça que les mots de l'avocat général m'ont choquée. Elle ne l'a pas décidé".
Si Nathalie Tomasini reconnaît la réquisition "clémente" de l’avocat général, l’avocate demande l’absence de peine pour sa cliente. "Comment cette société qui n’a pas su protéger Valérie Bacot peut demander condamnation ?".
Valérie Bacot s'exprime en dernier
Après ses avocates, Valérie Bacot a la parole en dernier. "Je voudrais demander pardon à mes enfants, les enfants qu'il a eu avant, à sa famille, à ses ex-compagnes et merci à vous tous de m'avoir écouté et de m'avoir appris beaucoup de choses que je n'ai jamais entendues", exprime-t-elle debout face à la cour d'Assises après avoir fait un malaise ce matin après le réquisitoire de l'avocat général.
"Ce procès est un gros pas pour moi pour arriver à tourner la page et passer un autre cap", a-t-elle poursuivi, exprimant son envie de retrouver ses enfants et sa petite-fille.
Valérie Bacot, "une mère exceptionnelle"
C’est assez rare pour être souligné, peu de proches de la victime se sont constitués partie civile. Seul Hugo*, le plus jeune fils du couple Daniel Polette – Valérie Bacot est représenté par une avocate pour défendre ses intérêts.
Béatrice Saggio qui assure les intérêts du jeune garçon de 14 ans s'est exprimé jeudi et a tenu a rappelé "l’enfer" dans lequel Valérie Bacot a évolué depuis sa plus tendre enfance. "Tout le monde ne peut être que touché, madame Bacot, par les abominations que vous avez subies. Vous n’avez pas été respecté en tant qu’enfant, en tant que femme".
Le conseil départemental de Saône-et-Loire est administrateur ad hoc et représente les intérêts du plus jeune fils de Valérie Bacot. C’est donc au nom du Département que Me. Saggio s’est exprimée face à la cour d’Assises. L’avocate a tenu également a loué le mérite de l’accusée en tant que mère de famille. "Vous êtes une mère exceptionnelle. Vous êtes aimante, attentive, protective, investie".
"Un enfant doit grandir avec ses deux parents vivants"
Mais Béatrice Saggio a tenu à rappeler l’importance pour un enfant de grandir avec ses deux parents en vie. Dans son discours, elle a également affirmé : "Il est à mon sens indispensable dans la construction de ce jeune homme que la loi passe autour du crime". Sans appeler à la condamnation de Valérie Bacot, l’avocate qui représente les intérêts d’Hugo intime à la justice d'envoyer un message.
"Il ne faut pas qu'Hugo soit convaincu que le crime commis par sa mère était la seule solution pour la protéger et le protéger. Ce garçon a besoin de comprendre l’interdit. Qu’il sache que le crime n’est pas la solution".
Ce vendredi, Janine Bonaggiunta est revenu sur cette plaidorie. "Il n’a aucune envie qu’elle s’en aille en prison. La parole qu’on lui a donnée n’est pas le reflet de son désir", tempête l'avocate, assurant s'être entretenue avec son éducateur qu'elle présente "effrondré" après le discours de Me Saggio.
Pour rappel, Valérie Bacot risque la prison à perpétuité.
*le prénom a été changé.