Carte des zones défavorisées, importations de viande sud-américaine, relation avec la grande distribution, projet de P.A.C. et plan loup : les motifs de mécontentements enflent sur le salon de l'Agriculture 2018. Les manifestations ont concerné toutes les régions. Retour sur cette colère paysanne.
La liste est longue et le malaise touche toutes les régions de France. Ces dernières semaines, les manifestations agricoles se sont multipliées juste avant le grand rendez-vous parisien de la Porte de Versailles. Cette 55 ème édition du Salon de l'Agriculture garde encore l'odeur des pneus brûlés des barrages routiers. Les motifs de grogne sont nombreux et la crise est profonde. Nous avons retenu 5 dossiers chauds pour vous expliquer dans quel contexte le Président de la République, Emmanuel Macron, va devoir traverser la plus grande ferme de France.
Les oubliés des zones agricoles défavorisées
La carte des Z.A.D. remporte certainement la palme de la contestation agricole, pour preuve, le nombre de kilomètres de bouchons provoqués par les barrages des agriculteurs au début de l'année. Toulouse, Montauban, Niort, Pau ou Orléans ont été bloquées par les cortèges de tracteurs, des tas de pneus ou des épandages de fumier.Bruxelles demande la révision de la carte des communes considérées comme des zones agricoles défavorisées.
Cette classification donne droit à des aides de la communauté européenne. Nous ne sommes, ni dans des zones de haute montagne qui possèdent leur propre système de subventions ni dans les plaines de la Beauce, mais dans un entre-deux parfois difficile à délimiter.
La colère est forte. Certains barrages dureront plusieurs jours notamment en Occitanie autour de Toulouse.
Christian Couderc, éleveur à Pouffailles, dans le Tarn-et-Garonne, témoigne de sa souffrance à continuer à produire à perte.
Le bras de fer avec la grande distribution
Les hyper et supermarchés ont aussi été la cible des manifestants ces derniers mois. Il est question de l'écart de plus en plus grand, entre le prix de vente sur les étals et le prix de production. La différence devient souffrance.Vous payez environ un euro votre litre de lait. Et beaucoup plus cher lorsqu'il est transformé. Le producteur qui dans son exploitation élève, surveille, soigne, et trait ses vaches, vend ce même litre de lait environ 27 centimes.
Témoignage recueilli en Dordogne où l'on parle d'agonie blanche. S'y ajoute la crise du géant Lactalis, le scandale du lait maternisé, qui fait craindre aux producteurs une nouvelle chute du prix du lait. Comme en Normandie dans l'Eure.
Manifestation dans les hypermarchés du Calvados.
Vendre au juste prix. Revendication également portée par des éleveurs de l'Allier à la mi-février. En Ille et Vilaine les jeunes agriculteurs bretons contrôlent les produits dans les rayons.
Au lendemain des Etats généraux de l'alimentation le 31 janvier dernier, Emmanuel Macron avait annoncé sa volonté d'inverser la construction du prix des produits agricoles en partant des coûts de production et de limiter les promotions des supermarchés pour rééquilibrer "les relations commerciales dans la filière agro-alimentaire".
La nouvelle politique agricole commune
"Il faut changer la PAC !" entend-on sur les tons. La politique agricole commune, l'organe de régulation des prix et des subventions aurait besoin d'un bon coup de jeune pour coller aux nouvelles règles de la concurrence. Née en 1958, elle a connu un virage décisif en 2015 avec l'abandon des quotas.La France est le premier pays bénéficiaire de la Politique Agricole Commune : plus de 9 milliards d'euros d'aide chaque année, sur un budget total de 52 milliards. Ainsi 360 000 exploitations agricoles bénéficient de la PAC en France, soit deux fermes sur trois.
La réforme de la P.A.C. ce sera la 6 ème, fait craindre une baisse du budget alloué à l'agriculture. Certains comme le syndicat la Confédération paysanne espère qu'on réussira à "faire reculer un modèle d'agriculture productiviste".
Les éleveurs bovins et les producteurs de lait redoutent le plus cette nouvelle réforme.
La concurrence du boeuf sud-Américain
Les accords internationaux avec le Mercosur suscitent la plus grande inquiétude dans le monde agricole. Les éleveurs redoutent les importations de boeuf sud-américain qui ne sont pas soumises aux mêmes règles de qualité de production de la viande ( utilisation d'antibiotiques, d'hormones). Il s'agit d'un projet d'accord économique entre l'Union Européenne et le Mercosur, marché commun réunissant le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay.Ces négociations sont à l'origine des toutes dernières manifestations. A Lille le 21 février ils étaient des centaines dans les rues. De St Etienne à Clermont-Ferrand, on a sorti les tracteurs.
Le plan loup
40 loups abattus en 2018. A peine annoncé, le plan loup présenté le 19 février, s'attire les critiques des éleveurs et des écologistes. Tout particulièrement dans le secteur des Alpes maritimes, du Mercantour où le loup est revenu depuis 1993.Les indemnisations seront désormais réservées aux éleveurs qui auront pris des mesures pour protéger leurs troupeaux en installant des clôtures et en utilisant des chiens patous.
200 brebis tuées en 2017 en Sud-Aveyron. Cette éleveuse avait interpellé le ministre de l'agriculture Stéphanre Travert qui avait parlé du zéro prédation. Avec 500 loups attendus en France en
Le plan Macron
En recevant 700 jeunes agriculteurs à l'Elysée jeudi, Emmanuel Macron a redit qu'il investirait 5 milliards d'euros dans l'agriculture. Il a promis des prêts garantis pour permettre l'installation de jeunes agriculteurs, promis qu'il n'y aurait pas de boeuf aux hormones en France et la mise en place prochaine de "verrous réglementaires" sur les achats de terres agricoles par des étrangers en France. « Le plan “Ambition bio” doit nous permettre d’atteindre l’objectif de 15 % des surfaces (agricoles) en bio d’ici 2022" a déclaré le chef de l'Etat.Cela sera-t-il suffisant pour éviter les jets d'oeufs cette année ?