Replay. Pour le second tour des élections municipales à Strasbourg, France 3 Alsace organisait un débat le jeudi 25 juin. Pour cet ultime grand débat des municipales, Jeanne Barseghian (EELV), Alain Fontanel (LREM-LR), et Catherine Trautmann (PS) ont tenté de vous convaincre une dernière fois.
La mairie de Strasbourg, très convoitée (avec son architecture si particulière que vous pouvez apercevoir dans la vue panoramique ci-dessous), va accueillir un nouveau ou une nouvelle maire le dimanche 28 juin 2020. Pour cet ultime rendez-vous du second tour des élections municipales, Renaud Hartzer de France 3 Alsace a animé un débat le jeudi 25 juin. Il a opposé l'écologiste Jeanne Barseghian, la socialiste Catherine Trautmann, et le macroniste Alain Fontanel - associé avec Jean-Philippe Vetter des Républicains. Les cartes du premier tour ont été totalement rebattues pour le second à cause de cette alliance surprise à droite. Ce débat constituait le dernier affrontement des trois candidates et candidat, à deux jours du vote. Voici ce qu'il faut en retenir.
D'alliance il est justement question dès le début du débat. Alain Fontanel assume : "Il faut prendre ses responsabilités, il faut s'allier pour pouvoir gouverner une ville. On ne gouverne pas une ville tout seul. Et à Strasbourg, les coalitions à l'allemande, ça veut dire quelque chose. Ça reflète notre histoire et c'est présent à l'Eurométropole : tout le monde s'en félicite. Je ne vois pas pourquoi ce qui est bon pour l'Eurométropole n'aurait pas été adapté à la Ville. Strasbourg mérite que l'on se rassemble." Jeanne Barseghian diverge sur ce point : "J'ai acté des divergences de vision et de méthode. Mais depuis le 2 juin, je vois affluer des soutiens, par centaines, autour d'un projet clair, avec des aspirations très fortes au renouvellement des visages... et des pratiques." Et Catherine Trautmann enfonce le clou : "Je ne crois pas aux alliances de dernière minute sur des intérêts personnels."
Je ne vois pas pourquoi ce qui est bon pour l'Eurométropole n'aurait pas été adapté à la Ville. Strasbourg mérite que l'on se rassemble.
Mais c'est Alain Fontanel qui aura le dernier mot au sujet des alliances : "Je vois qu'il y a beaucoup d'hypocrisie. [...] Ce qui serait étonnant, c'est que se mettre d'accord est un défaut, et que la désunion serait une qualité. Nous avons fait le choix de la concorde et de la confiance. En face, c'est la discorde et la défiance. [...] Vous dîtes vouloir réunir les Strasbourgeois, vous n'avez même pas été capables de vous unir à deux." Interrogé peu après sur son caractère "opportuniste et carriériste" (par des adversaires via la presse, par sur le plateau), il confie : "Je n'ai pas d'autre ambition que Strasbourg. Je n'accepterai aucun poste, je n'aurai aucune autre candidature." Jeanne Barseghian, elle, remet l'écologie au centre du débat : "Le monde a changé. Concrètement, aujourd'hui, les questions écologiques, le réchauffement climatique, ça interpelle tout le monde et c'est au coeur des conversations."
Je ne crois pas aux alliances de dernière minute sur des intérêts personnels.
La vision à long terme de l'écologie est d'ailleurs abordée à nouveau peu après. Jeanne Barseghian déclame alors : "On entend beaucoup parler de plans d'urgence pour la crise qu'on a vécu. Mais c'est un avant-goût de changements plus profonds. Je souhaite fixer un cap. [...] C'est très concret : nous devons nous refixer une vision. Ce que je propose, c'est un pacte pour une économie locale durable. Ce que nous a appris la crise sanitaire, c'est que nous manquons de certaines activités essentielles sur notre territoire. Que nous avons besoin de renforcer les circuits courts, l'économie circulaire. Il n'est pas normal que l'on ait manqué de biens de première nécessité, comme des masques, sur notre territoire." Catherine Trautmann privilégie une approche différente : "J'ai beaucoup entendu mes deux compétiteurs parler de déclarations, de décrets d'urgence climatique... Je pense que quand on a peu de projets concrets, on décrète. Et que quand on décrète, on impose une politique. Moi, je ne veux pas imposer une politique au monde économique, je veux l'associer."
Ce que nous a appris la crise sanitaire, c'est que nous avons besoin de renforcer les circuits courts, l'économie circulaire.
