Procès du double assassinat de Bastia-Poretta : retour sur la septième semaine d'audience

Demande de récusation du président, interrogatoire des accusés, rapport de police versé aux débats par la défense de Jacques Mariani... Retour sur les faits marquants de la semaine écoulée au procès du double assassinat de Bastia-Poretta dont le verdict devrait être rendu le 28 juin.

Récusation rejetée

Lundi 17 juin, dès le début de cette septième semaine d’audience consacrée aux interrogatoires des accusés sur les faits, une question planait au-dessus du procès "Poretta" : qu’en serait-il de la demande de récusation du président de la cour d’assises déposée par deux accusés ?

La réponse du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est arrivée en fin de journée : chargé de statuer, il a rejeté la requête d'Abdel-Hafid Bekouche et Richard Guazzelli dans laquelle les deux hommes - qui refusent de comparaître depuis le 23 mai - dénonçaient la "partialité patente" de Jean-Yves Martorano, le magistrat chargé de conduire et d’organiser les débats. Leur demande, qui n'a pas été évoquée dans le prétoire, faisait de nouveau référence au remaniement du planning d’audience que le président de la cour d'assises avait effectué mi-mai, décalant ainsi de quatre semaines l’audition des enquêteurs. Ce qui avait alors entraîné un bras de fer avec la défense. Depuis, le procès a pris une tournure plus que particulière, huit des neuf accusés détenus refusant toujours de revenir dans le box.

Pour les deux requérants à l'origine du dépôt de cette demande de récusation, cette modification du calendrier "portait une atteinte gravissime à la cohérence des débats, à leur intelligibilité et à l’exercice effectif des droits de la défense".

L'argumentaire n'a pas convaincu le premier président de la cour d'appel. Dans son ordonnance, il a notamment estimé que "les requérants n’ont pas démontré en quoi la modification de l'ordre de déposition des témoins entraînerait des difficultés de compréhension des jurés et un empêchement pour eux ou leur conseil de poser des questions".

Sept à la barre

Parmi les quinze accusés jugés depuis le 6 mai au palais Monclar d'Aix-en-Provence, ils ne sont que sept à avoir été interrogés sur les faits par la cour cette semaine, notamment les cinq personnes qui comparaissent libres. C’est le cas de Dominique Sénéchal. L’ex-mari de Cathy Chatelain a été le premier à se présenter à la barre.

Poursuivi pour "association de malfaiteurs", l’homme de 47 ans est notamment accusé d’avoir détruit le téléphone occulte PGP de celle qui était encore son épouse en décembre 2017. S’il a indiqué "l’avoir cassé en mille morceaux à coups de marteau", il a en revanche nié avoir eu connaissance du projet criminel dans lequel Cathy Chatelain est la seule des accusés à avoir reconnu sa participation.

Également renvoyés pour "association de malfaiteurs", les quatre autres accusés libres - Gaëlle Sker, Chloé Castellana, José Menconi et François Marchioni - sont suspectés d'avoir apporté une aide logistique. Certains d'entre eux, détenteurs d'un téléphone crypté PGP au moment des faits, ont eu à s'expliquer à la barre sur des échanges de messages. Face aux jurés, ils ont tous contesté avoir été au courant de la préparation du double assassinat de Tony Quilichini et Jean-Luc Codaccioni, le 5 décembre 2017 à l’aéroport de Bastia-Poretta. 

"Vrai-faux" retour

Si, à l'exception de Jacques Mariani, tous les accusés détenus refusent toujours de revenir dans le box depuis le 23 mai, certains ont changé d’avis cette semaine. D’autres, ont hésité. Mercredi 19 juin, c’est d’abord Jimmy Bailleul qui est réapparu derrière la vitre afin d’être interrogé par la cour pour "laver [son] honneur". Poursuivi pour "association de malfaiteurs", l’homme de 38 ans - qui n’était pas assisté d’un avocat - a notamment eu à s’expliquer sur l’exfiltration de Corse d’Abdel-Hafid Bekouche, le soir du 5 décembre 2017. "Je n'ai exfiltré personne", a-t-il clamé. Le lendemain de son interrogatoire par la cour, il n’est pas revenu dans le box.

Ce même jour, jeudi 20 juin, c’est Cathy Chatelain qui a failli faire sa réapparition dans la salle des assises. Refusant de comparaître elle aussi depuis près d'un mois, l’ex-surveillante de la prison de Borgo, poursuivie pour "assassinat en bande organisée", avait envisagé de faire son retour avant de se raviser. Dans un courrier adressé au président Martorano, qui l'a lu à l’audience, elle a finalement considéré "qu’il était incohérent de remonter dans le box".

"Francis Mariani s'est fait exploser..."

"Si vous me titillez, je le sors". Cette phrase adressée par Jacques Mariani aux deux avocats généraux mardi lors de son interrogatoire a trouvé un écho deux jours plus tard. Jeudi, alors que l’audience se résumait à une interminable lecture des procès-verbaux des auditions pendant l'enquête de certains accusés absents, sa défense a produit l’extrait d’un rapport de police. Les avocats de Jacques Mariani l'ont remis au président.

Il s'agit de la retranscription de la sonorisation de la cellule de Jean-Luc Germani, lorsqu'il était incarcéré aux Baumettes. Dans ledit document, il est écrit que ce dernier a dit, au sujet du père de Jacques Mariani : "Francis Mariani s’est fait exploser en voulant préparer une bombe pour un autre."

Présenté comme une figure de la Brise de mer, il avait tué en janvier 2009 dans l’explosion d’un hangar près d’Aleria. L’enquête avait conclu à un non-lieu.

Versé aux débats, cet extrait du rapport de la Brigade nationale de lutte contre la criminalité organisée corse (BNLCOC) précise que cette phrase attribuée à Jean-Luc Germani a été prononcée lors d’une conversation avec d’autres codétenus, entre septembre 2015 et mars 2016. Fiché au grand banditisme, ce dernier est présenté comme un proche des deux victimes du double assassinat de Bastia-Poretta.

Pour la défense de Jacques Mariani, cette déclaration écarterait la thèse de la vengeance personnelle concernant leur client. L'un des deux avocats généraux s'est quant à lui interrogé sur "l’autorité qu'a Jean-Luc Germani pour décider s'il s'agit d'un accident ou pas", ajoutant que "[sa] seule légitimité était d'avoir été suspecté d'être à l'origine de l'explosion".

Dernière semaine

Ce lundi 24 juin, le procès entrera dans sa huitième et dernière semaine. Après les réquisitions du ministère public, viendront les plaidoiries de la défense à partir de mardi matin. La parole devrait être ensuite donnée aux accusés mercredi dans l'après-midi et jeudi.

Avant que le procès ne connaisse tous ces rebondissements, le verdict avait été fixé au 5 juillet. Les débats ayant été raccourcis en raison de l'absence de contradictoire consécutive à l'absence de huit accusés qui ont récusé leurs avocats, la décision de la cour d'assises devrait être rendue vendredi 28 juin.

D'ici là, il n’est peut-être pas à exclure que certains accusés décident de rejoindre Jacques Mariani dans le box pour prendre la parole ou assister au verdict. Dans sa lettre adressée jeudi matin au président de la cour d'assises, Cathy Chatelain a en effet écrit qu'elle était "prête à revenir pour y recevoir sa peine". Cela pourrait constituer un énième coup de théâtre dans un procès qui n'est plus à une péripétie près...

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