Municipales à Montpellier : une campagne trépidante mêlée d'alliances et de désaveux

Ils se sont lancés dans une course folle pour l’obtention de la ville de Montpellier. Des quatorze candidats présents sur la ligne de départ il n’en reste plus que trois... Mais sur le trajet quelques mariages inattendus viendraient-ils bouleverser l’issue de ce scrutin ?
 

 

A vos popcorns ! Le scénario est digne d’un film que l’on n’aurait pas pu imaginer… Une campagne aux élections municipales rythmée par des rebondissements en tout genre se déroule à Montpellier depuis maintenant plusieurs mois. Une star de Youtube, un milliardaire, un maire sortant opéré du genou à trois mois du vote, dès la préface, le scénario s’annonçait épicé….

 

Une alliance improbable

 

Il aura fallu retenir son souffle jusqu’aux dernières heures avant la clôture du dépôt des listes pour le second tour pour découvrir certainement la plus grande surprise politique du second tour : l’alliance entre le milliardaire Mohed Altrad et le trio Gaillard-Doulain-Ollier.

Ces trois derniers avaient conclut un pacte pour lutter contre la candidature Saurel à l’issue du premier tour des élections. Ces candidats que tout semble opposer au premier abord - celle-ci compte en effet notamment, un capitaine de l'industrie et une écologiste - ont choisi de faire front commun pour le second tour des élections. Et c’est dans l’objectif d’aller vers le plus offrant qu’ils ont entamé les négociations avec les deux opposants au maire sortant (Mohed Altrad et Michaël Delafosse).

 

 

C’est à travers la plateforme "Nous sommes n’importe qui, nous avons l’écologie en commun", que les trois alliés se sont engagés. A eux trois, ils ont rassemblé plus de 26% des voix au premier tour, soit bien plus que le score réalisé par les trois candidats en tête.

 

 

Via son compte Facebook, le mouvement citoyen #NousSommes, porté par Alenka Doulain,  s'est justifié : "notre nouvelle alliance, surprend, interroge, enthousiasme". 

 

 

"C'est la stratégie qui a primé au détriment de la philosophie politique de chacun"

 

"On en est arrivé là par la frustration des règles électorales, et plus précisément de la barrière électorale. Une barrière qui a failli être atteinte par deux listes (celle de Alenka Doulain et Rémi Gaillard). Ces trois listes se sont simplement associées pour peser plus. A eux trois ils représentaient 27% des voix soit bien plus que les trois candidats qualifiés pour le second tour. C’est donc cette stratégie qui a finalement primé au détriment de la philosophie politique de chacun", explique Emmanuel Négrier, Directeur de recherche en science politique au CNRS.

Le plus offrant visiblement a donc été Mohed Altrad, puisque c’est avec lui qu’ils vont faire front commun pour le second tour. Dans cette alliance, la 31ème fortune de France laisse 24 places à ses nouveaux alliés, sur 65 au total. Alenka Doulain prend la seconde place de la liste, Clothilde Ollier occupe de son côté la 4ème place, Rémi Gaillard se retire lui de la course, laissant la place à un de ses colistiers.

Pour résumer, dans cette première coalition fusionnent, un milliardaire actuellement secoué par une histoire de non paiement du salaire de ses ouvriers dans le Golfe, un Youtubeur qui réalise des vidéos humoristiques aux millions de vues, et deux candidates plutôt ancrées extrême-gauche. Le tout sous une liste intitulée "Cœur Ecologie Démocratie". "Pas sûr que les électeurs s’y retrouvent", suggère Emmanuel Négrier.

 

 

Jusque là, le scénario est déjà surprenant. Mais comme à Montpellier, les choses ne sont jamais simples, ce nouvel esprit d'équipe s’est fissuré déjà quelques heures seulement après l’annonce faite. 

Des anciens colistiers de ces candidats et notamment du côté de Clothilde Ollier le collectif Confluence - proche des Insoumis - ont décidé de claquer la porte n’appréciant pas cette nouvelle alliance.

"Nous dénonçons cet accord, il ne peut être fait en notre nom, il trahit nos valeurs", s’insurgent 42 colistiers de Clothilde Ollier, dont la députée LFI Muriel Ressiguier. "Il n’est pas possible de soutenir un candidat qui n’a jamais condamné la politique d’Emmanuel Macron, précise Paul Vannier, en charge du comité de pilotage des municipales. Cette liste n’a pas l’aval de La France insoumise".

 

Un nouveau ramdam chez les Verts évité de justesse 

 

Avant de se lier avec Mohed Altrad, le trio avait pourtant négocié pour intégrer la liste d’union de la gauche du socialiste Michaël Delafosse. Mais ces négociations n’ont finalement jamais abouti.