Les têtes de listes s'écharpent ensuite sur la question des transports : calendrier de sortie du diesel, stationnement payant, gratuité du tramway... Mais là où tout le monde s'accorde, en revanche, c'est sur le marché de Noël. Pour Alain Fontanel : "Il faut remettre à plat le marché de Noël, sa sécurité, sa bunkerisation, mais aussi sa déconcentration dans les quartiers. Aujourd'hui, il y a trop de monde." Jeanne Barseghian pose son projet : "Un marché de Noël plus humain, reformaté, plus authentique, local, responsable, qui irrigue l'ensemble des quartiers." Et que veut Catherine Trautmann ? "Un marché de Noël décentralisé dans les quartiers, une direction artistique, une navette qui permet de faire le lien, une réouverture des stations de tram pour que tout le monde puisse y accéder. En somme, la réappropriation de la ville par tous les Strasbourgeois à cette période de l'année." Pour une fin de débat un peu plus consensuelle (à retrouver en intégralité dans la vidéo ci-dessous)...
Les chiffres du premier tour
Le débat oppose les trois candidates et candidat en tête du premier tour du 15 mars, qui avaient déjà débattu une première fois. Il s'agit de :
- Jeanne Barseghian (EELV, Strasbourg écologiste et citoyenne), avec 27.87% des voix
- Alain Fontanel (LREM-Modem + LR, 100% Strasbourg), avec 19.86% des voix
- Catherine Trautmann (PS, Faire ensemble Strasbourg), avec 19.77% des voix
Le "quatrième homme" du premier tour, Jean-Philippe Vetter (LR), a fusionné sa liste avec celle d'Alain Fontanel. Tandis que l'union attendue des forces écologistes et socialistes ne s'est pas faite. Ce second tour a lieu dans des conditions sanitaires particulières.
Les autres candidates et candidats étaient :
- Jean-Philippe Vetter (LR-UDI, Un nouveau souffle pour Strasbourg), parvenu au second tour avec 18.26% des voix
- Hombeline du parc (FN, Rassemblement pour Strasbourg), avec 6.27% des voix
- le binôme Kevin Loquais-Améris Amblard (LFI-Génération.s, Strasbourg en commun), avec 2.99% des voix
- Chantal Cutajar (DIV, Citoyens engagés), avec 2.17% des voix
- Patrick Arbogast (DIV, Égalité active), avec 1.20% des voix
- Clément Soubise (NPA, Strasbourg anticapitaliste et révolutionnaire), avec 0.82% des voix
- Louise Fève (LO, Faire entendre le camp des travailleurs), avec 0.43% des voix
- Mathieu Le Tallec (POID, Strasbourg 100% services publics), avec 0.30% des voix
Strasbourg en commun (SEC) a appelé à voter pour la liste écologiste de Jeanne Barseghian "à cause des conséquences sociales et écologiques dramatiques que porterait une victoire du tandem formé par la droite macroniste faussement moderne et la droite traditionnelle et archaïque". Plusieurs colistières et colistiers SEC ont rejoint son comité de soutien, comme la professeure de géographie Anne-Véronique Auzet : forte de ses connaissances universitaires, c'est une figure anti-GCO (Grand contournement ouest, projet d'infrastructure autoroutière décrié par les militantes et militants à fibre écologiste).
Inversement, l'adjointe Chantal Cutajar, portant une liste citoyenne, soutient Alain Fontanel pour son projet de "chambre de la participation citoyenne". Elle explique chez nos collègues des Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA) : "L’alliance passée avec Jean-Philippe Vetter me paraît être la seule voie pour respecter les Strasbourgeois. Aller à une quadrangulaire, c’était faire le choix de rafler tous les postes avec un minimum de voix. Le courage politique, c’est d’avoir fait cette alliance."
Le taux de participation a atteint 34.37%. Lors des municipales de 2014, il était de 49.68%.
Des enjeux pour une nouvelle ère strasbourgeoise
Ce débat portera sur les grands enjeux des municipales strasbourgeoises. Parmi eux, l'été approchant grandement, la question de la déminéralisation et revégétalisation des îlots de chaleur dans la ville. Après la crise du coronavirus, le soutien à la vie économique locale et la préparation d'une rentrée des classes, rendue particulière, sont aussi des points-clés. Plus encore qu'au premier tour, la prédominance de l'écologie et du local irrigue les programmes, toutes tendances confondues, notamment en matière de transports (en commun, diesel, etc.).
