Comment Jamilah Habsaoui, la maire d’Avallon mise en examen pour trafic de drogue, a repris ses fonctions

Le 7 avril 2024, Jamilah Habsaoui est arrêtée puis mise en examen dans une rocambolesque affaire de trafic de drogue. Sept mois après, elle est de retour aux affaires de la ville et préside de nouveau le conseil municipal.

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Les affaires de drogue sont le quotidien des gendarmes. À la ville comme à la campagne, les stupéfiants sont partout. Planques, perquisitions et mises en examen sont monnaie courante. Mais ce jour-là, dimanche 7 avril, les gendarmes de l’Yonne savent que la descente qu’ils s’apprêtent à faire dans un pavillon d’Avallon n’a rien de commun.

Drogue, argent liquide et (faux) lingots d'or

Ce pavillon, c’est la demeure familiale des Habsaoui. Il y a le père, âgé et veuf depuis peu, qui vit sur place. Et puis il y a ses enfants qui passent régulièrement le voir : Rachid, Benaïssa, et Jamilah, qui n’est autre que la maire (divers gauche) de la ville. 

Pendant cinq mois, les gendarmes ont enquêté. En ce début du mois d’avril, ils ont réuni assez d’éléments pour obtenir une perquisition. Ce dimanche-là aux aurores, ils ne sont pas moins de 75 officiers - brigade de recherches, PSIG, maîtres-chiens - à se déplacer sur place.

Dans le sous-sol du pavillon de la Morlande, qui sert aussi de garage, les enquêteurs découvrent un coffre-fort. À l’intérieur : 983 grammes de cocaïne. Plus loin dans l’abri de jardin : près de 70 kilos de résine de cannabis, conditionnée en “savonnettes”.

En parallèle, d’autres perquisitions sont menées. À la mairie d’Avallon et dans la pharmacie où travaille l’élue, les gendarmes ne trouvent rien. En revanche, ils découvrent de l’argent liquide et “environ un kilo” de cannabis chez l’un des deux frères Habsaoui. Et surtout, chez le second frère : un peu de drogue, près de 7000 euros en liquide, 18 faux lingots d’or, et deux lingots authentiques. 

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Dans la foulée de ces perquisitions, sept personnes sont arrêtées. Au fil des gardes à vues, certaines sont relâchées. Les frères et soeur Habsaoui, eux, sont mis en examen après 72 heures de garde à vue et placés en détention provisoire. La maire, aux commandes depuis 2021 de cette petite ville de 6 400 habitants, passe sa première nuit en prison. Dans le paysage politique de l’Yonne et de toute la Bourgogne, c’est un coup de tonnerre. 

Coup de tonnerre

Dans les jours suivants, les riverains du quartier de la Morlande voient arriver le ballet des journalistes, qui succède à celui des gendarmes. Chacun y va de sa réaction à notre micro : "Je suis choquée, ne serait-ce que pour les enfants, ce n’est pas un exemple pour eux. Le maire représente l’image de la ville, ça la fiche mal", confie une habitante. "Je n’ai jamais vu d’allées et venues qui pourraient laisser penser à de la clientèle. Rien ne me laisse penser qu’il pourrait y avoir de la drogue dans cette maison", affirme un voisin proche, ajoutant : "On sait que l’un de ses frères est un peu borderline."

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Politiquement aussi, l'arrestation de la maire fait grand bruit. La Région, tout en réaffirmant la présomption d'innocence, suspend la délégation de Jamilah Habsaoui et acte sa mise en retrait de son groupe politique. L'équipe municipale d'Avallon, "sidérée et bouleversée", se dit convaincue de l'innocence de sa maire. C'est le début d'un feuilleton judiciaire qui connaîtra plusieurs rebondissements et qui, au fil des semaines, fragilisera les soupçons pesant sur Jamilah Habsaoui.

"Les stupéfiants étaient conservés à l'insu de sa soeur"

Le 12 avril, soit deux jours après le début de la détention provisoire de la fratrie Habsaoui, premières révélations. Rachid Habsaoui prend la parole par le biais de son avocat. Ce soudeur SNCF de métier, qui a fait de la prison 18 ans plus tôt, endosse la responsabilité des infractions et innocente sa soeur. "Mon client dit qu'il a servi de nourrice dans le cadre d'un trafic de stupéfiants, dont il n'est pas le chef de réseau. Les stupéfiants étaient conservés à l'insu et sans le consentement de sa soeur", indique maître César Lauwerie.

