8 mars - féminicides, viols, violences, harcèlements : pourquoi un nouveau féminisme est né en 2019

Le 8 mars, la journée internationale des droits des femmes n’est plus la journée alibi pour permettre d’avoir la conscience sauve. La société, comme la presse, se sont saisies du sujet. Depuis longtemps, sur les sites internet régionaux de France 3, les voix des femmes résonnent.

Le 8 mars n’est plus une journée folklorique. Une de ces journées thématiques comme l’on en compte tant en France (près de 560 au bas mot). De ces journées où l'anecdote le dispute aux sourires. Assurément, cette journée internationale des Droits des femmes gardera sans doute un parfum particulier. Jamais, jusqu’alors, sans doute, l’année qui vient de s’écouler n’aura accumulé autant d’événements forts, ayant focalisé l’attention autour de la lutte pour l’égalité et contre les discriminations et violences faites aux femmes. Et cela dans de nombreux pays. Des faits comme autant de prises de conscience et de débats, voire d’affrontements.

Une condamnation pour viol et agression sexuelle

Aux USA, Harvey Wenstein, a été reconnu coupable à New york à l’issue d’un procès long et retentissant. Le 24 février dernier, cet homme, à l’origine du renouveau de la libération de la parole en amérique, et par delà les frontières, symbolisé par le #metoo, est à l’origine également du renouveau d’un féminisme que l’on croyait passé de mode… L’ancien producteur de cinéma a donc été déclaré coupable de viol et d’agression sexuelle par un jury populaire. Il évite le caractère agravant de "prédateur".
En France, aussi, la lutte contre les violences faites aux femmes a eu droit de cité plus que jamais, et a été éclairée d’un regard nouveau. Et il n’est plus besoin d’attendre ces premiers jours de mars pour mettre en exergue des situations trop souvent dramatiques que doivent supporter des milliers de femmes chaque jour.

Les sites de France 3 donnent la parole

Les 13 sites internet de France 3 ont de l’antériorité pour traiter de ces thématiques. Pour écouter les femmes et leur donner de la voix. Faire état de la violence à laquelle elles font face ou du harcèlement qu’elles subissent dans la rue ou leur travail. Il ne se passe pas une semaine sans que l’une de nos régions publie des articles de fond, des enquêtes, des portraits…Du plus proche au plus lointain… Parce qu’on le sait : n’existe que ce que l’on nomme.
Quelques-uns (et quelques-uns seulement) de ces articles des sites France3 sont cités ici. A commencer par celui-ci dans lequel nos journalistes ont recensé les titres de presse qui font état de la violence sexiste subie par les femmes, de l'humiliation au meurtre, partout dans le monde.
 

Un compteur macabre

En 2019, les projecteurs se sont braqués sur les violences conjugales et les crimes qui en découlent. Avec un décompte macabre, parfois quotidien, tenu par certaines associations ou groupes, notamment le collectif des “Féminicides par compagnons ou ex” dont la photo-bandeau Facebook arbore une banderole éloquente :“le machisme tue tous les jours”.  

Une méthodologie remise en cause

Ce recensement a dépassé les frontières des réseaux sociaux pour être largement repris dans les supports de presse, d’internet à la radio en passant par la télévision. Dans l’esprit au moins. Car cette incrémentation, comme inexorable, a été terriblement efficace pour dire, raconter. Parfois la méthodologie de récolte du comptage, basé sur la veille internet, a été remise en cause. 
 

Des manifestations dans la rue

Marches, manifestations. Les femmes et leurs soutiens ont pris la rue cette année. Elles ont été longtemps invisibles et muettes ; on les a vues et entendues. Relayés au fil des mois partout en France ces défilés ont servi de porte-voix, pour crier à la place de celles qui ne parviennent pas à se faire entendre ou qui ont disparu sous les coups de leur conjoint. Les sites internet de France 3 les ont relayés. Comme à Montpellier le 23 novembre dernier.

"Nous sommes le cri de celles qui n'ont plus de voix."

Montpellier marche contre les violences sexistes et sexuelles. Comme dans de nombreuses villes françaises, 1600 personnes ont avancé ensemble depuis la place de l'Europe pour dire stop aux violences sexistes et sexuelles dans le cadre d'un appel national. 
 