Jeanne Barseghian (EELV)
Jeanne Barseghian (Strasbourg écologiste et citoyenne) est âgée de 39 ans. Ex-Erasmus en Allemagne devenue juriste spécialisée en droit de l'environnement, elle adhère à Europe Ecologie Les Verts (EELV) en 2013. L'écologiste intègre le conseil municipal un an après. Elle y défend la fin des emballages en plastique dans les cantines (avec succès) ou le tourisme durable : ce sont ses chevaux de bataille.
Sa liste s'est ouverte au Parti communiste français (PCF) et à Génération.s, ainsi qu'au mouvement Place publique (PP). Elle propose notamment d'expérimenter un revenu universel à l'échelle de la commune. Parmi ses priorités si elle est élue : l'accompagnement des élèves qui n'ont pas pu bénéficier d'une éducation optimale pendant la crise du coronavirus.
Alain Fontanel (LREM-LR)
Alain Fontanel (Unis pour Strasbourg, anciennement 100% Strasbourg) est âgé de 51 ans. Conseiller à la Cour des comptes, initialement socialiste, passé chez les Marcheurs d'Emmanuel Macron en 2017, c'est le quatrième adjoint aux finances du maire de Strasbourg Roland Ries, en 2008. Il est bombardé premier adjoint en 2014, et chapeaute notamment le patrimoine, le marché de Noël, ou encore la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS), faisant de lui une personnalité politique incontournable.
Sa liste accueille le Mouvement démocrate (Modem) et Agir (mouvement de Fabienne Keller); et a fusionné avec celle de Jean-Philippe Vetter, des Républicains (LR). Cette alliance surprise (et critiquée) le rend mathématiquement favori du second tour. Il projette de mettre en place le programme "1000 révélateurs de talent". Son but, selon sa jeune colistière Rebecca Breitman : "Mettre en relation des actifs bénévoles et des jeunes en recherche d’emploi pour les entraîner à passer des entretiens, et leur faire profiter de leurs réseaux : un programme solidaire basé sur l’engagement citoyen." Priorité d'Alain Fontanel s'il est élu : alléger les taxes pesant sur les entreprises afin de refaire partir l'économie locale après la crise du coronavirus.
Catherine Trautmann (PS)
Catherine Trautmann (Faire ensemble Strasbourg) est âgée de 69 ans. Sa carrière est riche : conseillère municipale d'opposition en 1983, première maire (au féminin) de Strasbourg et d'une grande ville française en 1989, ministre de la Culture en 1997... sans oublier son passage par le Parlement européen (quatre mandats), et sa vice-présidence de l'Eurométropole de Strasbourg en 2014. On lui doit notamment la (re)naissance du tramway strasbourgeois, devenu l'un des symboles de la ville. Son remplacement au pied levé de Mathieu Cahn (empêtré dans sa gestion des harcèlements sexuels à la Maison des associations, et dans un scandale de photographies érotiques) permet de relancer la dynamique de la liste socialiste.
Sa liste bénéficie du soutien du Parti radical de gauche (PRG). Catherine Trautmann promet notamment une police du tramway et une brigade équestre pour faire respecter l'ordre. Élue maire de Strasbourg, l'une de ses priorités sera d'accompagner les jeunes en recherche d'emploi. À noter que sur la période de fin mai à fin juin, c'est Catherine Trautmann qui a le plus rencontré d'audience sur les réseaux sociaux, notamment via la publication de ses nombreuses vidéos sur Facebook (voir les données dans l'infographie ci-dessous).
Neuf débats à suivre en Alsace
France 3 propose ce type de débats dans de nombreuses grandes et moyennes villes de France (voir carte ci-dessous). En Alsace, les débats ont lieu avec les candidates et candidats de :
- Mulhouse (Haut-Rhin), le lundi 15 juin
- Ostwald (Bas-Rhin), le mardi 16 juin
- Wissembourg (Bas-Rhin), le mercredi 17 juin
- Sélestat (Bas-Rhin), le jeudi 18 juin
- Riedisheim (Haut-Rhin), le vendredi 19 juin
- Colmar (Haut-Rhin), le lundi 22 juin
- Illkirch (Bas-Rhin), le mardi 23 juin
- Kaysersberg (Haut-Rhin), le mercredi 24 juin
- Strasbourg (Bas-Rhin), le jeudi 25 juin
Le second tour des élections municipales n'a lieu que dans 14% des communes françaises, les autres ayant déjà (ré)élu leur maire dès le premier tour.