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Une semaine après les perquisitions, un rassemblement spontané réunit 200 habitants sur la place de l'hôtel de ville d'Avallon, en soutien à leur maire.

Le 23 avril, Jamilah Habsaoui voit sa première demande de remise en liberté rejetée. Mais deux jours plus tard, la même demande est acceptée pour son frère Benaïssa, 52 ans. "Un désaveu pour le parquet d'Auxerre", fustige l'avocat de ce dernier, Steeve Ruben. "J’espère que cette décision pourra contribuer à la remise en liberté de Jamilah Habsaoui."

Mais la maire passera encore plusieurs semaines en prison avant sa libération conditionnelle. Le 7 mai, par le biais de ses avocats, elle clame à nouveau son innocence et dit avoir "confiance en la justice". Le 13 mai, un premier conseil municipal se tient sans la première élue.

Ce n'est que le 14 mai que Jamilah Habsaoui obtient finalement sa remise en liberté conditionnelle. Elle est "soulagée, très soulagée", selon son avocat Florian Grigis. Auprès de France 3, certains élus témoignent de leur soutien - "À titre personnel, je suis convaincu de son innocence", déclare Nicolas Soret, maire de Joigny. Mais globalement, la sphère politique reste prudente et évite de s'engager dans ce dossier toujours hautement sensible. Car la responsabilité de Jamilah Habsaoui dans ce trafic reste difficile à quantifier. Que savait-elle ? Doit-on croire son frère qui l'innocente ? Surtout, que disent les preuves matérielles ?

Des questions toujours en suspens

À ce sujet, un certain flou demeure. Interrogé à plusieurs reprises, le parquet d'Auxerre ne donne pas de précisions sur les résultats des tests ADN et empreintes réalisés sur les saisies. Dans un article du 10 septembre, l'Yonne républicaine affirme que "les analyses se sont avérées négatives pour toutes les personnes impliquées dans l'affaire". Mais réinterrogé ce 29 octobre, le parquet ne confirme toujours pas, et n'infirme pas non plus, ces informations. Contactés, les deux avocats de Jamilah Habsaoui n'ont pas donné suite. 

En attendant, la vie reprend son cours à Avallon. Le 11 octobre, Jamilah Habsaoui, de retour chez elle après l'allègement de son contrôle judiciaire fin septembre, effectue sa première déclaration orale, face caméra, dans une vidéo publiée sur les réseaux. Elle réaffirme son innocence. "Il ne m'échappe évidemment pas que la mise en cause, dans cette procédure, de mes deux frères, peut interroger et troubler. Je rappelle simplement que nous ne sommes pas responsables de nos proches, même si les conséquences de leurs actes individuels peuvent être graves et douloureux."

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Trois jours plus tard, elle reprend son siège et préside son premier conseil municipal depuis sept mois. Après une courte allusion à "l'affaire" sur laquelle elle ne s'étend pas, Jamilah Habsaoui embraie : rénovation du centre-ville, budget municipal... Le ton est donné : il faut montrer aux Avallonnais que l'on avance sur les "vrais" sujets du quotidien.

Dans la salle municipale, des applaudissements fusent. Des critiques aussi. "En revenant, vous faites passer votre ambition personnelle avant le bien de la communauté. Avallon ne vous a pas choisi, Avallon vous subit depuis quelque temps. C'est la justice qui tranchera", assène Sonia Patouret, conseillère d'opposition.

La justice, elle, continue son travail. "On peut avoir l'impression qu'il ne se passe rien, mais l'instruction est toujours en cours et elle travaille", affirme une source judiciaire. Deux juges d'instruction sont en charge du dossier. Du côté des mis en examen, on reste discret. "Notre stratégie n'est pas de nous exposer", confient les avocats de Jamilah Habsaoui. "La meilleure réponse est ce que l'on obtient par la voie judiciaire. Nous avons obtenu gain de cause en lui permettant de revenir dans l'Yonne", nous disait maître Florian Grigis le 16 octobre dernier.

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