De #metoo au crime passionnel

Cette fois vraiment la cause féministe n’est plus un sujet que l’on sort une fois par an des cartons bien rangés. Les médias et le service public, singulièrement, libèrent de la place, ouvrent leurs colonnes, et leur temps d’antenne. Les mentalités évoluent. Les premières années du Mouvement de Libération des Femmes sont loin. La marche a été longue… Et souvent chaotique. Les plus jeunes, qui n’avaient pas vu, connu les premiers combats, semblaient se satisfaire de la situation. Les événements ont poussé ces nouvelles générations à être moteurs également. Après #metoo, #BalancetonPorc a libéré la parole jusque dans les endroits les plus reculés de France.
Femmes, hommes d’horizons et de régions diverses, se sont retrouvé.e.s pour dénoncer jusqu’aux mythes bien ancrés dans nos sociétés, avec ce que les mots cachent d’habitudes. Quand le vocabulaire cautionne de fait des meurtres qui hier encore valaient une peine moins lourde, parce qu’ils survenaient au sein d’un couple… France 3 Loraine a couvert l’action de @OsezLeFéminisme dans plusieurs villes de Moselle, dont le principal message est la nécessité d’en "finir avec le mythe du crime passionnel"
 
 

Un meurtre est un meurtre

Aujourd’hui, de plus en plus, un meurtre est un meurtre… 
Ninon, avait 20 ans. Elle a été tuée par son petit ami : la cour d'assises du Gard l’a condamné à 30 ans de réclusion criminelle.
Mais la justice connaît parfois des ratés, qui ne sont plus passés sous silence et indignent la population. A Nîmes, Ramon Cortès, qui avait pourtant été reconnu coupable par la cour d’assises des Pyrénées-Orientales le 25 octobre 2017, devait être remis en liberté faute de "délai raisonnable" concernant la tenue de son procès en appel.

 

Un grenelle à l’automne

Le sujet est devenu tellement central dans notre société que les pouvoirs publics s’en sont saisis. Une grande concertation sur les homicides conjugaux a été lancée le 3 septembre 2019. Ce “Grenelle” a débouché sur un rapport. Nicole Belloubet la Garde des Sceaux soulignait alors que " la chaîne pénale n'est pas satisfaisante". Un projet de loi a été présenté dans le courant de l’automne et adopté au début de l’hiver.

Si le législateur n’a toujours pas intégré dans la loi la notion de féminicide, nombreu.ses. observateur.ice.s s’en sont ému.e.s. Les études diverses réalisées durant la période de débat n’ont pas manqué. Certaines et non des moindres ont souligné le caractère récidivant du délit menant au crime. En étudiant les meurtres dans les couples sur sa juridiction, le parquet de Aix-en-Provence a relevé que 80% des auteurs s’étaient déjà rendus coupables de violences conjugales.
 

Les idées reçues sont têtues. Pour autant, les efforts des associations commencent à faire bouger les lignes. Ce ne sont pas des “drames familiaux”, ni des “drames de la séparation”, pas plus que des “crimes passionnels”.

 

L'explosion des témoignages des femmes martyrisées

De nombreuses femmes battues ont profité de cette exposition pour parler. Les journalistes de France3 ont recueilli des témoignages, sans doute une des armes les plus puissantes pour appréhender l’horreur qui mène trop souvent à la mort... de la part des proches des victimes aujourd’hui disparues. Comme la fille de cette femme de 40 ans tuée à coups de couteau par son mari à Oberhoffen-sur-Moder (Bas-Rhin), le dimanche 10 novembre à 23 heures. Ses mots sont terribles. Sa volonté : que l’on rende hommage, autant que justice, à sa mère.

 

Ces douze derniers mois, les confidences de ces femmes, jeunes et moins jeunes, nous ont emmenées sur le chemin de leur martyr. Des témoignages qui laissent longtemps groggy après les avoir lus. Comme cette rencontre avec Jeanne, 74 ans, dont 50 de violences conjugales. Elle était présente à la marche contre les violences sexuelles et sexistes le 23 novembre à Montargis où elle habite. Quelques jours plus tôt elle s’était livrée à nous.
 

Trouver le courage de parler

Mais la différence, cette fois aussi, c’est le nombre de femmes qui ont trouvé le courage de parler. Toutes ces femmes qui ont compris que sortir du silence permet d’aider le plus grand nombre à prendre conscience de l’ampleur du phénomène,  et de ses ressorts aussi. C’est également inverser le rapport de force ; parler c’est enfin amener la honte à changer de camp. Et engager les changements culturels nécessaires pour soulever la chape de plomb et commencer à déverrouiller les repères du patriarcat.  “Tu es à moi, tu fais ce que je te dis”, Laïla a été mariée à un homme violent.
 