 

 

Sa liste d’union de la gauche s’est en effet ouverte aux Verts de Coralie Mantion qui prend la seconde place de sa liste. L’outsider Michaël Delafosse (PS), arrivé 2ème en mars, renforce ainsi ses chances en faisant liste commune avec l’écologiste. A eux deux, ils rassemblent plus de 24% des voix.

"Michaël Delafosse a évité un vacarme monstre en ne s’alliant pas avec le trio dans la mesure où il avait déjà scellé une alliance avec les Verts. Refaire une fusion avec Clothilde Ollier aurait probablement créé beaucoup d’animosité", précise Emmanuel Négrier.

 

 

En effet, il ne faut pas oublier que tout au long de cette campagne, le parti EELV s’est déchiré à Montpellier. Le feuilleton a animé la toile pendant de nombreuses semaines, tenant en haleine les électeurs, aujourd'hui encore d'ailleurs. Le 9 juin dernier notamment, Europe Ecologie Les Verts a démenti via son compte Twitter une affirmation de Clothilde Ollier. Selon eux, cette dernière aurait prétendu avoir une majorité dans la liste Altrad. 

 

 

Celle qui était pourtant désignée tête de liste à la primaire de son parti, Clothilde Ollier a été évincée en janvier dernier, entre autres à cause de son rapprochement avec la France Insoumise. Le choix de Clothilde Ollier de modifier son équipe de campagne en écartant Manu Reynaud son binôme désigné à l'issue de la primaire, au profit de Jean-Yves Dormagen, avait également été très critiqué. 

 

 

Alors pourquoi écarter celle qui partait à l’époque pourtant en tête des sondages pour ces élections ?

 

Les Verts n’ont pas eu besoin de l’instrumentalisation de La France Insoumise ou du Parti Socialiste pour se précipiter dans l’accident industriel, ils sont responsables de cette situation,

 

analyse le politologue. C’est finalement Coralie Mantion qui avait pris la tête du parti après ce divorce officialisé devant la justice.

"Michaël Delafosse, au premier abord, c’est celui qui semble le plus rassembleur sur le papier, mais il faut que cela se traduise dans les urnes. Il lui faudra dans tous les cas qu’il conquiert des électeurs puisque pour l’instant si on additionne les scores, il n’obtient que 24%", précise Emmanuel Négrier.

 

Un maire sortant fragilisé ?

 

Face à ces deux alliances, il reste un candidat : Philippe Saurel, le maire sortant, en tête du premier tour des municipales avec 19,11%.

Le maire s’était d’ailleurs déclaré candidat au dernier moment. En raison de sa convalescence liée à une opération du genou, il n’avait quasiment pas fait campagne pour le premier tour. Alors arrivera-t-il à conserver la mairie de Montpellier ?

 

"Il peut avoir bénéficié pendant cette période de crise sanitaire, d’une bonne exposition dans les médias. Mais est-ce-que cela va suffire à contrebalancer la médiocrité de son score au premier tour…", s’interroge Emmanuel Negrier.

 

 

Quoi qu’il en soit c’est sur la même lignée que se lance Philippe Saurel dans ce second tour des municipales. Ses 64 colistiers, de son côté, sont strictement similaires à ceux du premier tour.

Des discussions avec Patrick Vignal, qui a rassemblé 6,10% des voix ont pourtant été engagées mais aucune fusion de liste n’a été réalisée. Le candidat préfère pour l’heure "observer les positions des candidats pour les trois prochaines semaines de campagne", avant d’apporter son soutien à l'un d'entre eux, a-t-il annoncé via son compte Twitter. 

 

 

 

 

Toute cette campagne est totalement inédite. Cela prouve que Montpellier est dans une situation de décomposition politique avancée. C’est à la fois désespérant mais aussi intéressant à étudier parce que finalement cela évoque la transformation du rapport de la société à la politique,

 

se désole Emmanuel Négrier. Rappelons également que lors du premier tour un candidat s’est présenté sous l’étiquette RN alors que son parti lui avait retiré l’investiture. Un autre, s’est de son côté retiré de la politique à l’issue de son faible score au premier tour. Et enfin, un dernier a obtenu moins de votes (64) que de personnes présentes sur sa liste (65).

Emmanuel Négrier ajoute cependant "qu’il ne faut pas oublier la faible participation lors de ce scrutin. Finalement, tout cela ne galvanise pas les électeurs".

Le premier tour des élections à Montpellier, comme partout en France, a été marqué par un fort taux d’abstention : 65,39%.

 

 

Le second tour pourrait ainsi réserver encore de nombreuses surprises. Pour en connaître l’issue, rendez-vous le 28 juin prochain.

D’ici là n’oubliez pas de garder quelques popcorns pour le débat du second tour des municipales. Il sera diffusé lundi 15 juin à 18h sur France 3 Languedoc-Roussillon.

©France 3 Occitanie

 

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