En un an, la ville de Rennes a connu au moins 25 fusillades. Les quartiers de Maurepas et du Blosne, épicentres de cette violence, témoignent d’une escalade alarmante. Retour sur une année de violence liée au narcotrafic.
"L’année commence fort" souffle une source policière. Ce dimanche 5 janvier, une fusillade a éclaté à Villejean, au cœur du quartier universitaire de Rennes. Vers 14h, des tirs d’arme automatique ont semé la panique sur la dalle Kennedy, un lieu connu pour le trafic de drogue.
Les balles ont sifflé. Certaines ont frappé les façades d’un immeuble. Une, plus inquiétante, a perforé un canapé dans un appartement. "Un miracle qu’il n’y ait pas eu de blessé," commente le syndicat de police Alliance. Au total, douze douilles ont été retrouvées sur place, a précisé le procureur de Rennes.
Villejean, déjà sous tension
Cette fusillade n’est pas un cas isolé dans ce quartier. Une semaine plus tôt, le 29 décembre, des coups de feu retentissaient en soirée. Le lendemain, un homme armé d’un calibre 9 mm tirait trois fois en l’air après avoir visé un autre individu. Pas de blessé, pas de plainte.
Pour les forces de l’ordre, ces épisodes sont liés au trafic de drogue. Mais la fusillade du 5 janvier marque un tournant, alerte David Leveau, du syndicat Unité. “On a souvent des tirs d’armes à feu, de nuit, dans les quartiers du Blosne ou de Maurepas. Là c’est l’heure où les gens déambulent. On a un débridage total [...] de ces individus prêts à régler leurs comptes ”
Une violence cartographiée
Depuis mars 2023, Rennes a connu au moins 25 fusillades, selon les données compilées par notre rédaction et les articles de la presse locale. Deux quartiers ressortent comme épicentres de cette violence : Maurepas, au nord, et le Blosne, au sud.
Sur cette carte interactive vous pouvez observer par date et par quartiers les différentes fusillades dans la ville.
Entre le 29 juillet et le 27 octobre 2024, Maurepas a enregistré neuf fusillades en seulement trois mois. Une escalade qui n’étonne plus les habitants.
Lire : Dans le quartier de Maurepas entre drogue et violence, un quotidien miné par le narcotrafic
Au Blosne, la tension avait atteint un pic entre décembre 2023 et janvier 2024. Tout commence avec un homme vu à plusieurs reprises, arme automatique en main, près de trois écoles. Les établissements doivent confiner élèves et enseignants. Peu après, trois fusillades secouent le quartier. Et le 10 mars 2024, l’escalade : une fusillade d’une heure blesse deux personnes. "Du jamais vu à Rennes," rappelait alors Frédéric Gallet, du syndicat Alliance.
Une violence dans toute la ville
Ces quartiers ne sont pas les seuls touchés. Rue Saint-Michel, en plein centre-ville, une fusillade liée à une tentative de meurtre a fait un blessé. Les auteurs, rapidement arrêtés, sont en détention.
Sur la rocade de Rennes, un enfant de 5 ans a été gravement blessé par balle alors qu’il se trouvait dans une voiture ciblée par des tireurs.
Au total, sept quartiers rennais ont été le théâtre de fusillades.
Une police sous pression
Après la fusillade traumatisante de mars 2024 au Blosne, la police a réagi. Une opération "place nette" a mobilisé 60 agents chaque nuit, d’avril à mai. Résultat : depuis, aucune fusillade n’a été signalée dans ce quartier.
Mais cette accalmie soulève des questions. Les trafiquants du Blosne se sont-ils déplacés à Maurepas ? "Non," assure une source policière. "Les dealers de ces deux quartiers sont différents."
Les habitants du Blosne confirment : si la tension a baissé, le trafic, lui, reste omniprésent dans les halls d’immeubles.
La guerre des points de deal
Derrière ces fusillades, une guerre de territoire. Les points de deal sont des trésors : entre 50 000 et 75 000 euros de revenus quotidiens. Des trafiquants venus de banlieue parisienne, la DZ Mafia de Marseille, ou encore des dealers rennais sortis récemment de prison alimenteraient ces conflits.
Mais la réponse est plus complexe. "Les circuits de la drogue à Rennes ne se limitent pas à la Bretagne," confie une source policière.
Appel à un plan national
Face à ces violences, Nathalie Appéré, maire de Rennes, réclame une réponse à l’échelle nationale. "Nous faisons face à des mafias internationales, à du grand banditisme," déplore-t-elle.
La police nationale demande le classement de Rennes en secteur difficile. De leur côté, les policiers municipaux, de plus en plus inquiets, souhaitent être armés.