Le FLNC fustige l’autonomie et poursuit son combat contre la "colonisation de peuplement"

Lors d’une conférence de presse clandestine, le FLNC a fustigé le processus d’autonomie en cours tout en dénonçant "une colonisation de peuplement" dans l’île. Pour l’organisation, "l’autonomie évoquée ne sera pas en mesure de préserver le peuple corse dans sa survie". Le groupe armé a également rappelé les 45 actions qu’il a revendiquées depuis octobre dernier.

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Onze hommes en noir, lourdement armés et cagoulés, installés derrière une table au-dessus de laquelle est placardé le sigle FLNC. L’image d’une telle "mise en scène" communicationnelle n’avait plus été revue depuis septembre 2021 (l’organisation avait alors transmis un enregistrement vidéo aux médias qui n’étaient pas présents).

Lors d’une conférence de presse clandestine, le Front de Libération Nationale de la Corse - qui réunit les groupes "Union des Combattants" et "22 octobre" - a abordé plusieurs thématiques à travers la lecture d’un communiqué, signé des slogans des deux entités.

Sur la première des trois pages, le FLNC dénonce "la colonisation dite de peuplement". "Elle est la plus pernicieuse et toujours un choix stratégique du colonisateur, est-il écrit. La position de la Corse sous la tutelle française est une formidable hypocrisie."

Pour les clandestins, "la situation politique actuelle de la Corse dans le giron de la France conduit aux mêmes résultats que toutes les colonisations de peuplement par le monde".

Le FLNC qualifie les chiffres "d’édifiants" concernant l’évolution démographique de l’île : "entre 2015 et 2021, la Corse connaît une augmentation de la population de 20 310 résidents. Pour la plupart des Français", avancent les clandestins.

Le reportage de nos équipes :

durée de la vidéo : 00h03mn12s
Le FLNC a tenu une conférence de presse. ©K. Serreri - L. Luciani - J.-J. Delsol

Le texte fait également allusion au discours d’Emmanuel Macron de septembre dernier à l’Assemblée de Corse. Le chef de l’État avait annoncé sa volonté d’inscrire la Corse dans la Constitution, ouvrant la voie "à une autonomie dans la République". Il n’avait alors pas mentionné la notion de peuple corse, évoquant "une communauté insulaire, linguistique, historique et culturelle".

Cette visite présidentielle "a fini de dissiper les doutes que certains pouvaient avoir", notent les clandestins. 

Et de développer : "Il n’y a pas de peuple corse mais une communauté insulaire, donc pas de reconnaissance du peuple corse prévue. Il n’y a pas de statut de résident possible mais un statut de résidence car tous les citoyens français ont les mêmes droits sur le territoire français."

Selon l’organisation, "ces deux simples points permettent de comprendre que l’autonomie évoquée ne sera absolument pas en mesure de préserver le peuple corse dans sa survie".

Communiqué FLNC Janvier 2024 by Via Stella on Scribd

Au sujet du compromis à trouver - demandé par le président de la République - entre les différents groupes de l'Assemblée de Corse dans le cadre du processus d’autonomie, le FLNC déclare que "l’alliance à venir entre l’exécutif de la Collectivité et la droite insulaire ne pourra en aucun cas constituer un consensus puissant capable d’apporter des solutions à la disparition de notre peuple".

"Pas de destin commun avec la France"

Dans son communiqué, le FLNC a également inscrit une grande partie de son argumentaire dans le contexte international, notamment par rapport à la situation à Gaza.

"Nous soutenons la cause palestinienne. Depuis notre création et aujourd’hui encore", affirme l’organisation clandestine qui rappelle, ainsi, certains de ses fondamentaux. Idem lorsqu’elle martèle à trois reprises qu’elle n’a "pas de destin commun avec la France". Ou quand elle dénonce le "complexe du colonisateur".

Pour le FLNC, cela "conduit d’un côté certains partis politiques français et corso-français à surfer sur l’islamisme radical par pur intérêt électoral et de l’autre le gouvernement français à prendre des positions "en même temps" bien éloignées des exigences actuelles du respect du droit international".

Revendications

Sur la troisième et dernière page, le groupe clandestin "rappelle les 45 actions d’octobre dernier". L’organisation fait vraisemblablement référence à la nuit bleue du 8 au 9 octobre où des attentats simultanés avaient été perpétrés dans l’île, visant principalement des résidences secondaires.

Cette série - d’une ampleur inédite depuis décembre 2012 - avait été revendiquée par le FLNC dès le lendemain. Cependant, le mouvement clandestin n'avait jusqu'ici pas donné le nombre total de ces actions-là, uniquement répertoriées par secteur dans le communiqué.

Dans le texte figure également la revendication d'un attentat ayant visé une maison à Piana, mi-décembre.

En toute fin de communiqué, l'organisation précise "assumer toutes [ses] actions" et dénonce "l’usurpation de son sigle par des manipulations barbouzardes".

Selon nos informations, cela pourrait faire référence, entre autres, à l'attentat perpétré contre la résidence principale d’un couple de jeunes Corses à Lucciana, dans la nuit du 25 au 26 décembre. Les tags "Bon natale" et FLNC avaient notamment été découverts sur les lieux. Néanmoins, l'acte n'a pas été revendiqué.

Contexte

Cette communication des clandestins s’inscrit dans un contexte de reprise des attentats et de redéploiement du mouvement indépendantiste symbolisé par A Chjama Patriotta, qui a d’emblée affiché sa solidarité avec le FLNC.

À l’initiative du collectif de prisonniers Patriotti, cette "démarche de résistance patriotique face à l'Etat français" avait réuni près de 400 personnes à Corte, mi-octobre, quelques jours après la nuit bleue.

Ce dimanche 28 janvier, A Chjama Patriotta organise son assemblée générale constitutive à Corte. Le FLNC n’y fait aucune allusion dans son texte.

Une première en présence des médias

Cette prise de parole des clandestins intervient également après l'annonce de la future venue en Corse de Gérald Darmanin. Principal interlocuteur des élus insulaires concernant le processus d'autonomie, le ministre de l’Intérieur doit se rendre dans l'île début février "pour faire un point d’étape et recueillir la contribution de l’ensemble des acteurs", dixit le Premier ministre, Gabriel Attal.

Là encore, dans le communiqué du FLNC, aucune mention n’est faite quant à cette future visite ministérielle.

Depuis le rapprochement des deux entités "Union des Combattants" et "22 octobre" en juin 2021 au sein du FLNC, c'est la première fois que l'organisation prend la parole lors d'une conférence de presse clandestine en présence des médias.

L'analyse de Jean-Vitus Albertini : 

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L'analyse de Jean-Vitus Albertini. ©FTV/

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