Des nouveaux héros

Cette quête pour une justice égale pour toutes c’est aussi l’histoire de femmes et d’hommes qui s’engagent. Comme la procureure de la République du Gers en guerre contre les féminicides
 

Patronne du parquet d'Auch elle est la première magistrate à avoir utilisé le terme féminicide. Charlotte Beluet sait de quoi elle parle dans un département qui a vu les violences conjugales augmenter de de 30%.

Franchir la porte du commissariat

Pour que la justice passe, il faut que les victimes portent plainte. Et cela est aussi une autre affaire. Dépasser ses peurs est nécessaire. Comme tous les acteurs sont concernés, l’apprentissage de codes nouveaux est nécessaire. Pour ce faire, les pouvoirs publics ont engagé des actions pour former le personnel policier. Mais le pas est encore difficile à franchir.
Amélie Quéguiner, elle, a porté plainte le 6 février pour agressions sexuelles et viol auprès de la gendarmerie de  Roche-Chalais en Dordogne. Elle veut “donner le courage de franchir la porte du commissariat”
 

Apprendre à parler : une nécessité

S’exprimer s’apprend et demande du temps. S’exprimer et se reconstruire plus encore. L’association “Parler pour rompre le silence”, déjà installée à Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux et Paris, a ouvert une antenne à Rennes. Elle accompagne sur le chemin de la guérison les victimes et pour ce faire organise une fois par mois des rencontres. Venir, mettre des mots et surtout ne plus se sentir seule.

"Il fallait que l'on crache tout ça, avec des gens qui nous comprennent"


 Partout des gens s’engagent, des lieux d’accueil, des refuges apparaissent. Des manques subsistent bien sûr : des places dans les établissements existants ou carrément des structures dans certaines zones de France.  
Le mouvement est pourtant enclenché. Comme cette entité située dans les locaux du Médipôle de SOS Médecins d’Indre-et-Loire. De jour comme de nuit, depuis le printemps 2019 les femmes victimes de violences sont une des priorités. Plus loin dans la même région, à Blois, l'association de soutien et de lutte contre les détresses ASLD 41 propose un abri : le CHRS Astrolabe à Blois, un lieu d’hébergement et d’écoute. 48 femmes et 47 enfants ont été accueillis.e..

Informations pratiques pour les familles et ami.e.s

S’occuper des accompagnants est également essentiel pour aider celles qui en ont besoin.
On est souvent démuni face à ces situations. Beaucoup d’ailleurs s’en veulent de ne pas avoir identifié à temps les risques, ni perçu l’imminence du danger ayant mené à la mort de leur fille, de leur amie. France 3 Occitanie a proposé des informations pratiques pour aider à identifier une situation à risque ou à intervenir, anticiper les moments de crise. Et quand ce n’était plus possible, d’aider les femmes victimes de violences à sortir de ce cercle mortel. C’est le cas ici avec l'association toulousaine spécialisée Olympe de Gouges. 

Avec les Alpes-Maritimes, qui se classent parmi les départements les plus touchés, France 3 Côte d'Azur a également proposé un article proposant une approche pragmatique de cette thématique, avec des numéros d’aides, des listes d’associations ou des renseignements concernant le planning familial.

 

Le monde du sport brise le silence

Le monde du sport aussi a été secoué par la parole de victimes de harcèlement sexuel et de viol par leur entraîneur, durant leur jeunesse. De nombreuses affaires ont été mises au jour venant ainsi montrer que, même après la prescription des faits le plus souvent, il était essentiel pour elles de mettre fin à l’omerta. C’est Sarah Abitbol, la championne française de patinage qui a lancé le premier signal avec la parution de son livre. Elle y livre un témoignage poignant dans lequel elle parvient après “un si long silence” édtions Plon,  à dire qu’elle a été abusée entre l’âge de 15 et 17 ans par son entraineur, Gilles Beyer .
 
 
A la suite, une tribune publiée dans le site du Parisien, sera signée par des sportifs en exercice. « Nous, athlètes français de haut niveau, nous nous sentons révoltés. » Exprimant « soutien et solidarité » ils ont également, avec courage, assumé de se sentir responsables pour partie. 

 Dans cette tribune, ils appellent les victimes à témoigner, interpellent les responsables du sport français à intervenir pour que cessent ces pratiques. Et ils proposent un certain nombre de mesures :  notamment que « les casiers et les antécédents judiciaires des bénévoles, des entraîneurs et des dirigeants de clubs et de fédérations soient systématiquement contrôlés, par une cellule neutre, indépendante et dotée d’une capacité d’intervention. »

 

Parce que cette année n’est vraiment pas comme les autres, de nombreuses fédérations  instaurent sans attendre des mesures concrètes. Et puis le président de la fédération des sports de glace, Didier Galhaiguet, proche de l’entraineur dénoncé, après moultes atermoiements, rebondissements, et poussé par la ministre et ancienne nageuse de haut niveau Roxana Maracineanu, donne finalement sa démission.

