La Bourgogne n'est pas une terre où l'on a combattu pendant la Première Guerre mondiale, mais sa situation géographique en a fait l'antichambre de la zone de guerre. Une zone militaire stratégique, très engagée dans le conflit, à l'arrière.
1. La vie à l'arrière racontée dans le détail par un Dijonnais
Dès août 1914, la Bourgogne a été le témoin immédiat des bouleversements engendrés par la guerre. L'arrivée des réfugiés de Belgique et du nord de la France et leurs témoignages des horreurs vécues, le passage incessant de trains remplis de soldats envoyés aux frontières pour contrer l'envahisseur allemand, l'a tout de suite plongée dans la réalité du conflit.Cette transformation de la vie quotidienne à l'arrière a été décrite au jour le jour par un Dijonnais, le lieutenant Cullard, militaire retraité trop âgé pour être mobilisé, qui a tenu un journal de 1914 à 1919.
Doué d'un talent certain pour le dessin, il a illustré ses écrits de scènes observées dans la ville. Un ouvrage mis en ligne par la bibliothèque patrimoniale et d'études de Dijon.
2. Les bruits de la guerre entendus jusqu'en Bourgogne
La Bourgogne a été aux premières loges des événements meurtriers de la guerre. Elle n'est séparée des terres de combat que par l'Aube et la Haute-Marne. Un instituteur de Courcelles-les-Montbard a rapporté dans ses cahiers de guerre qu'il n'était pas rare d'entendre jusqu'en Bourgogne le vacarme de l'artillerie en Champagne.
C'est en Côte-d'Or, depuis Châtillon-sur-Seine où il avait installé son Q.G., qu'à la veille de la première bataille de la Marne, le 5 septembre 1914, le généralissime Joffre a ordonné aux troupes "d'avancer coûte que coûte, de garder le terrain conquis et de se faire tuer sur place plutôt que de reculer."
3. Une cantine au poil pour les soldats : le Poilus-Palace
L'Yonne et la Côte-d'Or ont été parmi les premiers départements à voir arriver les convois de blessés. Horrifiées par leurs nombres et par la gravité des blessures, les villes ont dû s'adapter et ouvrir de nouveaux hôpitaux temporaires, comme par exemple au lycée Carnot à Dijon. La présence de Poilus en convalescence, mais aussi simplement de passage en permission, n'a pas toujours été sans problème.
Un lieu a été spécialement construit en gare de Dijon pour accueillir les soldats, une cantine offrant une multitude de services et de commodités (dortoir, douches, blanchisserie).
Cet établissement était à ce point apprécié qu'ils l'ont eux-mêmes baptisé "le Poilus Palace". Il avait été imaginé et conçu par des notables dijonnais, les biscuitiers industriels Pernot.
4. Le patriotisme jusqu'au bout de la fourchette
Depuis l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine à la Prusse en 1870, la France avait toujours entretenu l'espoir de reconquérir les territoires perdus. L'école de la République prenait soin d'éduquer les enfants dans le patriotisme. Les exercices en classe mais aussi en plein air, au travers des bataillons scolaires armés de fusils en bois, incitaient les jeunes à la revanche contre l'Allemagne.
Ce patriotisme exacerbé se retrouve pendant le conflit jusque sur les menus composés aussi bien dans les banquets à l'arrière que par dérision dans les popotes de l'armée ou encore dans les camps de prisonniers.
Le Fonds Gourmand de la Bibliothèque Patrimoniale et d'Etudes de Dijon possède une collection de menus qui reflète parfaitement cet état d'esprit. Numérisée et mis en ligne, cette collection a été labellisée par la Mission du centenaire 14-18.
5. Fusillé en 1914, le premier soldat réhabilité en temps de guerre est un Bourguignon
La ville de Dijon a aussi été marquée par le combat mené par son député-maire Henri Brabant afin de faire réhabiliter un soldat fusillé un mois seulement après le début de la guerre, en septembre 1914.L'artilleur Eugène Bouret, vigneron à Dijon, avait été "sonné" par l'éclatement d'un obus lors d'une bataille en Alsace. Déboussolé, il a erré plusieurs jours avant d'être trouvé par un gradé. Accusé d'abandon de poste, il a été condamné à mort. Eugène Bouret a été le premier soldat fusillé, réhabilité en temps de guerre.
6. En 1916, avant la bataille de Fromelles, le premier Australien est tombé en Bourgogne
Des histoires de soldats restées inscrites dans l'Histoire, il y en a d'autres en Bourgogne. Celle du soldat australien William Edwin Gravell à Mussy-sous-Dun, en Saône-et-Loire, est édifiante. Engagé volontaire en 1915, il a combattu aux Dardanelles. Blessé à Gallipoli, il a ensuite fait partie du corps expéditionnaire australien acheminé en France pour prendre part à la bataille de Fromelles. Mais il est mort avant, en chemin, à bord du train qui l'emmenait de Marseille jusque dans la Somme.