D'autres sportives s’engouffrent dans la brèche et parlent. Pour elles-mêmes. Martine Olivier-Moulinot qui vit à Angers, ancienne patineuse artistique ou Catherine Gonseth, ancienne skieuse racontent leurs histoires. Près de 40 ans après les faits, 8 nageuses de l'équpe de France relatent également avoir été agressées au lycée climatique par leur entraîneur. La liste s'allonge et les histoires se ressemblent furieusement.

Certaines rapportent ce qu’elles ont vu et ressenti. Toutes jettent une lumière plus crue sur un phénomène qui n’est pas circonscrit à une seule fédération, à un sport unique. Emilie Fer, athlète azuréenne, sacrée championne olympique et championne du monde de kayak se livre à notre consoeur de France 3 Côte d’Azur.


"Les entraîneurs dormaient avec les sportives."


Les fédérations interviennent et soutiennent les femmes qui s’avancent. La fédération française de ski salue les déclarations de Claudine Emonet, après la révélation de son agression par son entraîneur au début des années 80.


Cela ne touche pas uniquement le haut niveau, et aucun sport n’est vraiment épargné. Les témoignages sont courants. L’association Colosse aux Pieds d’Argile s’en fait écho.

Parmi toutes ces femmes, certaines ne seront jamais reconnues comme victimes. Parce qu’il n’y aura jamais de procès, un des éléments essentiels à la reconstruction. Il est trop tard, délai de prescription oblige, ou le prédateur est mort : “mon entraîneur s'est suicidé”.  
 

Des violences médicales

Toute la société est secouée par des ouvertures successives sur des vérités cachées, tues, intégrées comme culturelles. Le monde médical n’est pas en reste. Ce n’est pas nouveau, mais les propos prennent cette année plus de poids. Ils montrent que les faits décris ne sont pas exceptionnels mais relèvent davantage d’un système qui ne fait pas cas de l’intégrité des femmes. L’opinion publique s’en émeut. Des femmes notamment victimes de violences gynécologiques. Des actes ou propos d'un(e) professionnel(le) de la santé liés aux organes sexuels d'une patiente auxquels elle n'a pas consenti, se joignent au concert de déclarations. France 3 Alsace s’empare du sujet et lance un appel à témoignage. Les propos recueillis sont édifiants.
 


Le harcèlement de rue, tristement banal

Ce panorama des violences ne serait pas complet sans l’évocation du tristement banal harcèlement de rue. A Strasbourg, Caroline, une étudiante strasbourgeoise de 24 ans, décide de dénoncer le harcèlement dont elle fait régulièrement l'objet.

j'en avais marre de me sentir rabaissée, déshumanisée, salie

Elle filme une vidéo qui sera reprise sur les réseaux sociaux. Des comportements qui tombent aujourd’hui sous le coup de la loi.

Des réseaux de solidarité anti-harcèlement

Avec l’opération « demandez Angela » un système d’alerte est créé pour venir en aide aux femmes victimes de ce type de harcèlement. Dans de nombreuses villes, à Reims, à Rouen ou comme ici à Caen. Des bars deviennent des refuges. Pour cela il suffit de prononcer trois mots pour une femme qui en éprouve le besoin « Où est Angela ? ».
Un code efficace et discret.
Strasbourg, c’est « Mademoiselle », un (faux) cocktail qui permet là encore discrètement de demander de l’aide dans un bar.
 

Le cinéma et les Césars

Cette évocation ne peut pas être refermée sans évoquer le mondial de football qui s'est déroulé en France. Qui aurait dit, quelques mois avant, que les matchs de l'équipe de France féminine seraient les 5 premières audiences de l'année à la télévision ? Et puis comment passer sous silence le Larousse accusé de sexisme avec la définition de certains mots. Comment ne pas revenir même rapidemment sur les accusations de l’écrivain Gabriel Matzneff de pédophilie par l’éditrice Vanessa Springoraaux ?

Et puis enfin, les Césars fin février. Adèle Haenel, qui avait témoigné à l'automne des agressions sexuelles dont elle avait été victime adolescente, restera surement un des symboles de cette année vraiment très particulière, assurément charnière.
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