Pour soulager par la fenêtre une envie pressante, il est monté sur la banquette du compartiment où il voyageait, et s'est malencontreusement penché à l'extérieur, peut-être pour mieux contempler dans une courbe ferroviaire le superbe viaduc de Mussy-sous-Dun. Il n'a pas pu voir le tunnel qui approchait et qui a causé sa chute mortelle du train. William Gravell a été enterré dans le cimetière communal, mais ni les autorités ni ses parents n'en ont été informés. Sa tombe n'a été "retrouvée" que cent ans plus tard, en 2005, grâce à une enquête menée par une institutrice du village, membre du Souvenir Français.
7. De la Saône à la Méditerranée, des sous-marins fabriqués en Bourgogne
Aujourd'hui cela paraît insolite, mais le fait est que de nombreux sous-marins sont sortis des ateliers navals du Petit-Creusot pendant la Première Guerre mondiale. A Chalon-sur-Saône, il existait une annexe des forges Schneider du Creusot située à l'endroit où débouche le canal du Charollais qui fait la jonction entre la Loire et la Saône (connu aujourd'hui sous le nom de Canal du Centre).
Les sous-marins construits à Chalon-sur-Saône, étaient embarqués à bord d'un navire spécial, un dock flottant, qui les acheminait jusqu'à la Méditerranée par la Saône et le Rhône.
Livrés à Port-Saint-Louis, les submersibles rejoignaient ensuite une station d'essai appartenant à la société Schneider dans la baie de Saint-Mandrier, près de Toulon.
8. A Mâcon, Monet-Goyon invente le véhicule qui rend leur mobilité aux mutilés de guerre
Monet-Goyon est surtout connu pour ses motos. De belles Françaises qui ont fait le bonheur de plusieurs générations d'adeptes de roues motorisées. Mais le succès de la marque a commencé par une géniale invention : le vélocimane. Ce tricycle sans moteur était destiné aux infirmes de guerre. Il était actionné par un mouvement des mains. " Le vélocimane pour remplacer vos jambes" disait la publicité dans les journaux de l'époque. Fabriqué à des milliers d'exemplaires, l'engin a été amélioré en 1919 par l'ajout d'une roue automotrice, devenant ainsi l'ancêtre du vélomoteur.
9. Les Bourguignons conquis par la démesure américaine
Lorsqu'ils sont entrés en guerre, les Américains ont choisi plusieurs sites en Bourgogne pour construire des hôpitaux, des camps de matériels et de ravitaillement des troupes. A Dijon, ils avaient installé leurs toiles de tente sur le terrain de La Maladière. Au nord de Dijon, une vaste plaine a été aménagée à Is-sur-Tille, où les Américains ont fait des travaux titanesques, sur 250 hectares, pour y implanter une base logistique composée d'une gare raccordée au réseau ferroviaire préexistant et d'un immense camp. Leurs troupes y étaient stationnées pour monter sur le front ou en revenir. Une vraie ville dotée d'un hôpital, d'une boulangerie industrielle, d'un théâtre et d'un cinéma.
A côté d'Is-sur-Tille, sur la commune de Lux, les Américains avaient établi un camp entièrement dédié aux chevaux : un dépôt de remonte doublé d’un hôpital vétérinaire pour soigner leurs chevaux blessés ramenés du front.
C'était le plus grand camp vétérinaire américain en territoire français.
A Beaune, entre janvier et avril 1918, un camp hôpital de 10 000 lits avait été construit, et un autre à Allerey en Saône-et-Loire. Mais ils n'ont pas servi longtemps puisque les combats ont cessé en novembre de la même année.
Après l'armistice et jusqu'à la signature du traité de Versailles en 1919, ces deux camps ont été transformés l'un en université, l'autre en école d'agriculture, afin de permettre aux Américains de poursuivre leurs études.
Au sud de Nevers, les Américains avaient également construit un camp et un raccordement à la voie ferrée existante pour acheminer hommes et matériels vers le front.
Afin d'éviter la gare de Nevers, ils avaient édifié un ouvrage connu sous le nom de "Cut-Off" de Nevers dont la partie la plus spectaculaire était un pont en bois de près de 450 mètres de long sur la Loire.
Les Américains avaient fait venir des centaines de sapins du Dauphiné. Chaque pile du pont comportait 40 troncs entretoisés et enfoncés de 7 à 8 mètres dans le lit du fleuve.
Commencé en juin et terminé en octobre 1918, le Cut-Off de Nevers n'a servi que 22 jours en temps de guerre. Il a été complètement démonté entre 1921 et 1925. L'association "La Sermoisienne" a sauvegardé le souvenir de ce qui est aujourd'hui une formidable page d'histoire dont il ne reste que quelques vestiges.
10. A 76 ans le plus âgé des engagés volontaire de la Grande Guerre était l'ancien maire d'Auxerre
Charles Surugue est connu pour avoir été le le doyen des poilus des armées alliées, autrement dit le plus âgé des combattants de la Première Guerre mondiale. Ancien ingénieur des Ponts et Chaussées, il était sapeur dans un régiment du génie.Charles Surugue est revenu de la guerre, il a a été réélu maire d'Auxerre en 1919. Décédé en 1921, il a eu droit a des obsèques en grandes pompes. Un monument a été élevé en sa mémoire. Plusieurs fois déplacé, on peut le voir aujourd'hui au bas de la contre-allée du boulevard de la Chaînette à Auxerre.